Les pêcheurs en colère et nouvelle fuite

Les coopératives de pêche étaient en réunion à huis clos à propos de la demande de TEPCo de rejeter l’eau souterraine pompée au pied des réacteurs après décontamination partielle. Les pêcheurs étaient tellement en colère suite aux révélations récentes qu’ils n’ont pas confiance dans le plan présenté et ont donc décidé de ne rien décider. Ils ne savent même pas quand les discussions pourront reprendre.

La compagnie s’est aussi fait sévèrement tancée par la NRA et cette dernière s’est excusée, comme d’habitude.

Retour sur le dernier scandale : TEPCo a découvert en janvier 2014 que la contamination de l’eau était particulièrement élevée dans un drain. Elle a prévenu la NRA qui lui a demandé de trouver la cause. A partir d’avril 2014, les mesures ont été plus régulières. La compagnie suspectait la contamination des sols : elle les a donc couverts et nettoyé les drains, mais la contamination n’a pas baissé et elle n’a rien dit. Elle n’a pas signalé non plus que la contamination augmentait avec la pluie. Ce n’est que le 24 février 2015 qu’elle a averti la NRA. C’est l’eau du toit de l’entrée du réacteur n°2 pour les gros équipements qui serait la cause.

TEPCo contrôle l’eau de pluie récoltée autour des cuves à cause des fuites qui ont fait scandale par le passé et a mis des alarmes sur les drains qui s’écoulent vers le port, mais n’a pris aucune mesure particulière pour le drain où l’eau était particulièrement contaminée. L’eau se jette directement dans l’océan, sans passer par le port où la compagnie a installé des barrières pour limiter les transferts.

La NHK diffuse un reportage vidéo daté du 25 février où l’on voit le chemin du drain et des images de la centrale et des cuves.

Aujourd’hui, une alarme a sonné à 11h19 et TEPCo n’a rien vu d’anormal. Elle a, à nouveau, sonné une demi-heure plus tard. Une flaque de 20 m sur 6 m et 1 cm de profondeur a été découverte dans le bâtiment turbine du réacteur n°4. La contamination de cette eau est de 8 700 Bq/L pour le césium-137 et 2 500 Bq/L pour le césium-134. La compagnie ne connaît pas encore l’origine.

Records de la semaine de la contamination de l’eau souterraine :
– la contamination en tritium de l’eau pompée en amont dans le puits n°10 est de 890 Bq/L (prélèvement du 23 février 2015) et dans le puits n°9, 140 Bq/L (prélèvement du 26 février 2015). C’est moins que la limite de 1 500 Bq/L que TEPCo s’est fixée.

Consultation sur le redémarrage de Takahama

Le conseil municipal de Takahama (Fukui) se prononcera le 20 mars prochain sur la demande de redémarrage des réacteurs 3 et 4 de la centrale du même nom. Comme la commune dépend des subsides de la compagnie KEPCo, l’issue du vote est connue.

Elle a posé cinq conditions avant de donner son accord. Elle demande notamment que le gouvernement viennent expliquer aux habitants pourquoi l’énergie nucléaire est nécessaire, les mesures prises en faveur de la sûreté. Elle réclame aussi un plan à moyen et long terme pour les combustibles usés. La commune va aussi consulter les habitants.

Les autorités régionales, habituées à faire monter les enchères en échange du nucléaire, demandent des précisions sur la part du nucléaire dans la stratégie énergétique, comment les leçons de la catastrophe de Fukushima ont été tirées à Takahama et quel sera le soutien financier quand les réacteurs seront mis à l’arrêt. La province de Fukui est concernée pour des réacteurs de Mihama et Tsuruga. L’avis de l’assemblée régionale est prévu pour avril prochain, après les élections.

Ni la commune ni la région ne demandent que les autres communes et régions situées dans un rayon de 30 km soient aussi consultées… Elles pourraient dire non ou réclamer une part du gâteau.

De son côté, la compagnie KEPCo a signé un accord avec la province de Kyôto et les maires des 7 communes de cette province qui sont à moins de 30 km de la centrale. Elle s’engage à informer les informer, les consulter et répondre à leurs questions. Bref, ils ont formé une sorte de Commission Locale d’Information (CLI) informelle avec seulement des élus et la population… La compagnie n’a pas accepté la demande initiale de Kyôto d’être consultée pour tout redémarrage. Cette province ne pourra s’opposer à un redémarrage qu’après un accident nucléaire.

La province de Shiga et les communes concernées pourraient signer un accord similaire.

Dans la province de Kyôto, il y 127 500 habitants à moins de 30 km et dans celle de Shiga, 52 500.

Deux cliniques ferment définitivement dans les zones évacuées

Deux cliniques qui étaient en zone évacuée, dans le district d’Odaka à Minami-Sôma et à Namié, vont licencier le personnel car les indemnisations de TEPCo s’arrêtent. Seuls les directeurs restent en poste pour trouver une façon de rouvrir. 45 personnes dans chaque clinique vont perdre leur emploi. Deux autres cliniques ont déjà fermé définitivement après la catastrophe nucléaire.
Minami-Sôma espère lever l’ordre d’évacuer en avril 2016 et Namié en 2017. S’il n’y a plus de service soin, le retour sera plus difficile.

Evacuation : doses limites et normes

Dans sa publication n°109, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), recommande que, dans le contexte des plans d’urgence, les autorités nationales fixent des niveaux de référence à partir desquels il faut évacuer entre 20 et 100 millisieverts (mSv). Le Japon s’est vanté d’avoir choisi la valeur la plus basse de l’intervalle proposé pour fixer sa limite d’évacuation au début de la catastrophe de Fukushima.

Cette recommandation internationale ne concerne que la phase d’urgence. Cependant, en cas d’accident majeur, une contamination de l’environnement peut persister pendant une période prolongée se comptant en décennies, affectant ainsi durablement la vie des personnes concernées. La CIPR recommande que l’exposition à long terme aux contaminations résultant d’une situation d’urgence soit considérée comme une exposition à une « situation existante ».

La Commission ajoute qu’il n’y a pas « de frontières temporelles ou géographiques prédéfinies qui délimitent la transition d’une exposition à une situation d’urgence à une situation existante. En général, les niveaux de référence utilisés lors des situations d’urgence ne sont pas acceptables comme références à long terme car les niveaux d’exposition correspondant ne sont viables ni socialement, ni politiquement. Ainsi, les gouvernements et/ou les autorités compétentes doivent, à un certain moment, définir des niveaux de référence pour gérer l’exposition aux situations existantes, typiquement dans la partie basse de l’intervalle de 1 à 20 mSv/an recommandé par la Commission. »

La phase d’évacuation d’urgence lors des premiers jours de la catastrophe s’est faite sur des critères géographiques uniquement, avec des cercles concentriques autour de la centrale nucléaire, sans la moindre référence aux doses. L’évacuation au-delà du cercle de 20 km, ordonnée le 22 avril 2011, s’est faite tardivement et les habitants avaient un mois pour partir. Il ne s’agissait plus d’urgence, mais de “situation existante”. La limite de 20 mSv/an fixée à ce moment correspond donc à la valeur la plus haute des recommandations internationales !

Par ailleurs, la CIPR recommande que cette limite diminue avec le temps pour revenir à la limite “normale” de 1 mSv/an. Mais elle ne donne aucune contrainte sur la vitesse à laquelle il faut baisser les limites. Les radioéléments comme le césium décroissent lentement. Le débit de dose moyen n’a diminué que de 40% en moyenne la première année au Japon et les travaux de décontamination se sont révélés très décevants.

Dans sa publication n°111 dédiée aux conséquences à long terme d’un accident nucléaire majeur, la CIPR n’est pas très explicite : « les autorités nationales peuvent prendre en compte les circonstances et aussi profiter de l’agenda du programme de réhabilitation pour adopter des valeurs de référence intermédiaires qui conduisent à une amélioration progressive de la situation ».

Quel retour ?

Pour le moment, le Japon a adopté un retour à une limite de 1 mSv/an, mais sans aucun calendrier. La politique de retour actuelle dans les zones évacuées est toujours basée sur une limite annuelle de 20 mSv/an choisie au moment de l’évacuation. De nombreuses personnes ne souhaitent pas rentrer, surtout quand il y a de petits enfants. Mais si le Japon adoptait une limite de retour plus faible, les populations non évacuées ne comprendraient pas et se sentiraient abandonnées.

Aux Etats-Unis, la réglementation impose l’évacuation des populations quand l’exposition peut dépasser 20 mSv durant la première année, puis 5 mSv ou moins la seconde année. L’objectif à long terme est de garder une dose inférieure à 50 mSv sur 50 ans. Ces doses concernent l’exposition aux radioéléments déposés sur les sols et autres surfaces.

On ne mesure pas facilement la dose sur un an. Les autorités japonaises ont estimé qu’en moyenne, les personnes passent 8 heures par jour dehors et 16 heures par jour à l’intérieur où l’exposition serait réduite de 60%. Ainsi, 1 mSv par an correspond à 0,23 microsievert par heure quand on ajoute le bruit de fond naturel de 0,04 microsievert par heure. Cela peut être mesuré directement avec un radiamètre.

20 mSv se traduisent par une limite de 3,8 microsieverts par heure par la même méthode. C’est cette valeur qui a été utilisée pour l’évacuation. Et c’est encore elle qui est retenue pour le retour…

Un zonage complexe

Le gouvernement a divisé le pays en plusieurs zones :dans un rayon de 20 km autour de la centrale, tout le monde a été évacué, quelle que soit la contamination. Entre 20 et 30 km, les habitants ont d’abord été confinés, puis il leur a été recommandé de partir. Là où la pollution induit une exposition externe inférieure à 20 mSv/an, les habitants sont invités à rentrer après avoir effectué des travaux de décontamination. Dans les faits, ils ne sont pas tous rentrés, loin de là.

Dans un rayon de 20 km, le gouvernement a désigné les zones où la contamination externe est inférieure à 20 millisieverts par an, en zones de préparation au retour. Il les décontamine en priorité et tente d’y rétablir les services pour permettre le retour des populations. Là encore, dans les deux communes où il y a eu levée de l’ordre d’évacuer, le taux de retour est faible.

Au-delà des 20 km, si le débit de dose ambiant est supérieur à 3,8 microsieverts par heure, et donc l’exposition annuelle est supérieure à 20 millisieverts, il y a eu ordre d’évacuer, comme nous l’avons déjà mentionné. Les territoires concernés ont été subdivisés en deux sous zones, en fonction de la pollution des sols. Là où l’exposition externe peut dépasser 50 millisieverts par an, il s’agit d’une “zone de retour difficile”.

Cette zone la plus contaminée couvre 337 km2 sur 7 communes. 24 000 habitants y habitaient. Tout autour de la centrale de Fukushima daï-ichi, dans les communes de Futaba et d’Ôkuma, le gouvernement veut installer un centre d’entreposage des déchets radioactifs sur 16 km2. Il n’y aura donc pas de retour possible.

Enfin, là où l’exposition est comprise entre un et vingt millisieverts par an, au-delà des 20 km, il n’y a pas eu d’ordre d’évacuer, même si de nombreuses personnes sont parties d’elles-même. En revanche, il y a décontamination à la charge des communes. Plusieurs provinces sont concernées.

La dernière carte officielle des zones évacuées est ici en anglais.

Le groupe d’opposants au nucléaire condamné à quitter la pelouse du ministère et payer l’occupation

Un groupe d’opposants au nucléaire occupe la pelouse du ministère de l’économie et de l’industrie depuis septembre 2011. Ils se relayaient dans des tentes 24h/24, 7j/7. Il vient d’être condamné à quitter les lieux et payer le loyer…
Le gouvernement réclame 20 000 yens par jour (150 euros). Cela fait un total de l’ordre de 28,9 millions de yens (216 000 euros). Le juge a estimé que les tentes gênent les visiteurs et qu’un feu a fait courir des risques.
Personne n’a été condamné pour la catastrophe nucléaire, qui a conduit à l’occupation de vastes territoires par la radioactivité et qui a fait courir des risques bien plus graves qu’un feu de tentes. Drôle de justice.

Déchets radioactifs : accord final pour le premier transport

Le gouverneur de Fukushima et les maires d’Ôkuma et de Futaba ont rencontré les ministres de l’environnement et de la reconstruction à propos du centre d’entreposage de déchets prévu dans ces deux communes. Le gouvernement veut commencer à y transporter les déchets le 11 mars prochain, jour anniversaire de la catastrophe nucléaire alors qu’il n’est pas encore propriétaire des terrains. Il s’agit de désengorger les multiples lieux où les déchets s’accumulent actuellement. Les deux maires auront la pouvoir de faire stopper les transports en cas de problème.
Ces quatre personnes se sont finalement mises d’accord après 5 jours de mise en scène de la concertation au sommet. Rappelons que l’idée de ce site date d’août 2011 et ce n’est pas terminé car le gouvernement peine à acheter ou louer les terrains des 16 km2 prévus.

Levée de la restriction à la vente des légumes produits à Naraha et Kawauchi

Naraha et Kawauchi sont deux communes évacuées. Le 18 février dernier, le gouvernement a levé l’interdiction de mise sur le marché de quatre sortes de légumes produits dans ces communes : légumes feuille comme les épinards, choux, légumes fleur comme les brocolis ainsi que les navets. Tous les légumes testés deux fois en 11 lieux en octobre et décembre dernier étaient sous la limite de mise sur le marché, à savoir 100 Bq/kg. Tous les légumes produits dans ces deux communes peuvent donc être vendus.
C’est la deuxième qu’il y a une levée de l’interdiction de mise sur le marché en zone évacuée. La dernière fois, c’était dans le district de Miyakoji de Tamura en mars 2013.

Décontamination à Kawamata

Les travaux de décontamination sous responsabilité gouvernementale du district Yamakiya de la commune de Kawamata sont terminés depuis août dernier pour 350 habitations et les forêts proches. Il reste encore les routes et 960 hectares de terrains agricoles à décontaminer pour lesquels les travaux viennent de débuter.
Les résultats de mesure de débit de dose ont été présentés aux habitants. Ils sont en moyenne de 0,53 microsievert par heure près des habitations, avec un minimum à 0,18 et un maximum à 1,75 microsievert par heure. A titre de comparaison, la limite d’évacuation et de retour fixée par le gouvernement est de 20 mSv/an, ce qui correspond à 3,8 microsieverts par heure. Cette limite est considérée comme trop élevée par beaucoup. La limite générale pour le public en temps normal est de 1 mSv/an, ce qui correspond à 0,23 microsievert par heure. (Voir nos explications sur les limites et les normes). Dans l’ensemble, les données sont donc entre ces deux limites.
Selon les autorités, le débit de dose moyen a été réduit de 49% avec les travaux de décontamination.

TEPCo va indemniser des salariés d’une coopérative agricole

Selon le Maïnichi, la coopérative agricole JA Sôma, qui couvre les communes de Sôma, Minami-Sôma, Iitaté et Shinchi, a 405 employés qui ont vu leurs primes (bonus) coupées à 7 occasions de 2011 à 2013 à cause des difficultés économiques qui ont fait suite à l’accident nucléaire. Ils ont donc demandé une indemnisation à TEPCo qui a refusé pour 79 d’entre eux sous le prétexte qu’ils habitaient et travaillaient à Sôma et Shinchi où il n’y a pas eu d’ordre d’évacuation. Ces derniers ont donc saisi la commission de conciliation expliquant qu’ils bénéficiaient du même contrat de travail et qu’ils n’avaient pas à être discriminés en fonction du lieu d’habitation ou de travail. La commission leur a donné raison et TEPCO a accepté la décision.

Zones évacuées : faible taux de retour prévu

Selon l’Asahi, l’Agence de la reconstruction a sondé les habitants des territoires évacués de la province de Fukushima entre août et octobre 2014. 7 000 foyers de Namié, 2 400 de Futaba, 4 000 d’Ôkuma et 5 600 de Tomioka ont été interrogés. Le taux de réponses a été entre 51 et 60%. Il apparaît que seulement 19,4% des habitants de Namié originaires d’une zone où l’ordre d’évacuer va être levé, car l’exposition externe y est inférieure à 20 mSv par an, veulent rentrer. C’est 14,7% dans la même zone à Tomioka.

Pour les zones de « non-résidence », où l’exposition externe, avant les travaux de décontamination, est comprise entre 20 et 50 mSv par an, ces pourcentages descendent à 16,6% pour Namié et 11,1% pour Tomioka. Enfin, pour les zones classées en « retour difficile » car l’exposition externe avant décontamination y est supérieure à 50 mSv par an, 17,5% des personnes concernées à Namié espèrent pouvoir rentrer un jour. C’est 11,8% pour Tomioka.

A Ôkuma, 32,4% des habitants de la zone de « non-résidence » veulent rentrer. C’est une des communes où est installée à centrale de Fukushima daï-ichi. Mais il n’y a que 3% des habitants d’Ôkuma qui sont originaires de cette zone. Les autres viennent de zones de « retour difficile » pour lesquelles personne ne sait quand un retour sera possible. d’autant plus que la centrale reste menaçante à proximité. Faire revenir les populations n’est sûrement pas très avisé.

Il faut donc s’adapter. Avant la catastrophe, il y avait 5 lycées dans les 8 communes du district de Futaba avec 1 500 élèves. Les cours continuent dans les zones évacuées, mais il n’y avait plus que 337 élèves inscrits en mai 2014, juste après la rentrée scolaire. Un nouveau lycée va ouvrir à Hirono à la rentrée prochaine, en avril 2015, à la place des 5 lycées abandonnés qui fermeront officiellement en avril 2017. Il y aura un pensionnat car les enfants vivent loin du futur lycée.

L’Asahi publie aussi le témoignage de Munéo Kanno, agriculteur d’Iitaté-mura, qui lui veut rentrer. Il raconte la souffrance d’avoir perdu sa terre et est forment impliqué dans une association qui milite pour réhabiliter le village. Sa famille a été séparée : son fils et ses petits enfants sont partis vivre plus loin.

Il explique que les sacs de déchets issus de la décontamination couvrent environ un tiers de la surface agricole du village qui fait 800 hectares en tout. Son association de 270 membres, dont la plupart viennent de Tôkyô, teste de nouvelles méthodes de décontamination. Elle a aussi planté du riz à titre expérimental qui s’est révélé avoir une contamination inférieure à 25 Bq/kg en césium. Il a donc pu être consommé.