Pas de report des échéances pour la mise en place des mesures anti-terroristes dans les centrales nucléaires japonaises

Le 17 avril 2019, trois compagnies d’électricité, Kyûshû Electric, Kansaï Electric et Shikoku Electric, ont demandé à l’Autorité de Régulation Nucléaire (NRA) un report de l’échéance pour la mise en place de mesures anti-terroristes dans leurs centrales nucléaires. La NRA a refusé et menace d’arrêter les réacteurs qui ne satisferaient pas aux exigences dans les temps.

Face à la surcharge de travail, la NRA avait, dans un premier temps, évalué la réponse aux risques naturels, reportant à plus tard les risques terroristes. Puis, elle avait fixé à juillet 2018 la date limite avant de la reporter, car peu réaliste. Les exploitants du nucléaire espéraient un nouveau sursis…

Les nouvelles règles de sûreté introduites en 2013 laissent 5 ans après l’autorisation de remise en service d’un réacteur pour mettre en place une installation bunkérisée qui permettrait de maintenir le refroidissement en cas d’attaque comme un crash d’avion. Cette installation, située à plus de 100 m des réacteurs, inclut une salle de contrôle, des générateurs de secours, des pompes et d’autres équipements. Aucune centrale n’en est dotée à ce jour. Les trois compagnies qui ont remis en service des réacteurs nucléaires ne seront pas prêtes dans les temps et ont demandé un report, en vain. Les premiers réacteurs remis en service pourraient donc être arrêtés si les exploitants ne peuvent pas accélérer les travaux.

Réacteur Echéance Retard estimé REMIS En service
Kyûshû Electric
Sendaï 1 mars 2020 un an oui
Sendaï 2 mai 2020 un an oui
Genkaï 3 août 2022 ? oui
Genkaï 4 septembre 2022 ? oui
Kansaï Electric
Takahama 1 juin 2021 2,5 ans non
Takahama 2 juin 2021 2,5 ans non
Takahama 3 août 2020 1 an oui
Takahama 4 octobre 2020 1 an oui
Ôï 3 août 2022 1 an oui
Ôï 4 août 2022 1 an oui
Mihama 3 octobre 2021 1,5 an non
Shikoku Electric
Ikata 3 mars 2021 1 an oui
Japan Atomic Power
Tôkaï 2 octobre 2023 ? non

La NRA en fait une question de principe : il y a des règles et il n’y a aucune raison de les adapter car il n’y a pas eu de catastrophe naturelle qui est venue retarder les travaux, pour reprendre les mots de son président. Il s’agit d’un sérieux revers pour les compagnies d’électricité qui vont probablement être obligées d’arrêter les rares réacteurs péniblement remis en service. Chaque installation de secours coûterait de 50 à 120 milliards de yens (de 0,4 à 1 milliard d’euros). La tentation de procrastiner est grande, mais compenser la production d’un réacteur nucléaire arrêté par une centrale thermique coûterait de 40 à 60 milliards de yens, selon les exploitants, qui ne cessent de répéter que la sûreté est leur priorité n°1.

Et dire que le gouvernement japonais compte augmenter la part du nucléaire…

87ième versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 87ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 17,3 milliards de yens (140 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo a déjà reçu un total de 9 002,8 milliards de yens (72,6 milliards d’euros au cours actuel) si l’on prend en compte le présent versement et cela ne suffira pas.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications. 60,6% sont allés aux entreprises et propriétaires, le reste aux individus évacués.

TEPCo et des sous-traitants envisagent d’embaucher des travailleurs étrangers

Le Japon vient d’introduire un nouveau visa de travail pour les personnes qualifiées dans les secteurs où il y a des manques. TEPCo a organisé une réunion avec ses sous-traitants pour leur présenter le nouveau programme et les encourager à en profiter. En effet, avec des limites de doses rapidement atteintes, il y a besoin de beaucoup de main d’œuvre qualifiés à la centrale de Fukushima daï-ichi. La compagnie veut aussi embaucher à sa centrale de Kashiwazaki-Kariwa, dans la province de Niigata.

Tous les promoteurs du nucléaire qui prétendent que la radioactivité n’est pas dangereuse vont pouvoir se précipiter au Japon pour nettoyer le site. Le niveau de salaire doit être équivalent ou plus élevé que celui des Japonais. Mais le programme exige un niveau minimum de japonais pour pouvoir communiquer avec les collègues. A la centrale de Fukushima daï-ichi, il faut aussi pouvoir comprendre les risques spécifiques.

Il y a environ 4 000 personnes par jour sur le site de la centrale accidentée.

Selon les dernières données du ministère de la santé, du travail et des affaires sociales, plus de 20 000 travailleurs ont été engagés pour des travaux exposés à des rayonnements ionisant à la centrale de Fukushima daï-ichi depuis le 1er avril 2016. Parmi eux, 5, tous sous-traitants, ont déjà reçu une dose supérieure à 75 mSv alors que la limite est à 100 mSv sur 5 ans. 71 autres, aussi sous-traitants, ont reçu une dose comprise entre 50 et 75 mSv. Et 1 377 travailleurs, dont 33 employés de TEPCo, ont reçu une dose comprise entre 20 et 50 mSv.

Début du retrait des combustibles de la piscine du réacteur n°3 de Fukushima daï-ichi

Avec plus de quatre ans de retard par rapport aux plans initiaux, TEPCo a commencé le retrait des combustibles de la piscine du réacteur n°3. Elle contient 566 assemblages, dont 514 usés et 52 neufs, et les opérations devraient durer deux ans.

Une des causes du retard est liée à la grue de manutention commandée aux Etats-Unis. Il y a eu un problème avec la différence de voltage entre les deux pays… C’est ballot pour une compagnie d’électricité !

Parmi les 4 réacteurs accidentés, seule la piscine de la tranche n°4 a été vidée pour le moment. Pour les réacteurs où il y a eu fusion du cœur, les opérations doivent être téléguidées et observées par des caméras, car le débit de dose y est trop élevé pour des humains.

La compagnie a mis en ligne une vidéo de présentation des installations pour l’occasion, qui est reprise ci-dessous. La salle de contrôle est à 500 m du réacteur. A la fin de la vidéo, on voit la manipulation d’un assemblage, depuis la piscine jusqu’au conteneur de transport qui peut accueillir 7 assemblages. Une opération prend une heure. Une fois plein, le conteneur est descendu au niveau du sol par une grue pour un transport vers la piscine centralisée du site où il y a moins de risque de rupture en cas de nouveau séisme de forte amplitude.

Un assemblage mesure 4,5 m de long et pèse 250 kg. Quatre assemblages ont été retirés en ce premier jour.

Le communiqué de presse en anglais de TEPCo est ici. La compagnie a aussi une page dédiée aux opérations de reprise des combustibles de la piscine du réacteur n°3 avec un compteur qui permet de suivre la progression.

Une fois les opérations terminées pour le réacteur n°3, TEPCo va retirer les combustibles des piscines des réacteurs 1 et 2. Mais, elle devra faire face à d’autres problèmes. Pour le 1, le couvercle de l’enceinte de confinement a été déplacé, ce qui devrait probablement entraîner un niveau de dose encore plus élevé. Après avoir retiré les débris qui résultent de l’explosion hydrogène, il faudra remettre le couvercle. Pour ce qui est du réacteur n°2, il n’y a pas eu de destruction du bâtiment réacteur, mais le niveau de dose y est particulièrement élevé.

Mise à jour du 23 avril 2019 :

TEPCo a retiré 7 premiers assemblages, neufs, qui ont été transportés vers la piscine centralisée située à une centaine de mètres du réacteur n°3. L’agence de presse japonaise Kyodo a filmé le transport depuis un hélicoptère. Cela ne présente pas un grand intérêt, mais cela permet d’avoir quelques images aériennes récentes :

Importation en Corée d’aliments en provenance de Fukushima : l’OMC tranche faveur de la Corée en appel

Plusieurs pays ont introduit des restrictions à l’importation d’aliments en provenance du Japon. C’est le cas, en particulier, de la Corée, de la Chine et de Taïwan qui ont des relations de voisinage tendues avec le Japon. La Corée avait interdit l’importation de produits de la mer en provenance de plusieurs provinces japonaises suites aux scandales à répétition de l’été 2013 sur des fuites d’eau radioactive en mer. Il s’agit d’Aomori, Iwaté, Miyagi, Fukushima, Ibaraki, Tochigi, Gunma et Chiba.

Le Japon a décidé de saisir l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans le cas de la Corée, qui lui a donné raison, dans un premier temps. Mais la Corée a fait appel et vient de gagner. Elle a donc décider de maintenir les interdictions.

La page dédiée à ce conflit sur le site de l’OMC est ici en anglais. Les documents relatifs à l’appel sont aussi disponibles en français. Je laisse le lecteur se reporter à ces documents si cela le passionne.

Dans l’année qui a précédé ces restrictions à l’importation en août 2013, la Corée aurait importé pour 11 milliards de yens de produits de la mer du Japon. Ce serait descendu à 8,4 milliards de yens l’année suivante, selon le gouvernement japonais.

Levée de l’ordre d’évacuer dans une petite partie d’Ôkuma

Comme prévu, l’ordre d’évacuer a été levé dans deux districts d’Ôkuma, une des deux communes qui accueillent la centrale nucléaire accidentée de Fukushima daï-ichi. Les habitants concernés pouvaient déjà passer la nuit chez eux depuis un an afin de préparer leur retour, à condition de s’inscrire. Seulement 48 personnes l’avaient fait. Un sondage de janvier 2018 montrait que seulement 12,5% de la population accepteraient de rentrer.

Seulement 367 habitants sont enregistrés dans ces deux districts, Ogawara et Chûyashiki, alors qu’il y avait 10 341 habitants dans la commune avant la catastrophe, mais ils couvrent environ 40% du territoire de la commune. Cette décision est avant tout idéologique : le Japon ne renonce pas. Le gouvernement espère que 500 personnes environ rentreront et que 200 autres viendront s’y installer, en plus des 700 travailleurs du nucléaire hébergés dans une résidence dédiée depuis 2016.

Les deux districts sont à environ 7 km de la centrale, vers le Sud-Ouest. Le nouvel hôtel de ville devrait ouvrir le mois prochain et un service de bus devrait être mis en place à partir de juin pour assurer la liaison avec la ville voisine de Tomioka. De nouveaux logements seront aussi construits, comme dans les autres communes évacuées. Les 50 premiers devraient être livrés en juin. Un centre de soin et une clinique sont prévus pour 2020 et 2021 respectivement. Le reste d’Ôkuma est toujours classé en zone dite de “retour difficile”, mais les autorités veulent rouvrir le centre avant 2022. Une partie du territoire a été convertie en centre d’entreposage des déchets radioactifs issus de la décontamination. Ils ne seront pas enlevés avant 2045, au plus tôt.

A Tomioka, où l’ordre d’évacuer a été levé le 1er avril 2017, seulement 922 personnes sont rentrées et les 2/3 sont des hommes.

La nouvelle carte des zones évacuées est ici sur le site du ministère de l’économie (copie).

Dépistage du cancer de la thyroïde à Fukushima : encore 5 nouveaux cas

Les autorités régionales de Fukushima ont mis en ligne les derniers résultats à la date du 31 décembre 2018 de leur campagne de dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de la province. Il s’agit du 34ième rapport. Les résultats détaillés sont ici en japonais. Une traduction officielle en anglais des principales données devrait être bientôt disponible et le blog Fukushima voices devrait aussi proposer son propre résumé en anglais.

Rappelons que les autorités ont déjà effectué trois campagnes de dépistage et lancé la quatrième en avril 2018. Ce suivi s’effectue tous les 2 ans jusqu’à l’âge de 18 ans. Puis, un nouveau contrôle est prévu à partir de 25 ans. Les premiers enfants de moins de 18 ans au moment de la catastrophe ont eu 25 ans. Lors du bilan précédent, les autorités japonaises ont donc ajouté une nouvelle rubrique dans leurs données. Ces dernières n’ont pas été mises à jour depuis.

A noter que l’IRSN, dans le bilan publié à l’occasion du 8ième anniversaire de la catastrophe nucléaire, ne mentionne ni la quatrième campagne de dépistage, ni les résultats pour les plus de 25 ans. Il ne prend pas en compte les données les plus récentes.

Les autorités n’ont pas publié de mise à jour détaillée pour les deux premières campagnes de dépistage, mais le bilan global en japonais ne fait pas apparaître de changement. Le tableau ci-dessous reprend donc les chiffres de la dernière fois.

Pour la troisième campagne, trois nouveaux cas de cancers suspectés sont apparus et deux cancers supplémentaires ont été confirmés suite à une intervention chirurgicale. Cela fait donc un total de 21 cas suspectés, dont 15 ont été confirmés lors de cette campagne. Le bilan détaillé est ici en japonais.

Pour ce qui est de la quatrième campagne de dépistage, deux cas de cancer suspecté sont apparus sur 60 777 jeunes qui ont été contrôlés avec réception des résultats. Seulement 26,2% des jeunes concernés ont été auscultés à la date du 31 décembre 2018. Le bilan détaillé est ici en japonais.

Pour les jeunes qui ont atteint l’âge de 25 ans en 2017, les données n’ont pas été remises à jour depuis la dernière fois et datent donc toujours du 30 septembre 2018. Rappelons que sur les 22 653 jeunes nés en 1992 concernés par le dépistage, 2 005 ont été auscultés et 1 989 résultats sont connus. Parmi eux, deux cas de cancer de la thyroïde ont été découverts. Il n’y a pas eu d’intervention chirurgicale à la date du 30 septembre 2018.

Au total, on arrive à 168 cas de cancers de la thyroïde confirmés sur 211 suspectés, plus toujours un seul cas qui s’est révélé bénin après la chirurgie. Les autorités continuent à prétendre que ce très fort excès de cancers de la thyroïde n’est pas dû à la catastrophe nucléaire.

Dépistages avec résultat Examens complémentaires terminés Cytoponctions Nombre de cancers suspectés Nombre de cancers confirmés
Première campagne 300 472 2 130 547 116 101
Deuxième campagne 270 540 1 874 207 71 52
Troisième campagne

217 530

995 64 21 15
Quatrième campagne

60 777

90 6 2 0
Plus de 25 ans (30/9/2018)

1 989

58 3 2 0

A noter que les autorités n’opèrent plus aussi systématiquement et proposent plutôt une surveillance médicale, sauf si les familles préfèrent la chirurgie.

Le suivi médical contient des données en japonais sur d’autres pathologies.

Complément au 86ième versement financier

Le 22 mars dernier, TEPCo annonçait avoir reçu le 86ième versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations, à un niveau exceptionnellement élevé : 197,6 milliards de yens (1,6 milliards d’euros au cours du moment). C’est 10 fois plus que le mois précédent. La compagnie vient d’annoncer un versement complémentaire de 19,9 milliards de yens (160 millions d’euros). Le 86ième versement est donc de 217,5 milliards de yens (1,74 milliard d’euros) !

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation dont il n’est plus fait mention, TEPCo a déjà reçu un total de 8 985,5 milliards de yens (72 milliards d’euros au cours actuel) si l’on prend en compte le présent versement et cela ne suffira pas. Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications. Le total est de 8 962,0 milliards de yens (presque 72 milliards d’euros). La part pour chaque catégorie n’a pas beaucoup changé depuis la dernière fois.