Travaux de soudure bâclés à la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa

Selon l’Asahi, TEPCo a découvert que des soudures ont été bâclées par un sous-traitant à sa centrale de Kashiwazaki-Kariwa. La compagnie a déclaré avoir été informée anonymement à plusieurs reprises depuis le mois de mars dernier et les soudures devraient être refaites sur environ 1 220 sections, un processus qui prendra probablement jusqu’à l’été prochain. TEPCO avait prévu de reprendre l’exploitation du réacteur n° 7 à l’automne 2022, mais ce plan est désormais caduc.

Du gaz aurait dû être injecté dans la tuyauterie lors des soudures pour éviter l’oxydation, mais les soudeurs ne l’ont pas pas fait, entraînant des risques de détérioration rapide sur le long terme. Et comme cela concerne un équipement d’extinction des incendies, cela a une importance primordiale sur la sûreté. Sur 194 points de soudures contrôlé, TEPCo a trouvé des problèmes pour 74 d’entre eux, soit environ 40 %

TEPCO a interrogé 17 soudeurs et neuf ont reconnu ne pas avoir utilisé de gaz lors des travaux. Un soudeur a même déclaré avoir fait semblant d’injecter du gaz en insérant un tuyau dans la tuyauterie, sans en libérer. Les soudeurs auraient trouvé fastidieux de trimballer des bonbonnes de gaz et de les retirer du réacteur après avoir terminé. Au début, ils n’ont libéré qu’un petit volume de gaz et, par la suite, la plupart des soudeurs n’ont pas pris la peine d’utiliser le moindre gaz. En outre, ils ont falsifié leurs comptes-rendus de travail pour faire croire qu’ils avaient effectué leurs tâches correctement.

Aucun superviseur de Tokyo Energy & Systems, qui a sous-traité le travail, n’était présent sur le site pour vérifier que les soudures étaient effectuées correctement. L’entreprise ne disposait que des rapports falsifiés pour confirmer que le travail avait été effectué dans les règles de l’art.

TEPCO a déclaré que les 1 220 points soudés par le sous-traitant devaient être refaits. Elle a également déclaré que 317 autres points de soudure réalisés par trois autres sociétés avaient contrôlé de manière inexacte la concentration d’oxygène dans la tuyauterie, ce qui signifie que le travail devra également être refait.

Mais bon, TEPCo continue de proclamer que la sûreté est sa priorité n°1…

Re-re-remise en service d’Ikata-3

Le réacteur nucléaire Ikata-3, situé dans la province d’Ehimé, a connu de nombreux déboires judiciaires qui ont entraîné plusieurs arrêts. Shikoku Electric vient de le remettre en marche alors qu’il était à l’arrêt depuis décembre 2019. C’est en mars dernier que la haute cour de Hiroshima a finalement autorisé son exploitation, après l’avoir arrêté en janvier 2020.

L’exploitant a dû reporter sa remise en service initialement prévue pour octobre suite à des violations des règles de sécurité par un de ses employés qui est sorti sans autorisation à cinq reprises entre 2017 et 2019 alors qu’il était en service de nuit.

Arrivée du MOx envoyé par la France à Takahama

Du combustible MOx envoyé par la France est arrivé à la centrale de Takahama située dans la province de Fukui. Le dernier envoi de MOx remonte à 2017. Les 16 assemblages, qui incluent du plutonium issu du retraitement des combustibles usés, ont quitté Cherbourg le 9 septembre dernier et sont destinés aux réacteurs 3 et 4.

L’utilisation de ce combustible est récente au Japon puisque les premiers déchargements ont eu lieu en janvier 2020 et seulement 4 réacteurs y fonctionnent actuellement avec du MOx : Takahama 3 et 4, Genkai-3 et Ikata-3 (voir l’état du parc nucléaire japonais).

Les procureurs renoncent à inculper les anciens responsables de Kansai Electric

Neuf anciens cadres de Kansaï Electric (KEPCo) ne seront pas inculpés suite au scandale de corruption, par manque de preuve… Ils avaient pourtant reconnu avoir reçu de nombreux cadeaux de la part d’Eiji Moriyama, un ancien maire adjoint de Takahama. La compagnie avait porté plainte contre 5 de ses anciens cadres dirigeants. Mais l’enquête faisait suite à une plainte déposée par un groupe de citoyens. 

Un groupe d’experts indépendants, mandatés par KEPCo, avait conclu que 83 personnes, dont les anciens dirigeants, avaient reçu de l’argent et des cadeaux d’une valeur de 370 millions de yens pendant plus de 30 ans de la part de Moriyama. Ces auditeurs avaient également découvert que la compagnie avait versé un total de 260 millions de yens pour compenser la réduction de la rémunération de ses directeurs de juillet 2016 à octobre 2019 et avait également pris des dispositions pour que les administrateurs de l’époque soient remboursés pour la perte de revenus après leur départ à la retraite et leur parachutage dans des postes à temps partiel en tant que conseillers de l’entreprise ou à un autre titre.

Les procureurs ont conclu que l’attribution de projets de construction à des entreprises liées à Moriyama ne  constituait pas un acte de corruption ou un abus de confiance aggravé au sens de la loi sur les sociétés faute de preuves que Moriyama avait “fait des demandes illégales” à ces responsables. Cela s’est avéré impossible après la mort de Moriyama.

En ce qui concerne la compensation des administrateurs pour leurs pertes de rémunération, les autorités fiscales ont déterminé en juillet que cela revenait à “dissimuler des revenus” et ont ordonné à la société de payer un lourd impôt supplémentaire. Toutefois, les enquêteurs ont conclu que les anciens directeurs avaient assumé certaines responsabilités dans le cadre de leurs fonctions à temps partiel et que la décision de la direction de verser des paiements ne constituait pas un abus de confiance aggravé.

Frustré par la décision de non-inculpation, le groupe civique prévoit de demander le réexamen des affaires par un comité d’enquête du ministère public.

Un tribunal rejette la demande d’arrêt du réacteur nucléaire d’Ikata

Sept habitants des provinces d’Ehimé et de Hiroshima avaient saisi la justice pour obtenir l’arrêt provisoire du réacteur n°3 de la centrale d’Ikata. Ils ont été déboutés et devraient faire appel. L’affaire portait sur la question de savoir si l’exploitant, Shikoku Electric, avait pris en compte une vibration sismique suffisamment forte. Le tribunal a estimé que les résidents devaient apporter la preuve qu’il existe un risque tangible qu’un tremblement de terre plus important que le séisme de référence se produise. Ce séisme de référence conduirait à une secousse de 650 gals.

D’autres décisions de justice avaient entraîné la suspension de l’exploitation de ce réacteur. Les deux autres réacteurs de cette centrale sont arrêtés définitivement.

Le Japon promet des centrales à charbon décarbonées !

Le Japon qui est très dépendant des énergies fossiles et du charbon en particulier a refusé de s’associer aux pays qui se sont engagés à ne plus l’utiliser (sans pour autant réduire l’utilisation du pétrole !). Fumio Kishida, le nouveau premier ministre, a fait le voyage à la COP26 de Glasgow pour promouvoir ses centrales à charbon “décarbonées”. Le Réseau Action Climat International lui a remis son deuxième “fossile du jour” le 3 novembre. Le Japon avait déjà reçu ce prix en 2015 à Bonn.

Dans son communiqué, l’ONG explique que “Kishida s’est fait des illusions en rêvant d’utiliser l’ammoniac et l’hydrogène comme “énergie thermique à émission zéro”. Il doit se réveiller et comprendre que ces technologies nouvelles et coûteuses sont liées à l’extraction de combustibles fossiles et ne laisseraient que peu de chances d’atteindre les objectifs mondiaux de 1,5 °C. Nous avons besoin d’engagements concrets pour stopper la hausse des températures et d’une élimination progressive du charbon d’ici 2030, et non de cauchemars liés aux combustibles fossiles.”

Quel est cet ammoniac miracle qui doit réduire les émissions de CO2 du Japon ? Il s’agit du gaz NH3, à ne pas confondre avec l’ammoniaque qui est la solution aqueuse, connu pour son odeur désagréable et sa toxicité. Comme l’hydrogène, c’est un “vecteur énergétique” qui permet de stocker et de transporter l’énergie pour l’utiliser quand on en a besoin. L’ammoniac est plus simple à stocker et à transporter (lire ces explications très claires) et a déjà été utilisé pour faire avancer des véhicules. Comme on ne trouve ni hydrogène ni ammoniac dans la nature, il faut les fabriquer. Si leur utilisation n’émet pas de gaz à effet de serre, il en est tout autre pour leur fabrication. Et le moyen le plus courant pour fabriquer l’ammoniac de nos jours utilise des énergies fossiles ! Si le procédé utilisé (Haber-Bosch) est l’un des plus efficaces et performants de l’industrie chimique, il consomme (en raison des hautes pressions et températures requises pour la réaction) à lui seul près de 1% de la production énergétique mondiale ! Ce procédé représenterait ainsi plus de 17% de l’énergie consommée par le secteur chimique et pétrochimique (source). Bref, la production d’une tonne d’ammoniac à partir de gaz naturel engendre l’émission de deux tonnes de CO2. C’est le double à partir du charbon (source).

Alors le Japon veut importer de l’ammoniac dit “bleu”, c’est à dire fabriqué à partir de gaz naturel dans des installations équipées d’un système de stockage du CO2, une technologie qui est loin d’être maîtrisée. Les fournisseurs seraient l’Arabie saoudite (source), l’Egypte (source) et la Russie (source). Mais, comme l’explique à l’AFP, Shigeru Muraki, vice-président exécutif du Green Ammonia Consortium, dans un premier temps le Japon utilisera de l’ammoniac gris, c’est à dire polluant, parce que l’ammoniac bleu ne sera pas disponible dans les prochaines années en quantité suffisante, et l’ammoniac vert (produit à partir d’énergies renouvelables) encore moins. Bref, on est encore loin de la solution écologique !

Le Japon pourrait fabriquer l’ammoniac sur son territoire, mais ce doit sûrement être moins cher à produire dans des pays aux salaires bas et aux contraintes environnementales légères. Et les émissions de CO2 ne sont pas au Japon qui pourra afficher un meilleur bilan !

Une fois transporté au Japon, il faut des installations pour consommer cet ammoniac et le transformer en électricité. C’est là que les centrales à charbon entrent en jeu, car elles pourraient être partiellement reconverties. L’entreprise Jera, qui produit 30% de l’électricité du Japon, annonce, dans un communiqué, des essais dans sa centrale à charbon d’Hekinan située dans la province d’Aïchi : à terme, 20% du charbon de l’unité n°4 pourrait être remplacé par de l’ammoniac. Le charbon, quant à lui, reste tout aussi polluant !

La solution mise en avant par le Japon pour continuer à exploiter ses centrales à charbon n’est que de la poudre aux yeux. La conversion de toutes ses centrales entraînerait la consommation de 10% de la production mondiale d’ammoniac. Et il faudra éviter d’importantes émissions d’oxydes d’azote. Les projets énergétiques du Japon sont complètement irréalistes et le premier ministre ne connaît rien au sujet, comme il l’avait montré durant les débats qui ont précédé son investiture.

Mise à jour : Voir, à ce sujet, la note en anglais de l’ONG japonaise Kiko network, qui lutte contre le dérèglement climatique. Kimiko Hirata, directrice internationale, a reçu le prix Goldman en juin 2021.

Le maire favorable au site d’enfouissement des déchets nucléaires réélu à Suttsu

Des élections municipales ont eu lieu à Suttsu, un des deux villages de Hokkaïdô à s’être porté candidat à des investigations géologiques dans le but d’accueillir un site d’enfouissement des déchets radioactifs. Et c’est le maire sortant, initiateur de la candidature, qui a remporté le scrutin. Âgé de 72, il briguait un sixième mandat et pour la première fois depuis qu’il est maire, quelqu’un s’est présenté contre lui : il s’agit d’un opposant au site d’enfouissement âgé de 70 ans, qui a reconnu, après sa défaite, n’avoir pas de projet pour l’avenir de la commune.

Le village de pêcheurs de 2 800 habitants demeure très divisé sur le sujet. Avec 84%, le taux de participation a été élevé et le maire sortant a obtenu 56% des suffrages exprimés. Un référendum sera organisé à l’automne 2022, à l’issue de la première phase d’investigation géologique qui est uniquement bibliographique.

Arrêt de Mihama-3 à cause du retard dans la mise en place de mesures anti-terroristes

Le réacteur n°3 de la centrale de Mihama, située dans le province de Fukui, avait été remis en service en juin dernier. C’est le dixième réacteur qui redémarre depuis la catastrophe de Fukushima, mais le premier qui a plus de 40 ans. Il vient cependant d’être arrêté car son exploitant, Kansaï Electric, n’a pas renforcé les mesures anti-terroristes dans les temps. En 2019, l’Autorité de régulation nucléaire avait refusé d’accorder un délai supplémentaire et plusieurs centrales ont dû être arrêtées temporairement.

L’autorisation de prolongement de l’exploitation au-delà de 40 ans de Mihama-3 avait été demandée en avril 2015 et obtenue en novembre 2016. Kansaï Electric a donc eu 5 ans pour faire les travaux de renforcement de la sûreté entre temps, mais n’a pas fait ceux concernant la sécurité. Ils devraient prendre un an environ et la re-remise en service est prévue pour octobre 2022.

Mihama-1 et 2 ont été arrêtés définitivement en avril 2015.

COP26 : blablabla japonais

Pour garder la face, le Japon, comme les autres gros émetteurs de gaz à effet de serre, se devait de faire des annonces ambitieuses à la COP26, tout en essayant d’éviter des engagements contraignants. Rappelons que le projet annoncé lors du sommet sur le climat organisé par les Etats-Unis en avril dernier a pour but de réduire de 46% ses émissions de CO2 d’ici 2030 par rapport à 2013 et d’attendre la neutralité carbone en 2050. Le premier objectif est basé sur l’hypothèse que 30 réacteurs nucléaires seront remis en service d’ici 2030 alors que seuls 10 l’ont été depuis 2011… Ce n’est donc pas très réaliste. Le parti au pouvoir a, comme le gouvernement français, fait la promotion des petits réacteurs nucléaires modulaires, supposés plus sûrs. Mais qui peut croire qu’il va pouvoir développer un tel réacteur, trouver des sites et en construire plusieurs en moins de 10 ans !

Le nouveau gouvernement de Fumio Kishida a décidé, en amont de la COP26, de doubler la part des énergies renouvelables entre 2019 et 2030 afin d’atteindre de 36 à 38% des besoins en électricité. La part du nucléaire reste inchangée, de 20 à 22%. La part des énergies fossiles qui était de 76% en 2019 devrait passer à 41% en 2030, ce qui reste élevé. Cela inclut 19% produits à partir du charbon.

Comme l’ont rapporté plusieurs médias (voir le Japan Times), le Japon aurait fait du lobbying auprès du GIEC pour exclure du rapport la proposition d’arrêter les centrales à charbon et à gaz d’ici 9 à 12 ans respectivement. Il aurait fait la promotion de la séquestration du carbone à la place.

Ce nouveau plan énergétique prétend réduire autant que possible la part du nucléaire tout en maintenant que le nucléaire reste une source d’énergie importante ! Si la construction de nouveaux réacteurs n’est pas explicitement mentionnée, elle n’est pas exclue pour autant. Quant au retraitement, il reste l’option choisie par le Japon même si l’usine n’a toujours pas été mise en service et qu’il n’y a pas de débouché pour le plutonium extrait. La part du nucléaire était de 6% en 2019. Il ne sera pas facile d’atteindre 20 à 22% en 2030.

Ce nouveau plan énergétique a été soumis à une consultation du public en ligne pendant un mois, mais aucune révision majeure n’a été effectuée.

Nouveau premier ministre au Japon

Fumio Kishida vient de remporter la présidence du parti au pouvoir, le Parti Libéral Démocrate et va devenir le nouveau premier ministre du pays. D’habitude cette désignation résulte d’une lutte de clans. Cette fois-ci, une procédure plus ouverte a été organisée avec débats télévisés entre plusieurs prétendants. Si les membres du parti s’exprimaient au premier tour, seuls les parlementaires, redevables des instances du parti pour leur circonscription, votaient au deuxième tour…

Lors des débats, l’avenir énergétique du pays a été abordé. Ancien ministre des affaires étrangères, Kishida a défendu les petits réacteurs modulables (SMR) – japonais, bien-sûr – prétendument moins chers et la fusion nucléaire afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il n’y a pas de prototype de SMR pour le moment, ni de filière industrielle. Quant à la fusion, personne ne sait si on pourra un jour en tirer de l’électricité. Cela en dit long sur le niveau du débat et des propositions…

Tarô Kôno, qui avait la faveur des sondages car plus moderne, était plus critique envers l’énergie nucléaire et voulait favoriser le développement des énergies renouvelables. Selon l’Asahi, il voulait notamment abandonner le projet de retraitement des combustibles usés, actant ainsi l’échec de l’usine de Rokkashô-mura qui accuse déjà 25 ans de retard. Les trois autres candidats, dont le futur premier ministre, s’accrochent à ce programme, avec des arguments plus qu’étonnants : les centrales nucléaires japonaises ne pourraient pas tourner sans le retraitement, comme le rapporte le Japan Times. Et c’est ces gens qui doivent trancher le futur énergétique du Japon !

Ce quotidien rapporte aussi le lobbying de Kansaï Electric, qui a une forte influence dans la région, en faveur de Kishida et de son soutien à l’énergie nucléaire.