Dossier de sûreté de l’usine de retraitement de Rokkashô : fin de la consultation du public

En mai dernier, l’Autorité de régulation nucléaire (NRA) avait fini par valider le dossier de sûreté de l’usine de retraitement de Rokkashô-mura, située dans la province d’Aomori. Cette décision a ensuite été soumise à l’avis du public pendant un mois. La procédure est désormais terminée et la NRA a rendu son avis. Sans surprise, il n’y a aucun changement, si ce n’est des corrections mineures : la NRA estime donc que l’usine satisfait aux nouvelles règles de sûreté.

La NRA a reçu 765 commentaires, en majorité négatifs. Même un membre de la NRA a dit comprendre l’inquiétude de ceux qui se demande si Japan Nuclear Fuel Limited (JNFL), l’exploitant, est apte à exploiter cette usine, qui cumule les problèmes et accuse déjà 24 années de retard !

L’exploitant doit encore obtenir l’approbation d’un plan de construction, comprenant une description détaillée de la conception des équipements de l’installation, avant de lancer les opérations. La NRA lui a rappelé récemment de mieux gérer ses déchets radioactifs et elle doit encore inspecter 10 000 pièces avant de donner une autorisation de mise en service. JNFL doit en établir la liste pour cet automne.

La construction a débuté en 1993 et aurait dû être terminée en 1995 ! Mais comme l’usine a coûté 13 900 milliards de yens (116 milliards d’euros), en prenant en compte son démantèlement futur, l’exploitant veut la finir. Les coûts de construction sont passés de 760 à 2 900 milliards de yens (6,3 à 24 milliards d’euros). Le renforcement de la sûreté après la catastrophe de Fukushima lui a coûté 700 milliards de yens (5,8 milliards d’euros). JNFL espère terminer son usine en septembre 2021 et la mettre en route en 2022. Rien n’est moins sûr. Le démantèlement serait plus simple et coûterait moins cher si elle n’était pas mise en service.

Elle est prévue pour retraiter 800 tonnes de combustibles usés afin d’en extraite 8 tonnes de plutonium par an. Mais, il n’y a aucun débouché pour le plutonium extrait : seulement 4 des 9 réacteurs remis en service sont autorisés à utiliser du combustible MOx et l’un a été suspendu par la justice en janvier dernierComme le Japon s’est engagé à ne pas extraire plus de plutonium qu’il ne peut en consommer et qu’il a encore un stock conséquent, cette usine ne sert à rien ! Elle ne pourra que fonctionner au ralenti et ne sera jamais rentable.

La politique de retraitement du Japon est un échec et il devrait l’abandonner, comme vient de le faire le Royaume-Uni. En France, le dernier pays avec la Russie à retraiter les combustibles usés, le taux de recyclage n’est que de 1%.

Il est intéressant de noter que le président de la NRA, Toyoshi Fuketa, a expliqué, lors d’une conférence de presse, que cet avis ne signifie pas que l’usine de retraitement est justifiée et qu’une installation qui cause plus de dommages que de bénéfices ne devrait pas être tolérée. Pour lui, la décision de continuer ou pas ce programme est politique et ne lui incombe pas.

Et comme en France, le Japon n’a pas de plan B pour ces combustibles usés en cas d’abandon du retraitement. Il fait aussi face à un risque de saturation de ses piscines d’entreposage.

Corruption chez les compagnies de construction qui ont reconstruit le Tôhoku

Quatre majors du BTP, Shimizu, Hazama Andô, Kajima et Taisei, ont bénéficié de plus de 1 000 milliards de yens (8 milliards d’euros) de contrats dans le cadre de la reconstruction du Tôhoku. Le travail a essentiellement été effectué par des sous-traitants. Les travaux incluaient la gestion des déchets du tsunami, la reconstruction et la décontamination.

Selon l’Asahi, des sous-traitants ont créé des caisses noires avec l’argent des contribuables qui ont servi à payer des repas, du vin et des cadeaux à des cadres des 4 majors. Il y aurait même eu des fêtes dans des boîtes de nuit et des voyages à l’étranger. La somme des caisses noires dépasserait les 160 millions de yens (1,3 millions d’euros). L’argent proviendrait de surfacturations.

C’est le centre des impôts de Tôkyô qui a découvert les malversations.

Selon un employé d’un sous-traitant, sa compagnie a dû payer pour plus d’un million de yens de boissons dans une boîte de nuit huppée pour un cadre de Kajima. Elle a aussi dû payer une montre de luxe que le cadre voulait offrir à une hôtesse aux Philippines, ainsi que de fréquents voyages dans ce pays. Il recevait entre 300 000 et 500 000 yens d’argent de poche à chaque occasion.

Un sous-traitant de Shimizu basé à Tôkyô, engagé dans les travaux de décontamination d’Ôkuma a aussi surfacturé sa prestation pour créer une caisse noire d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de yens. Cet argent a servi à verser du cash à un cadre de Shimizu qui supervisait le chantier à 1à occasions. Il a aussi servi à lui payer un dîner.

Un cadre de Hazama Andô aurait encaissé pour environ 10 millions de yens de pots de vin de la part d’un sous-traitant engagé pour détruire des bâtiments de Namié.

Les deux cadres de Shimizu et de Hazama Andô ont quitté les compagnies après l’investigation du centre des impôts de Tôkyô. L’Asahi cite d’autres exemples. les centres des impôts d’Ôsaka et de Sendaï enquêteraient aussi.

Cent deuxième versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 102ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 3,4 milliards de yens (28 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo annonce avoir reçu un total de 9 567,8 milliards de yens (78 milliards d’euros au cours actuel), en incluant le présent versement et cela ne suffira pas.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications. Le total s’élève à 9 542,6 milliards de yens (78 milliards d’euros).

Réacteur n°3 : TEPCo continue le retrait des combustibles usés

La page de suivi du retrait des combustibles de la piscine du réacteur n°3 affiche le retrait de 252 assemblages sur 566, dont 200 de combustibles usés :

C’était 102 assemblages usés le 10 juin dernier et 18 en février 2020. Les opérations semblent se dérouler sans problème, désormais.

1 600 milliards de yens supplémentaires sur 5 ans pour la reconstruction post mars 2011

Le gouvernement japonais a décidé de consacrer 1 600 milliards de yens (13 milliards d’euros) pour la deuxième phase du plan de reconstruction post-mars 2011. Cette seconde phase débute en mars 2021 pour 10 années supplémentaires, mais ce financement n’est que pour les 5 premières années.

Pour les 10 premières années, ce budget était de 31 300 milliards de yens (261 milliards d’euros). Le budget de la deuxième phase va provenir d’un reliquat de 700 milliards de yens de la première phase, de 300 milliards de la taxe de reconstruction et de 600 milliards d’autres revenus, dont les dividendes de la poste.

L’Ukraine autorise le dragage de la Pripiat, malgré la contamination radioactive

En préparation du projet de voie navigable E40 qui doit emprunter la rivière Pripiat et passer au pied de la centrale accidentée de Tchernobyl, les autorités ukrainiennes ont autorisé le dragage des sédiments pour faciliter la navigation. L’ACRO a récemment publié une étude sur l’impact radiologique de ce projet et le collectif “Save Polesia” estime qu’il met en danger la plus grande zone humide d’Europe.

Comme le souligne l’ACRO dans son étude, l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui fait la promotion de l’énergie nucléaire, recommande de laisser les sédiments aquatiques en place. Pour rassurer, les autorités ukrainiennes ont fait faire quelques analyses de la radioactivité dans ces sédiments sur plusieurs horizons. La contamination en césium-137 va jusqu’à 323 Bq/kg et celle en strontium-90, jusqu’à 15 Bq/kg.

Ces analyses sont incomplètes puisque le plutonium et l’américium, qui polluent significativement la zone concernée, n’ont pas été recherchés. Par ailleurs, les prélèvements n’ont été effectués que jusqu’à 60 cm de profondeur, alors que dans leur premier appel d’offre les autorités ukrainiennes mentionnaient un dragage jusqu’à un mètre de profondeur. Et les quelques données font parfois apparaître une concentration en polluants qui augmente avec la profondeur.

Le seuil d’exemption recommandé par l’AIEA pour le césium-137 est de 100 Bq/kg. Cela signifie qu’une partie des sédiments dragués devra être considérée comme déchets radioactifs. Les autorités ukrainiennes ne disent pas comment elles vont gérer ces déchets.

Rappelons que cette voie navigable ne peut pas être aménagée tant que le bassin de refroidissement de la centrale de Tchernobyl, extrêmement contaminé, n’est pas assaini. La construction d’un barrage dans la zone d’exclusion nécessite de reprendre les déchets radioactifs enfouis dans de nombreux centres situés dans la zone inondable et va entraîner des doses inacceptables pour les travailleurs. Ce projet de voie navigable n’est donc pas réalisable. (Re)Lire l’étude de l’ACRO pour en savoir plus.

Japan Nuclear Fuel Ltd gère mal ses déchets radioactifs à Rokkashô-mura

En 2017, l’Autorité de régulation nucléaire (NRA) japonaise avait ordonné à Japan Nuclear Fuel Ltd. (JNFL) de mieux gérer ses déchets radioactifs dans son usine de retraitement de Rokkashô-mura. Elle avait trouvé 8 cas d’entreposage inapproprié de déchets radioactifs  – certains depuis 19 ans ! – et avait demandé à JNFL de corriger ses pratiques avant août 2019. A la fin juin 2020, seulement 2 cas ont été corrigés, selon le Maïnichi.

L’industrie nucléaire japonaise à du mal à se plier à des règles de sûreté strictes !

Rappelons que la mise en service de l’usine de retraitement a déjà 24 années de retard. En 2017, la NRA avait aussi révélé que JNFL avait omis des inspections et falsifié des rapports de sûreté…

Boom hôtelier à Fukushima, le long de la côte

Avant la triple catastrophe, le parc hôtelier sur la côte de Fukushima était dominé par des petites pensions, selon l’Asahi, mais depuis l’accident nucléaire, de grands hôtels, avec une centaine de chambres, ont été construits pour héberger principalement les travailleurs du nucléaire.

L’hôtel Futabanomori, avec 95 chambres, va ouvrir le 15 juillet à Namié. Il est à 9 km seulement de la cenrale nucléaire de Fukushima daï-ichi. A peine 1 400 personnes sont rentrée à Namié, depuis la lever de l’ordre d’évacuer au centre ville, soit moins de 10% de la population d’avant l’accident. Le gouvernement y a installé un centre de recherche pour relancer l’activité économique et l’attractivité de la ville.

Plus proche de la centrale, à Futaba même, un autre hôtel devrait ouvrir cet automne, avec 134 chambres, alors que presque toute la commune est encore interdite d’accès. L’ordre d’évacuer a été levé sur à peine 4,7% de son territoire, en mars dernier. C’est une chaîne hôtelière (Arm System) qui s’y installe. Un parc mémoriel devrait aussi ouvrir à l’automne.

Plus au sud, à Tomioka, un nouvel hôtel a ouvert en octobre 2019, avec 69 chambres. Le taux d’occupation est d’environ 70%. Il est à 10 km de la centrale accidentée. Presque tous les clients sont liés au nucléaire ou à la reconstruction de la région.

D’autres hôtels ont ouvert ou vont ouvrir, alors que la zone a probablement atteint le pic de clients potentiels. La compétition pourrait être rude, surtout avec la crise sanitaire liée à la Covid-19. Presque toute l’économie de l’ancienne zone évacuée est tirée par le chantier pharaonesque de sécurisation et de démantèlement des réacteurs nucléaires, ainsi que par la reconstruction de la zone. Le chantier nucléaire va durer bien plus longtemps. L’avenir à long terme de ces territoires, avec un bouleversement de sa population et de son économie reste à inventer et n’est jamais débattu.

Les faibles doses de radiation provoquent des cancers selon une revue de 26 études scientifiques

L’Institut national du cancer des Etats-Unis vient de dédier un volume entier de son journal scientifique, Journal of the National Cancer Institute Monographs, à l’impact des faibles doses de radiation sur les cancers. Les articles sont en libre accès.

Dans son communiqué, l’Institut souligne : Après avoir passé au peigne fin les données de 26 études épidémiologiques, les auteurs ont trouvé des preuves évidentes d’un risque excessif de cancer dû à de faibles doses de rayonnements ionisants : 17 des 22 études ont montré un risque de cancers solides et 17 des 20 études ont montré un risque de leucémie. Les estimations sommaires des risques étaient statistiquement significatives et l’ampleur du risque (par unité de dose) correspondait aux résultats des études des populations exposées à des doses plus élevées.

Une caractéristique nouvelle de l’effort de recherche a été l’utilisation par les chercheurs de techniques épidémiologiques et statistiques pour identifier et évaluer les sources possibles de biais dans les données d’observation, par exemple les facteurs de confusion, les erreurs dans les doses et la classification erronée des résultats. Après un examen approfondi et systématique, ils ont conclu que la plupart d’entre eux ne souffraient pas de biais majeurs.

Les auteurs ont conclu que même si, pour la plupart, le risque absolu de cancer sera faible, les données renforcent le principe de la radioprotection pour garantir que les doses sont “aussi faibles que raisonnablement possible” (ALARA).

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour explorer les risques de maladies cardiovasculaires à faibles doses. Les maladies cardiovasculaires étant une maladie très courante, même de faibles risques à faibles doses pourraient avoir des implications importantes pour la radioprotection et la santé publique.

Les 26 études épidémiologiques ont été publiées entre 2006 et 2017 et ont porté sur un total de 91 000 cancers solides et 13 000 leucémies. Les études étaient admissibles si la dose moyenne était inférieure à 100 mGy. Les populations étudiées ont été exposées aux rayonnements environnementaux lors d’accidents, comme Tchernobyl, et aux rayonnements naturels, aux rayonnements médicaux comme les scanners CT et à l’exposition professionnelle, y compris celle des travailleurs du nucléaire et des travailleurs sous rayonnements médicaux. (Traduit avec l’aide de www.DeepL.com/Translator)

Ces résultats viennent contredire les affirmations des autorités japonaises qui ne cessent de répéter qu’il n’y a pas d’impact observé en dessous d’une dose de 100 mSv.

Du plutonium a été découvert dans des microparticules rejetées lors de l’accident nucléaire

Une partie des rejets radioactifs lors de l’accident nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi était sous forme de microparticules vitreuses, très riches en césium. De telles particules ont été retrouvées jusqu’à 230 km de la centrale accidentée. Sous cette forme, les éléments radioactifs peuvent rester plus longtemps dans les poumons en cas d’inhalation.

Une étude scientifique confirme que du plutonium, particulièrement radiotoxique, a aussi été rejeté sous cette forme. L’accès à l’article est malheureusement payant, mais il est disponible à l’ACRO. Il y a aussi un communiqué de presse en japonais.

Il y a différents types de microparticules. Du plutonium avait déjà été identifié dans certaines d’entre elles, trouvées dans l’environnement proche de la centrale accidentée. Le ratio isotopique du plutonium y est similaire à celui du combustible nucléaire. Ainsi, ces microparticules ont pu incorporer des micro-fragments de combustible avant d’être transportés. Cette nouvelle étude porte sur trois microparticules trouvées à environ 4 km de la centrale, qui contiennent du plutonium et de l’uranium et confirment les conclusions précédentes.

Il est alors fort probable que des particules plus petites aient pu transporter du plutonium sur de plus grandes distances.

Le plutonium est connu pour être très radiotoxique. Une étude récente montre son impact sur les travailleurs du complexe militaro-industriel nucléaire de Mayak, en Oural. Il s’agit du premier site qui a fabriqué du plutonium pour les bombes soviétiques. Il n’y avait aucune protection au début et il y a eu de forts rejets, certains accidentels. La situation radiologique ne peut en aucun cas être comparée à celle de Fukushima. Cependant, cette étude, qui se base sur des autopsies, confirme la forte radiotoxicité du plutonium.