Alors que les piscines françaises sont proches de la saturation, KEPCo va envoyer des combustibles usés en France

Les piscines de combustible usé de KEPCo, dans la province de Fukui, sont proches de la saturation. Comme l’usine de retraitement de Rokkashô-mura n’a toujours pas démarré malgré les 26 années de retard, la compagnie d’électricité du Kansaï doit construire de nouveaux entreposages. Les autorités de la province de Fukui où sont toutes les centrales refusent que ce soit sur leur territoire. Elles veulent bien l’argent du nucléaire, mais pas les déchets… Et pour faire pression sur la compagnie, elles ne donneront leur accord à la remise en service des réacteurs les plus anciens (Takahama 1 et 3, Mihama 3) que si KEPCo présente une solution pour les combustibles usés. L’électricien a désespérément cherché un autre site d’accueil, en vain pour le moment. Alors, ce sera en France, où la saturation des piscines est aussi un problème ! Plus précisément, KEPCo va en envoyer 200 tonnes, soit à peine 5% de son stock de combustibles usés. Mais cela suffit au patron de la compagnie pour se vanter d’avoir tenu sa promesse, selon l’Asahi. Certains politiciens locaux ont exprimé leur mécontentement, mais la province et les communes concernées dépendent financièrement du nucléaire. Elles sont donc obligées d’accepter ce compromis.

En ce qui concerne le retraitement, seulement 4 réacteurs sur les 10 remis en service au Japon peuvent utiliser du combustible MOx qui permet de recycler le plutonium extrait. Et comme le stock de plutonium est déjà largement suffisant, il n’y a pas lieu d’en séparer plus, le Japon s’étant engagé à ne séparer que ce qui peut être consommé. Difficile d’envoyer des combustibles usés en France sans perspective de retraitement.

Côté français, le bilan du recyclage après 57 années d’efforts est bien maigre : 2% de l’uranium de retraitement et le plutonium qui ne représente que 1% des combustibles. Et comme il faut décider avant 2030 la poursuite ou non du retraitement, Orano doit présenter des perspectives d’amélioration pour convaincre. Bien qu’elle ait encore plus de 11 000 tonnes de combustibles à l’uranium naturel enrichi à retraiter, la compagnie veut se lancer dans le “multi-recyclage” en traitant aussi le Mox beaucoup plus compliqué à retraiter.

Alors KEPCo a annoncé envoyer du MOx en France pour tester le “multi-recyclage” comme s’il n’y en avait pas assez sur place… Plus précisément, l’accord porte sur l’envoi de 10 tonnes de combustibles MOx usés et 190 tonnes de combustibles classiques d’ici la fin des années 2020, comme l’explique la Fédération des compagnies d’électricité du Japon dans un communiqué. Les deux types de combustibles seront mélangés avant d’être retraités, au début des années 2030. 200 tonnes, c’est presque 2 années de production de Mox français alors que les piscines seront à la limite de la saturation à la fin des années 2020. Est-ce réaliste ?

Les deux pays peuvent ainsi donner l’illusion que le retraitement a de l’avenir et afficher le renforcement de leur coopération sur le nucléaire. Côté français, Orano table sur un parc de 18 EPR pour le “multi-recyclage”, alors qu’il n’y en a que 7 de prévus pour le moment (voir sa présentation du 12 juin dernier dans le cadre de la concertation sur le projet de piscine)… Quant au Japon, ce n’est pas avec ses 10 réacteurs remis en service depuis 2011, dont 4 moxés, qu’il pourra recycler les matières séparées à La Hague ou dans son usine de Rokkashô, si elle démarre un jour.