Le fiasco du retraitement des combustibles usés au Japon

Le coût total du projet d’usine de retraitement des combustibles usés de Rokkashô-mura, qui accuse 25 années de retard dans sa mise en service a atteint 14 440 milliards de yens (109,4 milliards d’euros au cours actuel), selon le Tôkyô Shimbun. Cela inclut la maintenance et l’exploitation. Il a augmenté de 500 milliards de yens depuis 2020 (3,4 milliards d’euros). Le coût total du projet était estimé à 13 940 milliards de yens en 2008.

Le coût du renforcement de la sûreté, suite à l’accident nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi, est estimé à 980 milliards de yens (7,4 milliards d’euros). Et le coût de l’usine, quant à lui, atteint désormais 2 430 milliards de yens (18,4 milliards d’euros).

Le gouvernement japonais s’obstine à vouloir retraiter les combustibles usés, même s’il n’a pas de débouchés pour le plutonium extrait. Et ce sont les résidents au Japon qui payeront, via leur facture d’électricité.

Rejets dans l’océan de l’eau contaminée : quels contrôles ?

TEPCo et les autorités ont décidé de rejeter dans l’océan l’eau contaminée qui s’accumule dans les cuves, après traitement. Pour le tritium, qui ne peut pas être filtré, la stratégie va consister à diluer cette eau de façon à ce que la concentration passe sous la limite de 1 500 Bq/L. Comment se fera le contrôle ?

TEPCo va d’abord effectuer une mesure de la contamination en tritium de l’eau qu’elle souhaite rejeter afin de déterminer le facteur de dilution à appliquer. Puis, une fois la dilution effectuée, des prélèvements auront lieu lors du rejet en mer. Mais, étant donné le délai nécessaire à la mesure, l’eau sera rejetée avant de connaître le résultat, selon le Maïnichi. Ce contrôle supplémentaire, en cours de rejet, a pour but de vérifier qu’il n’y a pas de dysfonctionnement et que la dilution dans de l’eau de mer se passe comme prévu. Pour attendre le résultat des contrôles avant rejet, il faudrait installer des cuves tampon qui vont compliquer les procédures et les rendre plus onéreuses. TEPCo préfère l’éviter. Elle doit soumettre sa procédure à l’Autorité de régulation nucléaire.

Mais, il n’y a pas que le tritium dans cette eau. Il faut aussi s’assurer que la contamination résiduelle de 63 autres radioéléments est bien inférieure aux limites autorisées. TEPCo a commencé à traiter une deuxième fois l’eau qui n’avait pas été traitée correctement. Les premiers tests étaient concluants et la compagnie a publié ses données relatives à la contamination résiduelle.

TEPCo a demandé à un laboratoire tiers, dont le nom n’est pas donné, de refaire les mesures et elle vient de rendre les résultats publics. Ils sont cohérents avec les siens. Mais le laboratoire tiers a mis deux mois pour analyser un échantillon, tout comme TEPCo. Ces délais doivent être réduits. Autre problème : comme il devra contrôler en continu, il doit s’assurer de bien disposer d’appareils redondants et de personnel qualifié en nombre suffisant afin de pouvoir faire face à une défaillance.

Les déchets issus de traitement de l’eau posent aussi un problème, comme nous l’avons rapporté. Leur contamination devrait aussi être contrôlée par des tiers…

Nouvelles du parc nucléaire japonais

Kansaï Electric (KEPCo) vient de remettre en service le réacteur nucléaire Mihama-3, situé dans la province de Fukui. Arrêté en mai 2011, ce réacteur de 826 MWe était hors service depuis plus de 10 ans… C’est aussi le réacteur de plus de 40 ans à repartir. Il avait été mis en service en décembre 1976 et ne pourra donc être exploité que jusqu’en 2036. L’autorisation de prolongement de l’exploitation au-delà de 40 ans avait été demandée en avril 2015 et obtenue en novembre 2016, mais il a fallu faire les travaux de renforcement de la sûreté entre temps.

Les autorités régionales de Fukui avaient conditionné leur accord à la remise en service de tout réacteur à la création d’un entreposage pour les combustibles usés en dehors de la province. Elles ont mangé leur chapeau pour pouvoir bénéficier d’une manne financière supplémentaire liée au redémarrage du réacteur en se contentant d’une vague promesse…

Mihama-1 et 2 ont été arrêtés définitivement en avril 2015.

Il s’agit du 10ème réacteur nucléaire qui redémarre depuis la catastrophe de Fukushima, sur un parc de 54 tranches en 2010. Voir notre état des lieux sur le parc nucléaire japonais. Mais Mihama-3 devra être arrêté le 23 octobre 2021 car KEPCo n’a pas installé les moyens de protection contre les agressions terroristes dans les temps impartis. Une plainte a aussi été déposée auprès du tribunal d’Ôsaka pour obtenir sa suspension.

Les dernières remises en service de réacteurs nucléaires au Japon remontent à 2018. Il n’y en a pas eu en 2019 et en 2020. Il n’y en aura probablement pas d’autre en 2021…

Ce même jour, l’autorité de régulation nucléaire a validé le dossier de demande de remise en service de Shimané-2, après plus de 7 années d’instruction. Ce réacteur à eau bouillante satisfait donc aux nouvelles règles de sûreté établies après la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi. L’avis va être soumis à la consultation du public. De plus, l’exploitant, Chûgoku Electric, doit effectuer les travaux de renforcement de la sûreté. Ce ne sera pas avant début 2022. Il lui faudra aussi obtenir l’accord des autorités locales, sachant que cette centrale est située à proximité de Matsué, la capitale régionale et qu’il y a 460 000 habitants dans un rayon de 30 km.

Enfin, TEPCo a débuté les travaux de démantèlement de sa centrale Fukushima daï-ni, située à une douzaine de kilomètres au sud de la centrale accidentée. La compagnie espère terminer pour 2064. Le coût est estimé à 410 milliards de yens (3,10 milliards d’euros). Evidemment, il n’y a aucune solution de gestion des déchets radioactifs issus de ces travaux.

La décision d’arrêter définitivement cette centrale remonte à 2018 et l’autorisation à la démanteler au 28 avril 2021. TEPCo est donc en train de démanteler 10 de ses 17 réacteurs.

113ème versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 113ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 34,4 milliards de yens (260 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo a reçu un total de 10 074,3 milliards de yens (76,3 milliards d’euros au cours actuel) et cela ne suffira pas.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications. Le total s’élève à 10 029,4 milliards de yens (76 milliards d’euros).

Après les failles dans la sécurité, c’est la protection incendie qui fait défaut à Kashiwazaki-Kariwa

TEPCo était sur le point de remettre en service les réacteurs 6 et 7 de sa centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, située dans la province de Niigata, quand de graves failles dans la sécurité ont entraîné une interdiction d’exploitation. Maintenant, c’est la sûreté incendie qui fait défaut !

Le 13 janvier dernier, TEPCo avait annoncé avoir terminé les travaux de renforcement de la sûreté du réacteur n°7 qui comprenaient, notamment, l’enrobage de tuyaux par des matériaux ignifugés afin de ralentir la propagation d’éventuels incendies. Mais le travail n’a pas été fait correctement en 76 endroits. La compagnie n’a pu contrôler que 5 300 traversées par les tuyaux, mais n’a pas pu inspecter 2 700 points peu accessibles. De plus, la climatisation de la salle de contrôle n’est pas complètement installée et des détecteurs de fumée manquent.

TEPCo s’était pourtant engagée, par écrit, à respecter un nouveau code de sûreté en 7 points et l’Autorité de régulation nucléaire en avait déduit que la compagnie était apte à exploiter du nucléaire…

Quant aux problèmes d’accès qui ont entraîné cette interdiction d’exploitation, ils ont aussi concerné Fukushima daï-ni, comme l’a révélé l’Autorité de régulation nucléaire, le 19 mai dernier. Là aussi, des personnes auraient pu avoir accès à des zones contrôlées, sans être contrôlées correctement, selon l’Asahi. Si TEPCo prétend que personne n’a outrepassé ses droits d’accès, l’Autorité estime que l’exploitant n’a pas pris toutes les mesures nécessaires contre le terrorisme.

En mars dernier, c’est un employé de TEPCo qui a découvert une porte d’accès au bâtiment turbine du réacteur n°4 qui n’apparaissait pas sur les plans et qui n’était pas sécurisée. Le lendemain, un problème similaire a été découvert sur le réacteur n°1. La compagnie les a signalées à l’Autorité et les a verrouillées depuis.

TEPCo doit reprendre les déchets issus de la décontamination de l’eau

Les déchets issus de traitement de l’eau posent aussi un problème et TEPCo n’a pas de solution de gestion. Ils sont actuellement sous forme de boues radioactives mises dans des fûts en plastique qui font 1,9 m de haut et 1,5 m de diamètre. En avril dernier, il y en avait environ 3 000. Le plastique se détériore sous l’effet des rayonnements. TEPCo a calculé que la dose subie devait être inférieure à 5 MGy, ce qui leur permet de tenir jusqu’à au moins juillet 2025.

Mais, selon le Mainichi, l’autorité de régulation nucléaire a contesté la mesure faite par TEPCo de la contamination des boues. Elle estime que l’exposition aux rayonnements du plastique était plus élevée au fond des fûts à cause d’une plus forte densité. Et donc, 31 fûts ont leur date de préemption dépassée et doivent être remplacés. 56 autres devront aussi être remplacés dans les deux ans à venir. A noter qu’il n’y a pas eu de fuite constatée.