Les investigations de l’Autorité de régulation nucléaire pour comprendre l’accident à la centrale de Fukushima suspendues à cause de la COVID-19

En octobre 2019, l’Autorité de régulation nucléaire (NRA) avait relancé ses investigations pour comprendre le déroulement de l’accident nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi, profitant de la baisse des niveaux d’exposition à la radioactivité pour effectuer des inspections sur place. En décembre 2019, une vidéo avec des images impressionnantes de l’intérieur du bâtiment réacteur n°3 avaient été mise en ligne.

Le Japan Times, qui reprend une dépèche de l’agence Kyodo, annonce que ces inspections sont suspendues à cause de la COVID-19, afin de protéger les 4 000 travailleurs qui interviennent sur le site de la centrale accidentée.

Fin mars 2020, la NRA avait fixé 7 priorités et prévoyait d’envoyer des inspecteurs toutes les semaines ou quinzaines en avril et en mai. Mais, avec la déclaration de l’état d’urgence sanitaire à Tôkyô, le 7 avril, étendue à tout le pays le 16 avril, elle a dû suspendre ces déplacements. En effet, l’apparition d’un foyer de contamination au coronavirus sur le site de la centrale pourrait entraîner la suspension de nombreux travaux, dont certains sont importants pour maintenir la sûreté des installations.

Bien que l’état d’urgence soit maintenant levé, les inspections ne pourront pas être relancées rapidement car les fortes chaleurs estivales rendent le port des équipements de protection insupportable. Les investigations reprendront donc à l’automne et le rapport ne sera pas rendu avant la fin de l’année, comme prévu initialement.

Centième versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 100ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 11,3 milliards de yens (96 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo annonce avoir reçu un total de 9 531,3 milliards de yens (81 milliards d’euros au cours actuel), en incluant le présent versement et cela ne suffira pas.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications. Le total s’élève à 9 505,6 milliards de yens (81 milliards d’euros).

Arrêt du réacteur nucléaire Sendaï-2 à cause du retard dans la mise en place des mesures anti-terrorisme

En mars dernier, Kyûshû Electric avait été contrainte d’arrêter le réacteur n°1 de sa centrale nucléaire de Sendaï à cause du retard dans la mise en place des mesures de protection contre les attaques terroristes. C’est au tour du réacteur n°2 d’être arrêté pour les mêmes raisons. La centrale de Takahama, exploitée par Kansaï Electric devrait suivre (voir la liste des réacteurs concernés).

Kyûshû Electric espère redémarrer Sendaï-1 le 26 décembre 2020 et Sendaï-2 le 26 janvier 2021. Fin avril 2020, la compagnie annonce avoir réalisé 90% du gros œuvre et 70% des travaux d’électricité et de machinerie. Les travaux de renforcement de la sûreté devraient lui coûter 242 milliards de yens (2 milliards d’euros).

La centrale est située dans la province de Kagoshima. A noter que Genkaï-3, situé dans la province de Saga, sera arrêté en septembre 2020 pour maintenance. Kyûshû Electric n’aura alors plus qu’un seul réacteur nucléaire en exploitation, sur les quatre qui ont été remis en service depuis la catastrophe de Fukushima.

Le dossier de sûreté de l’usine de retraitement de Rokkashô-mura validé

L’Autorité de régulation nucléaire a fini par valider le dossier de sûreté de l’usine de retraitement de Rokkashô-mura, située dans la province d’Aomori. Cette décision est soumise à l’avis du public pendant un mois. Pour contribuer, c’est ici en japonais. Après cette étape, il y aura encore des contrôles. Selon le Président de l’autorité de régulation nucléaire, il peut se passer encore beaucoup de temps avant une mise en service, qui accumule déjà 24 années de retard… L’exploitant, quant à lui, vise une mise en service en 2021.

Les travaux de construction ont commencé en 1993 et devaient être terminés en 1997. Après la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima, l’exploitant, Japan Nuclear Fuel Ltd, a dû revoir son dossier de sûreté. Il a déposé une demande en janvier 2014. Mais plusieurs scandales ont entraîné des retards dans la procédure.

Cette usine, prévue pour traiter 800 tonnes par an afin d’en extraire le plutonium des combustibles usés, devrait coûter en tout, jusqu’à son démantèlement, 14 000 milliards de yens (120 milliards d’euros). Le coût de sa seule construction est passé de 760 à 2 900 milliards de yens (6,4 à 25 milliards d’euros). Mais, elle n’a rien produit jusqu’à maintenant, et son activité sera réduite en cas de mise en service car il n’y a pratiquement pas de débouchés pour le plutonium extrait. Ce n’est pas un investissement rentable.

Rappelons que seulement 9 réacteurs nucléaires ont été remis en service au Japon depuis la catastrophe de Fukushima, dont 4 qui sont autorisés à utiliser du combustible MOx avec du plutonium recyclé. Un a été arrêté par la justice, en janvier dernier. Le Japon prévoyait 16 à 18 réacteurs utilisant ce combustible MOx… Le surgénérateur Monju, a quant à lui, été arrêté définitivement en décembre 2016. Et comme le Japon s’est engagé, en 2018, de n’extraire que la quantité de plutonium nécessaire, cette usine de retraitement ne sert à rien, car il faut déjà écouler le stock de 45,7 tonnes de plutonium. A pleine capacité, l’usine de retraitement de Rokkashô-mura devrait produire 7 tonnes de plutonium par an.

Les autorités locales de Rokkashô veulent renvoyer les 2 968 tonnes de combustibles usés déjà entreprosées dans la commune si l’usine de retraitement est abandonnée. Et comme il n’y a pas de place dans les centrales nucléaires pour les reprendre, tout le monde fait semblant que l’usine sera mise en service…

Dans un éditorial, l’Asahi parle de non-sens au regard des nombreux problèmes que pose cette usine au regard de la prolifération nucléaire, de sa rentabilité économique, de son intérêt énergétique… Le Maïnichi aussi et, tout comme l’Asahi, appelle à l’arrêt du projet qui a déjà trop coûté. Dans un autre article, l’Asahi rappelle le sacrifice des populations locales à qui l’on avait promis un avenir radieux. Mais les projets de “modernisation” du territoire se sont révélés être chimériques.

Comme en France, toute cette chimère n’a que pour seul but de changer le statut des déchets nucléaires en matières prétendument valorisables, mais jamais valorisées, tout en gardant une technologie d’origine militaire. D’un côté, le Japon appelle au désarmement nucléaire, tout en refusant de signer le traité d’interdiction des armes nucléaires, et d’un autre côté, il veut accumuler du plutonium…