Futaba, qui héberge la centrale de Fukushima daï-ichi avec Ôkuma, est l’une des communes les plus touchées par la catastrophe nucléaire. La population y est toujours évacuée. Mais les autorités veulent toujours reconquérir les territoires perdus. Du riz vient d’y être repiqué pour la première fois en 10 ans. C’est la dernière commune de Fukushima où de tels essais sont effectués.
Seule une toute partie du territoire devrait rouvrir afin de maintenir l’existence de la commune, avec seulement 978 m2 de rizière prévus.
TEPCo a annoncé qu’elle allait ajouter 23 cuves pour entreposer l’eau traitée en attendant de pouvoir la rejeter en mer. Cela représente un volume de 30 000 m3, ou un peu plus de 200 jours de production. Le stock total pourra atteindre 1,4 million de mètres cube. Rappelons qu’avec les cuves existantes, la saturation est prévue pour l’automne 2022.
Selon l’Asahi, le ministère de l’industrie a affirmé que le gouvernement n’a pas prévu d’ajouter plus de cuves après cela. Mais, comme nous l’avons déjà signalé, même en rejetant de l’eau traitée dans l’océan, le stock continuera à augmenter, à un rythme moindre. Ces cuves supplémentaires ne seront donc pas de trop.
L’immense chantier de décontamination a entraîné de nombreux entreposages de déchets radioactifs disséminés un peu partout. Les déchets organiques doivent ensuite être incinérés et les terres, entreposées pendant une trentaine d’années sur un site centralisé, avant de trouver une meilleure solution.
Les déchets dispersés sont exposés aux intempéries. Par le passé, des sacs avaient été emportés par les eaux lors du passage d’un typhon. Le ministère de l’environnement avait alors inspecté 573 sites d’entreposage dans 10 provinces et avait pris des mesures de sécurisation pour certains d’entre eux, comme ajouter des filets de protection.
L’équivalent de la Cour des compte (Board of Audit) a contrôlé les sites inspectés par le ministère et vient de soumettre un rapport au parlement sur le sujet (qui est ici en japonais) dans lequel il alerte sur les risques encourus. Pour 549 entreposages, dont 170 à Fukushima gérés par le gouvernement, le ministère n’a pas vérifié s’ils se trouvaient dans des zones susceptibles d’être inondées en cas de tsunami ou de rupture de barrage. Par ailleurs, le risque tsunami a été vérifié pour 24 autres sites situé près du littoral, mais la rupture de barrage.
Les auditeurs ont aussi contrôlé 153 sites et ont trouvé que 5 d’entre eux sont exposés au risque de tsunami, et 3 à la rupture de barrage de réservoirs. Le ministère a répondu que ses inspections avaient été menées après le passage d’un typhon et qu’il n’avait pas regardé les autres agressions externes. Il le fera à l’avenir.
Par ailleurs, le board of audit a aussi contrôlé l’impact de la décontamination en termes de débits de dose dans les 11 communes où il y a eu des ordres d’évacuation. Sur 560 000 sites où les travaux de décontamination sont terminés depuis 2017, le niveau de dose ambiant n’a pas baissé pour 12 900 lieux contrôlés, soit 2,2%. Pour 50 000 autres lieux, soit 8,9% du total, le débit de dose ambiant avait baissé après la décontamination, mais il est remonté 6 mois à un an plus tard.
TEPCo annonce avoir reçu le 112ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 5,5 milliards de yens (41,5 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.
En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo a reçu un total de 10 039,9 milliards de yens (76 milliards d’euros au cours actuel) et cela ne suffira pas.
Les autorités régionales de Fukushima ont mis en ligne les documents de la 41ème réunion du comité de suivi sanitaire qui inclut la campagne de dépistage des cancers de la thyroïde chez les jeunes de la province. Les résultats détaillés sont ici en japonais. Une traduction officielle en anglais des principales données devrait être bientôt disponible et le blog Fukushima voices devrait proposer son propre résumé en anglais. Pour en savoir plus, lire ou relire notre revue de littérature scientifique sur le sujet.
Tous les jeunes de Fukushima, qui avaient moins de 18 ans lors de la catastrophe nucléaire ou qui étaient encore dans le ventre de leur mère, sont concernés (nés entre le 2 avril 1992 et le 1er avril 2012). Avec un dépistage tous les deux ans par échographie, certains jeunes en sont à leur 5ème examen médical. Après 20 ans, le dépistage suivant se fait à l’âge de 25 ans. Il n’y a pas eu d’évolution dans les données des 3 premières campagnes.
Lors de la quatrième campagne de dépistage, dont les résultats sont détaillés ici en japonais, 3 nouveaux cas de cancer suspecté sont apparus, pour atteindre un total de 30 cas. Parmi eux, 25 ont été confirmés par une intervention chirurgicale, soit 9 de plus que la dernière fois. Ce sont tous des carcinomes papillaires. A noter que sur une population cible de 294 242 jeunes, il y a eu 181 130 examens médicaux avec résultats connus, soit 61.6%.
Les autorités de la province de Fukushima publient aussi les données relatives à la cinquième campagne de dépistage qui a débuté en avril 2020. Sur une population cible de 252 828 jeunes, il n’y a eu, au 30 septembre 2020, que 3 070 examens médicaux, avec 2 138 résultats connus. Il n’y a pas encore eu d’examen complémentaire.
Pour les jeunes qui avaient moins de 18 ans au moment de l’accident et qui ont maintenant plus de 25 ans, les résultats détaillés en japonais sont ici. Il y a 8 cas de cancer suspecté, soit de plus que lors de la dernière mise à jour, dont 6 confirmés par chirurgie, soit 2 de plus.
On arrive donc à un total de 256 cas de cancers de la thyroïde suspectés chez les jeunes de Fukushima, dont 213 ont été confirmés lors d’une intervention chirurgicale. Il n’y a toujours qu’un seul cas qui s’est révélé être bénin après l’intervention (première campagne).
Le nombre de cas nouveaux, qui n’ont été détectés qu’à partir de la seconde campagne de dépistage (140), est plus élevé que le nombre de cas détectés lors de la première campagne (116), qui peut inclure des cancers qui existaient déjà avant la catastrophe nucléaire. Les cancers apparus à partir de la deuxième campagne se sont développés rapidement puisqu’ils n’avaient pas été détectés deux ans auparavant. Et, il y a toujours 8 cas de cancer de la thyroïde chez des enfants de Fukushima qui avaient 5 ans ou moins au moment de la catastrophe nucléaire. Alors que l’on ne peut pas exclure qu’une partie de ces cancers soient radio-induits, comme nous l’avons expliqué, les autorités n’avancent que le dépistage comme explication de l’augmentation du nombre de cas détectés.
Le tableau ci-dessous synthétise les données issues du dépistage officiel. Le taux de dépistage diminuant au fur et à mesure des campagnes, le nombre de cas réels est forcément plus élevé. De fait, les cas de cancer détectés en dehors du programme de suivi ne sont pas comptés, même si l’intervention chirurgicale a eu lieu à l’université de médecine de Fukushima, en charge du suivi… Enfin, le dépistage gouvernemental n’a lieu que dans la province de Fukushima alors que les provinces voisines ont aussi été touchées par les retombées radioactives. Les cas de cancer de la thyroïde qui pourraient y apparaître échappent aussi aux données officielles.
Dépistages avec résultat
Examens complémentaires terminés
Cytoponctions
Nombre de cancers suspectés
Nombre de cancers confirmés
Première campagne
300 472
2 091
547
116
101
Deuxième campagne
270 529
1 826
207
71
54
Troisième campagne
217 920
1 060
78
31
27
Quatrième campagne
181 130
868
74
30
25
Cinquième campagne
2 138
0
0
0
0
Plus de 25 ans
5 907
211
16
8
6
Bilan des campagnes de dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima au 30 septembre 2020
Ce rapport en japonais mentionne qu’au 31 décembre 2018, 180 des patients ont été opérés de la thyroïde à l’Université de médecine de Fukushima. Sur ces 180 patients, 161 ont été adressés suite à au programme de dépistage de la thyroïde et 19 ont été adressés par d’autres sources. Ce qui signifie que ces 19 cas, qui représentent environ 10% des interventions, ne sont pas pris en compte dans les données ci-dessus.
Sur ces 180 cas, 175 étaient des carcinomes papillaires, 2 des carcinomes folliculaires, 1 un carcinome peu différencié et 2 autres types de cancers de la thyroïde. Une thyroïdectomie totale a été réalisée dans 8,9 % des cas et une unilobectomie dans 91,1 % des cas. Le nombre de cas à très faible risque qui auraient pu bénéficier d’un suivi non opératoire était très faible. Le rapport mentionne aussi que des métastases des ganglions lymphatiques ont été trouvées dans 72 % des cas, une invasion du tissu périthyroïdien dans 47 % des cas et des métastases pulmonaires dans 1,7 % des cas.
Environ 940 000 personnes vivent dans un rayon de 30 km autour de la centrale de Tôkaï-mura située dans la province d’Ibaraki. Le réacteur n°2 ne peut être exploité que si un plan d’évacuation de ces personnes est mis en place. En mars dernier, la justice japonaise a suspendu les opérations de remise en service de cette unité, estimant que les plans d’urgence n’étaient pas réalistes.
Le Maïnichi a utilisé une procédure d’accès aux documents administratifs pour obtenir un compte-rendu de réunion qui révèle que les hébergements d’urgence ne sont pas adaptés. La requête des fonctionnaires territoriaux de la province d’Ibaraki à leurs homologues des provinces voisines était de sécuriser 2 m2 par personne hébergée. Mais pour faire le calcul, la surface totale du bâtiment – un gymnase ou une école – a été simplement été divisée par deux pour en déduire sa capacité d’accueil. Cela signifie que les couloirs, placards, toilettes… ont été comptés comme des surfaces pouvant accueillir des personnes déplacées !
443 000 personnes pourraient être accueillies dans la province d’Ibaraki en cas d’accident. Pour les 517 000 autres, il fallait trouver un hébergement d’urgence dans les provinces voisines de Fukushima, Tochigi, Chiba, Gunma et Saïtama. Les fonctionnaire territoriaux d’Ibaraki ont donc simplement fourni leur propre formulaire d’évaluation du nombre de places à leurs homologues des autres provinces.
Lors d’une réunion, qui a eu lieu le 26 septembre 2014, certaines personnes se sont étonnées de cette méthode d’évaluation, mais les responsables d’Ibaraki ont expliqué qu’il s’agissait d’une estimation grossière. Une autre s’est interrogée sur ce qui allait se passer si une école pouvant accueillir 1 000 personnes suivant ce calcul n’avait qu’une cinquantaine de places de parking dans la cour. La réponse a été qu’ils verraient plus tard pour les parkings.
La province d’Ibaraki voulait terminer son plan d’urgence pour mars 2015 et a donc pressé ses voisins de fournir les informations demandées rapidement. Elle a tenu les délais, mais le plan est bâclé…
Sur les 85 469 conteneurs de déchets radioactifs accumulés à la centrale de Fukushima daï-ichi depuis le début de la catastrophe, TEPCo ne connaît pas l’inventaire de 4 011, remplis avant novembre 2017. Elle va donc formuler un plan d’investigation… Selon le Maïnichi, la compagnie a reconnu qu’un de ces fûts fuyait à cause de la corrosion. Et quand des représentants de la Région sont venu inspecter la centrale, ils ont aussi découvert quatre fûts dont TEPCo ignorait tout. Et, il y avait 1,5 mSv/h au contact de l’un d’entre eux !
L’Asahi revient sur la fuite d’un conteneur rouillé qui a eu lieu début mars et a déclenché une alarme contrôlant l’eau de ruissellement. Elle avait, semble-t-il, été en contact de la matière noirâtre et collante très contaminée. Il se trouve qu’au même moment, 270 conteneurs étaient déplacés et l’un était rouillé, avec un trou au fond.
Officiellement, les conteneurs avec des déchets de moyenne activité et forte activité sont entreposés sous abri et ceux avec des déchets de faible activité, à l’extérieur. Ces derniers devraient être déménagés dans une nouvelle installation d’ici… mars 2029.
TEPCo ne sait ce qu’elle fera de ses déchets radioactifs. A cause d’eux, la remédiation du site devrait prendre un siècle, comme nous l’avions mentionné dans le bilan pour le dixième anniversaire.
TEPCo va manquer de place à partir de 2022 pour ses cuves remplies d’eau contaminée sur le site de la centrale de Fukushima daï-ichi et la solution retenue par les autorités est le rejet en mer, comme cela a finalement été officiellement annoncé en avril dernier. Mais, comme le souligne l’Asahi, un simple calcul permet de montrer que cela ne suffira pas et que la quantité d’eau stockée va continuer à augmenter. Il faudra donc trouver de la place autour de la centrale.
La contamination résiduelle de l’eau qui va être rejetée, en supposant que TEPCo l’a correctement traitée cette fois-ci, est dominée par le tritium, de l’hydrogène radioactif que l’on peut difficilement séparer. La concentration moyenne est de 620 000 Bq/L et le stock total dans les cuves de 780 TBq (source). Or, l’autorisation de rejet annuelle est de 22 TBq. En supposant que les autorités ne comptent pas les rejets en tritium via les nappes phréatiques et que cette autorisation soit entièrement utilisée pour l’eau des cuves, TEPCo ne pourra se débarrasser que de 35 000 m3 par an, ou 97 m3 par jour pendant une trentaine d’années. C’est moins que la quantité journalière d’eau qui s’accumule.
La quantité d’eau qui s’accumule dépend des précipitations et, ces derniers temps, les données hebdomadaires publiées font état d’une augmentation qui varie de 719 à 2 300 m3 par semaine, soit de 100 à plus de 300 m3 par jour.
Même avec le rejet en mer, le stockage va donc continuer à augmenter et TEPCo devra trouver de la place. La concentration de 620 000 Bq/L n’est qu’une moyenne et l’on imagine que TEPCo va commencer par l’eau la moins contaminée afin de se débarrasser de plus grands volumes au début. Il se peut aussi que l’autorisation de rejet soit relevée, une fois les rejets commencés. Mais, il y a de fortes chances pour que TEPCo doive trouver des terrains autour de sa centrale pour y mettre des cuves…
Le stock d’eau dans les cuves au 15 avril 2021 est, selon le portail, de 1 255 771 m3. Une grande partie a été traitée, mais mal traitée, et la contamination résiduelle dépasse les concentrations maximales autorisées pour un rejet en mer. Dans un document mis en ligne le 27 avril (copie), TEPCo vient de redéfinir sa terminologie pour qualifier l’eau entreposée dans les cuves. Ainsi, l’expression “eau traitée par ALPS” est désormais réservé à l’eau qui a été correctement traitée et dont la contamination résiduelle des 62 radioéléments retirés et du carbone-14 ne dépasse pas les concentrations maximales autorisées. Au 31 décembre 2020, cette eau représentait un volume de 323 900 m3 sur un total de 1 156 800 m3, soit à peine 28% ! Quant à l’eau qui doit être traitée une deuxième fois, majoritaire, elle n’a pas de nom officiel… Mais dans la suite du document, TEPCo parle d'”eau traitée par ALPS, etc”. Tout est dans le “etc” ! Cela doit faire partie des subtilités de la communication.