Les forts rejets de poussières radioactives dus aux négligences de TEPCo

On s’en souvient, le démantèlement de la partie supérieure du réacteur n°3 avait entraîné le rejet de poussières radioactives qui ont été détectées assez loin de la centrale accidentée. Une douzaine de travailleurs ont été contaminés alors qu’ils attendaient le bus sur le site de la centrale. Ces rejets ont un temps été soupçonnés d’avoir contaminé du riz à Minami-Sôma, à une vingtaine de kilomètres de la centrale. La NRA a conclu, depuis, qu’il fallait chercher la cause ailleurs. L’IRSN n’était pas aussi catégorique.
TEPCo a mis du temps à reconnaître ces rejets anormalement élevés. Les riverains sont inquiets. Les autorités, qui veulent que les habitants reviennent chez eux, aussi.
Pour le réacteur n°1, qui va suivre, TEPCo a d’abord retiré le toit provisoire, aspergé une résine qui fixe les poussières, montré que la radioactivité ambiante n’avait pas augmentée. Elle a, depuis, remis le toit. Le démantèlement a pris du retard à cause de cette histoire.
La NRA vient de révéler que TEPCo avait dilué la résine aspergée au dessus du réacteur n°3 en 2013 et que c’est la cause des rejets anormaux ! Et elle n’en a pas aspergé régulièrement comme elle aurait dû.
L’Asahi explique que pour le réacteur n°4, dont la partie supérieure a été démantelée en premier, la résine était aspergée la veille des travaux et juste avant. La solution était utilisée pure ou diluée d’un facteur 10, conformément aux recommandations du fabricant. Ce type de produit est utilisé en cas d’amiante.
Mais pour le réacteur n°3, à partir d’août 2012, la solution a été diluée d’un facteur 100 et n’a été aspergée que de temps en temps. Même pas toutes les semaines. Pour le fabricant, c’est comme avoir aspergé de l’eau. Les poussières doivent être humidifiées au moment des travaux pour éviter leur remise en suspension.
La compagnie n’a même pas testé la nouvelle procédure avant de l’appliquer. Les alarmes ont sonné deux fois au cours de l’été 2013 à cause du taux anormalement élevé de radioactivité dans l’air. Il n’y avait que deux aspersion durant l’été 2013 : une à la mi-juin et une à le 13 août. Cela n’a pas empêché le plus fort rejet le 19 août qui a été 6 700 fois plus élevé que dépassé la « normale ». Et en octobre 2013, la compagnie a repris les procédures normales avec dilution d’un facteur 10 et aspersion quotidienne. Les mauvaises pratiques auront duré presque un an !
Il n’y a rien en anglais sur le site de TEPCo à ce propos. Quelle est la part de mise en scène pour le réacteur n°1 alors que la compagnie connaissait très bien la cause des problèmes ?
Quant à la NRA, elle a demandé à TEPCo de suivre les procédures normale et elle va contrôler de plus près les opérations. Mais pas de punition.
TEPCo reste TEPCo et quand les Japonais n’ont pas confiance, ils sont victimes de « rumeurs néfastes »…

Encore beaucoup de stress chez personnes touchées par la catastrophe nucléaire

L’Asahi publie une interview d’un psychanalyste de l’université de Fukushima qui a travaillé auprès des mères de famille de Fukushima. Il a noté que 24% d’entre-elles sont dépressives alors que ce taux est généralement de 15% au Japon. Il y a un corrélation entre la dépression et l’inquiétude de l’impact des radiations sur les enfants.
De fortes différences de comportement demeurent entre les familles : la nourriture vient parfois d’ailleurs, les enfants ne sont pas autorisés à jouer dehors. Dans d’autres familles, aucune précaution particulière n’est prise. Mais même ces dernières ne font du soucis pour l’avenir de leurs enfants.
La radioactivité est devenue un sujet dont on ne parle plus. Il y a la crainte d’être critiqué par les autres en cas d’opinion divergente. Les personnes évacuées, qui touchent une indemnisation de TEPCo, sont parfois traitées de profiteurs et font souvent profil bas.
Or, il y a un besoin d’échange sur le sujet. Le psychanalyste propose donc d’organiser des petits groupes de discussion où les familles peuvent échanger avec des spécialistes. Le but est de dépasser les questions générales couvertes lors des premiers temps de la catastrophe pour se focaliser sur les questions particulières en laissant les personnes concernées s’exprimer. Cela nécessite une certaines confiance envers les spécialistes qui s’engagent dans ce genre de réunions.

Fin de l’indemnisation pour les activités commerciales

Actuellement, les travailleurs indépendants et les PME des 11 communes évacuées peuvent recevoir des indemnisations. Mais ce soutien doit s’arrêter en février 2015. En dehors des zones évacuées, les activités commerciales qui souffrent des « rumeurs néfastes » reçoivent une aide sans limite officielle. Va-t-elle continuer ?
Face à une telle situation, les autorités locales ont demandé au gouvernement et à TEPCo de clarifier leur politique. Ces derniers ont proposé à la chambre de commerce et d’industrie d’arrêter les indemnisations aux activités commerciales en février 2016, à l’exception de la pêche, agriculture et foresterie. Le président de la chambre de commerce a critiqué cette proposition, bien-entendu, car la crise ne sera pas terminée en 2016. Certaines compagnies, surtout celles issues des zones évacuées, continuent à souffrir et ne pourront pas survivre sans indemnisation.
De septembre 2011 à novembre 2014, TEPCo aurait versé 1 694 milliards de yens (12 milliards d’euros) d’indemnisation au secteur commercial.

127 nouveau témoignages

La commission d’enquête mise en place par le gouvernement avait auditionné 772 personnes qui étaient restées secrètes jusqu’à ce que l’Asahi publie des extraits de l’audition de l’ancien directeur de la centrale.
Le gouvernement a finalement fini par accepter de publier une partie de ces témoignages après avoir retiré certains aspects. 127 nouveaux témoignages viennent d’être rendus publics avec l’accord des personnes interrogées, portant à 202 leur nombre total. Le gouvernement s’était engagé à tout publier d’ici la fin de l’année, mais il fait face à l’opposition de cadres de TEPCo et d’autres qui refusent de donner leur accord.
Selon les médias japonais, un cadre de TEPCo à Tôkyo pensait que la partie supérieure du cœur du réacteur n°1 avait fondu mais que la compagnie a évité d’utiliser le mot « fusion » pour éviter la confusion. La compagnie n’admettra la fusion des réacteurs 1, 2 et 3 qu’en mai 2011.
D’autres soulignent le manque de communication interne. Une des personnes de la cellule de crise dit ne pas avoir été informée que le système de refroidissement du réacteur n°1 était arrêté le premier jour.

L’eau souterraine fuit toujours vers la mer

TEPCO est toujours à la peine avec ses fuites d’eau contaminée. Rappelons que de l’eau souterraine pénètrent chaque jour dans les sous-sols où elle se mélange à l’eau de refroidissement fortement contaminée. Un partie est pompée et stockée et une autre fuit vers la mer. TEPCo installe une barrière souterraine destinée à geler le sol en amont des réacteurs. Mais en aval, côté océan, il y a de nombreuses galerie souterraines avec tuyaux câbles… TEPCo avait essayé en vain de geler une de ces tranchées durant tout l’été. Elle avait tenté d’ajouter de la glace pour abaisser la température, sans plus de succès. La compagnie avait ensuite proposé de remplir la tranchée de béton, tout en pompant l’eau pour éviter les débordements.
Lors d’une réunion avec la NRA, TEPCo a admis que cette nouvelle tentative n’était pas un succès. La compagnie a complètement rempli de ciment des tunnels, sauf les puits d’accès et retiré 2 500 m3 d’eau contaminée. Mais quand TEPCo pompe l’eau d’un des puits, le niveau baisse dans le puits voisin, indiquant qu’elle n’a pas réussi à boucher la connexion entre les deux puits. TEPCo veut donc remplir les puits de ciment pour tout boucher, mais la NRA n’était pas convaincue et a demandé des investigations complémentaires.
TEPCo va suivre les niveaux dans ces puits pendant un mois pour comprendre les écoulements.

TEPCo n’est pas responsable de la sécurité des sous-traitants

Un employé à un quatrième niveau de sous-traitance était décédé d’un arrêt cardiaque sur le site de la centrale de Fukushima daï-ichi en mai 2011. Sa veuve a saisi la justice pour obtenir une indemnisation de la part de TEPCo qui n’a « même pas donné un bâton d’encens ».
Le tribunal de Shizuoka a estimé qu’il n’y avait aucune évidence que le donneur d’ordre, à savoir TEPCO, puis Toshiba, le premier sous-traitant, n’avaient pas à assurer la sécurité des travailleurs sous-traitants.
La veuve va faire appel.