L’autorité de régulation nucléaire a étudié la situation dans les zones dites de retour difficile et le verbatim est en ligne en japonais uniquement. Les discussions, aussi disponibles en vidéo, s’apparentent à une conversation de pause café. Voir la page de la réunion.
Les experts commencent à regarder une carte de la contamination basée sur des relevés effectués à partir d’une voiture et à pied. Quelques points chauds en bord de route sont pris en compte et sont représentés par des triangles. La valeur la plus élevée atteint 8,48 µSv/h à Futaba, ce qui est très élevé. Que la NRA se contente de quelques relevés alors qu’il y a de nombreux autres résultats de mesure disponibles est pour le moins surprenant. Presque sept années depuis le début de cette catastrophe, il n’existe aucune synthèse officielle de toutes les données de la contamination qui intègrerait les mesures citoyennes au plus proche des préoccupations des populations. A noter qu’un réseau de laboratoires indépendants auquel appartient Chikurin, le laboratoire fondé avec le soutien de l’ACRO, a sa base de données commune.
Se contenter de quelques relevés effectués le long des routes et rues n’est pas suffisant : quid des terrains agricoles, jardins, aires de jeu… La variété des situations et des expositions éventuelles doit être évaluée sérieusement avec les personnes potentiellement concernées.
Comme les niveaux de pollution restent élevés et que la décontamination est peu efficace, certains commissaires de la NRA proposent de revoir le calcul de dose. Comme nous l’avons expliqué dans un article dédié, les normes internationales sont en sievert par an, et la mesure sur le terrain est en sievert par heure. Pour passer de l’un à l’autre, il faut considérer un budget temps. Le modèle fixé au début de l’accident pour effectuer le calcul entre les deux suppose que les résidents passent 8 heures par jour à l’extérieur et qu’à l’intérieur, le débit de dose est réduit de 60%. Ainsi, la limite de dose en situation normale, fixée au niveau international à 1 millisievert (mSv) par an correspond ainsi à un débit de dose moyen de 0,23 microsievert (µSv) par heure. Ce calcul est certes conservateur, mais la limite de 1 mSv n’est pas une limite d’innocuité, mais une limite à ne pas franchir. Il faut rester bien en dessous. Viser 1 mSv/an avec un calcul conservateur permet de s’assurer que les doses réellement reçues seront bien inférieures.
Des commissaires veulent remettre en cause ce calcul sous le prétexte que les personnes équipées de dosimètres ont enregistré des doses à 15% de celles obtenues par calcul. Et donc on peut accepter un débit de dose plus élevé. Là encore, cette affirmation ne repose sur aucune étude sérieuse : il s’agit d’un chiffre moyen et l’on doit protéger tout le monde. Les tests ont été effectués sur des personnes volontaires qui font attention à leur exposition, d’autant plus que leur dose est enregistrée et surveillée. Rien ne permet d’affirmer que toute la population se comportera de la même façon. Enfin, comme nous l’avons expliqué dans le rapport pour les 5 ans de la catastrophe les dosimètres et les radiamètres de terrain ne mesurent pas la même chose. Il y a 30 à 40% d’écart entre les deux. Et cela n’avait jamais été expliqué aux personnes concernées, comme nous l’avions révélé en janvier 2015, ce qui avait déplu à l’IRSN.
Le seul problème pour ces commissaires, qui proposent de passer à 0,8 voir 1 µSv/h au lieu de 0,23 µSv/h, c’est l’acceptabilité sociale du changement de méthode de calcul ! Avec aussi peu de sérieux dans l’évaluation et l’argumentation, pas étonnant que le public n’ait pas confiance.
Cette volonté de changer de thermomètre est un aveu d’échec. Ce qu’il y a d’inquiétant dans cette histoire, c’est que la NRA soit plus préoccupée par la reconstruction que par la protection des populations concernées. Jamais, il n’est question des enfants qui sont plus sensibles aux radiations par exemple.
Rappelons que la limite de 1 mSv/an est un objectif à long terme, sans calendrier précis, fixé par les autorités japonaises et que la politique de retour est basée sur une limite 20 fois plus élevée, qui correspond à la valeur haute des recommandations de la CIPR relatives à ce qui est généralement nommé “une situation existante”, à savoir une pollution difficile à réduire. 20 mSv se traduisent par une limite de 3,8 microsieverts par heure (µSv/h) par la même méthode de calcul.
L’enjeu de la proposition de la NRA concerne donc la limite pratique à très long terme. Dit autrement, cela signifie accélérer la fin de la catastrophe en changeant la limite acceptable ou réduire les exigences en terme de décontramination. Selon nos informations, ce sujet est à l’ordre du jour du prochain “National Radiation Council” du MEXT, à savoir le ministère en charge des sciences et technologies.
Il y a fort à parier qu’une fois le calcul changé, il va être appliqué à la limite haute de 3,8 µSv/h qui ne fera pas plus 20 mSv/h, mais peut-être 5 mSv/an. Ainsi les autorités auront réduit la limite apparente pour le retour des populations sans rien changer sur place par une simple modification des règles de calcul !