Le Japon veut atteindre la neutralité carbone en 2050

Lors de son premier discours politique devant le parlement, le 26 octobre, le premier ministre Yoshihide Suga s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre au Japon pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Il voit une source de croissance économique. Un plan d’action devrait être présenté d’ici la fin de l’année. Alors que le Japon est très dépendant du charbon pour l’électricité (80%), la clé serait l’innovation.

Un porte-parole du gouvernement a précisé que cet objectif serait atteint sans la construction de nouvelles centrales nucléaires.

C’est toute la politique énergétique du pays qui est à revoir, en commençant par être plus ambitieux pour son objectif de 2030 (réduction de 26% par rapport à 2013). Les nouvelles technologies, mises en avant, ne seront peut-être par prêtes à temps. Il faut commencer par réduire la consommation. Ce point là n’est jamais mentionné dans les discours politiques.

Dans un éditorial, le Maïnichi, appelle à ce que cet engagement soit accompagné par un autre engagement de réduire à zéro la part du nucléaire en 2050.

120 pays ont déjà pris un tel engagement.

Le gouvernement reporte l’annonce de sa décision concernant le rejet en mer de l’eau partiellement décontaminée

Comme nous l’avions mentionné récemment, selon les médias japonais, le gouvernement devait annoncer qu’il avait choisi le rejet en mer de l’eau accumulée à Fukushima, après une nouvelle décontamination partielle. Mais les pêcheurs et plusieurs communes y sont farouchement opposés. Lors de la consultation, 4 011 avis ont été déposés et quasiment tous étaient opposés au rejet. Le gouvernement a donc décidé de reporter l’annonce de sa décision…

Officiellement, il n’y aurait plus d’urgence à trancher et il faut prendre le temps de prendre en compte les différentes opinions. Jusqu’à présent, la saturation du site était prévue en 2022 et, en considérant, les deux années nécessaires pour construire des installations de rejet validées par l’autorité de régulation nucléaire, le gouvernement aurait dû décidé cet été. Mais, selon l’Asahi, l’eau s’accumulerait un peu moins vite que prévu et TEPCo a trouvé un peu de place pour mettre plus de cuves. Le gouvernement et la compagnie pourraient ainsi gagner deux années supplémentaires à convaincre les pêcheurs.

En effet, en août 2015, le PDG de TEPCo s’était engagé auprès des pêcheurs à ne procéder à aucun rejet sans avoir obtenu leur accord. Et les deux parties étaient alors parvenues à un accord pour le rejet de l’eau souterraine contaminée, après décontamination partielle (voir les explications de l’époque). Les autorités et TEPCo continuent à voir les pêcheurs comme les seuls propriétaires de l’océan…

Rappelons que l’eau destinée à être rejetée ne contient pas que du tritium, comme les autorités et TEPCo ont réussi à le faire croire, mais de nombreux autres radioéléments, partiellement filtrés, voire pas filtrés du tout, comme le carbone-14 et le technécium-99.

105ème versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 105ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 12,9 milliards de yens (104 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo annonce avoir reçu un total de 9 642,7 milliards de yens (77,8 milliards d’euros au cours actuel), en incluant le présent versement et cela ne suffira pas.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications. Le total s’élève à 9 621,9 milliards de yens (77,6 milliards d’euros).

Alors que le gouvernement doit annoncer qu’il a choisi le rejet en mer, TEPCo publie des résultats partiels pour les essais sur un second traitement de l’eau contaminée

Selon les médias japonais, le gouvernement devrait annoncer, d’ici la fin du mois, sa décision quant au devenir de l’eau contaminée accumulée dans des cuves, et sans surprise, ce sera le rejet dans l’océan. Cette décision, attendue pour l’été 2020, mettra fin à 7 années de Kabuki durant lesquels il a été considéré des solutions alternatives stupides comme évaporer ce stock d’eau (plus d’un million de mètres cube, tout de même !) ou l’injecter dans les sous-sols. Des réunions d’information avec les élus locaux auraient eu lieu pour préparer l’annonce.

Les pêcheurs locaux sont contre, comme nous l’avons mentionné. Plusieurs communes aussi. La Corée du Sud est très active dans son opposition à ce rejet dans l’Océan. L’annonce de la décision de rejet devrait donc être accompagnée d’un plan de surveillance de l’environnement et de lutte contre les “rumeurs néfastes”… Une fois la décision prise, il faudra encore construire des installations de rejet et les faire valider la l’Autorité de régulation nucléaire. Cela pourrait prendre deux ans.

Au 22 octobre 2020, le portail dédié à l’eau contaminée de TEPCo, fait état d’un stock de 1,234 millions de mètres cubes d’eau “traitée” accumulée dans des cuves. Mais une large partie du stock (environ 72%) a n’a pas été traitée convenablement, et les concentrations résiduelles pour certains éléments dépassent les concentrations maximales autorisées pour rejet en mer. Il faut donc traiter une deuxième fois cette eau.

Comme annoncé en septembre dernier, les premiers tests ont démarré sur 2 000 m3. La compagnie vient de publier un premier bilan à mi-parcours, après avoir traité 1 000 m3. TEPCo a retenu 7 radioéléments majeurs pour lesquels elle somme les ratios entre la concentration résiduelle et l’autorisation de rejet. Cette somme atteignait 3 791 pour un premier échantillon et 153 pour un autre, avant les tests. La somme des ratios pour ces 7 radioéléments majeurs serait passée de 2 188 à 0,15 pour le premier échantillon (TEPCo n’explique pas la différence entre les deux valeurs avant traitement). Dans ce mélange, les radioéléments qui dépassaient la limite autorisée étaient le césium-137, les strontium-90 et -89, et dl’iode-129. Pour le stontium-90, la concentration résiduelle atteignait 64 640 Bq/L, à comparer aux 30 Bq/L maximum autorisés avant rejet en mer ! Le strontium-89 ne fait pas partie du groupe de 7 radioéléments supposés majeurs et a dû être rajouté…

TEPCo va poursuivre les analyses pour déterminer les concentrations résiduelles de 54 autres radioéléments traités, auxquels elle compte ajouter le tritium et le carbone-14, non traités. Rappelons qu’il a fallu presque 10 ans à la compagnie pour reconnaître qu’il restait du carbone-14 dans l’eau contaminée, comme nous l’avons révélé en septembre dernier. Et TEPCo ne parle déjà plus du Technécium-99, déjà oublié.

Courage, il ne reste plus qu’un million de mètres cubes environ à reprendre…

Fortes doses lors d’une visite du réacteur n°2

Selon le journal régional Kahoku, une délégation de l’Autorité de régulation nucléaire est allée visiter l’intérieur du bâtiment du réacteur n°2. C’est la première fois que des humains pénètrent dans ces lieux depuis la catastrophe nucléaire. Au quatrième étage (5ème niveau), le débit de dose ambiant était de 11 à 12 mSv/h. Toyoshi Fukéta, le président de l’Autorité de régulation, a pris une dose de 0,85 mSv en une dizaine de minutes, ce qui l’a obligé de quitter le bâtiment. Rappelons que la limite annuelle pour le public est de 1 mSv par an.

Selon M. Fukéta le débit de dose ambiant est encore élevé à cause des poussières radioactives en suspension dans l’air, ce qui l’a surpris après tant d’années. Il faut donc trouver l’origine de cette poussière.

On peut aussi se demander quel est l’intérêt d’envoyer des humains dans un environnement si contaminé : que peut-on apprendre en 10 minutes ? Quelle est la justification d’une telle démarche ? Surtout à cinq !

L’industrie de la pêche à Fukushima fermement opposée au rejet en mer de l’eau partiellement décontaminée

Alors que le gouvernement s’apprête à annoncer le rejet en mer de l’eau partiellement décontaminée, les coopératives de pêche de Fukushima sont contre et elles le font savoir. Elles craignent pour leurs ventes. Lors de la dernière des 7 réunions entre le gouvernement et les pêcheurs, qui a eu lieu à Tôkyô, le 8 octobre, les représentants des pêcheurs ont réitéré leur position en soulignant qu’elle était unanime et qu’il n’y avait pas de compromis possible.

L’industrie de la pêche souffre encore des conséquences de la catastrophe nucléaire. En 2019, elle a capturé un total de 3 600 tonnes, ce qui représente 14% du niveau d’avant la catastrophe. Et, comme nous l’avons mentionné, les pêcheurs veulent reprendre la pêche de toutes les espèces à partir d’avril 2021.

Ces consultations, débutées en avril 2020, ont permis d’auditionner 43 personnes, représentatives de 29 organisations. Le gouvernement doit maintenant décider, mais il n’y a pas de suspense : ce sera le rejet en mer. Reste à savoir quand et comment il va l’annoncer.

Deux communes de Hokkaïdô candidates pour accueillir un site d’enfouissement des déchets nucléaires

Comme tous les autres pays exploitant du nucléaire, le Japon veut enfouir les déchets les plus radioactifs et ceux à vie longue. Mais il est toujours à la recherche d’un site. Un appel à candidature a été lancé en 2002. En 2007, la commune de Tôyô, dans la province de Kôchi s’était portée candidate, avant de faire marche arrière avant même que les premières investigations aient pu être menées. Il n’y a pas eu d’autre candidature depuis.

Deux communes de Hokkaïdô se sont portées candidates à ce qu’une étude bibliographique soit menée sur la géologie de leur territoire. Comme Tôyô auparavant, elles sont situées toutes les deux en bord de mer, sur la façade Ouest de l’île, pour permettre le transport des déchets par bateau.

Le maire de la première, Suttsu (寿都町), une commune de moins de 2 900 habitants, a annoncé, dès le mois d’août 2020, son intention de porter la candidature de sa commune pour faire face aux difficultés financières. Il a ensuite organisé des réunions publiques en présence de la NUMO, l’Agence en charge des déchets radioactifs, lors desquelles de nombreux résidents ont exprimé leur opposition au projet. Ils craignent aussi qu’une fois que la commune ait mis le doigt dans l’engrenage et devienne dépendante de l’aide financière associée, et qu’elle ne puisse plus dire non. Il y avait 260 participants lors de la première réunion du 11 septembre 2020. Le conseil municipal a donné son accord le 8 octobre 2020 et la candidature de la commune a été déposée dès le lendemain, à Tôkyô.

La deuxième commune de 820 habitants, Kamoenaï (神恵内村), est à une quarantaine de kilomètres de Suttsu, vers le Sud. L’initiative est venue de la chambre de commerce locale, en septembre 2020. Il y a aussi eu des réunions publiques en présence de la NUMO et du Ministère. L’opinion y était plus favorable qu’à Suttsu et le conseil municipal a donné son accord le 9 octobre 2020 lors d’une assemblée extraordinaire. Le maire, quant à lui, n’a pas pris position mais a dit qu’il respecterait la décision du conseil municipal. Kamoénaï reçoit déjà de l’argent du nucléaire, puisque la centrale de Tomari est dans la commune voisine.

Ces deux communes, vieillissantes, pourraient perdre 40% de leur population lors des 20 prochaines années. Elles dépendent surtout de la pêche, qui est en déclin. Un référendum pourrait y être organisé.

Le gouverneur de Hokkaïdô s’est opposé à ces projets, mais son accord n’est pas nécessaire pour la candidature des communes. Hokkaïdô, peu peuplée, a toujours eu les faveurs de l’industrie nucléaire pour y mettre les déchets, qui y a installé un laboratoire de recherche souterrain, mais la province avait voté, en 1995, une résolution s’opposant au stockage des déchets radioactifs. Les deux communes sont passées outre et le gouverneur est furieux. Des coopératives de pêche se sont aussi opposées.

La procédure est prévue en trois étapes. La première étape consiste en une étude bibliographique et devrait prendre deux ans. La deuxième, consistera en des études complémentaires à partir de forages et pourrait durer quatre ans. Enfin, des investigations plus détaillées sont prévues sur une durée de 14 ans avant de se lancer dans la construction du site d’enfouissement.

Evidemment, il y a beaucoup d’argent à la clé pour ces petites communes isolées : 2 milliards de yens (17 millions d’euros) pour la première phase, et 7 milliards (58 millions d’euros) pour la deuxième.

Le gouvernement espère recueillir une dizaine de candidatures pour pouvoir choisir le site le plus approprié.

Plan de démantèlement d’Ikata 2 approuvé

L’Autorité de régulation nucléaire a approuvé le plan de démantèlement d’Ikata-2, dans la province d’Ehimé. D’une puissance de 538 MWe, il avait été mis en service en 1988 et débranché en janvier 2012, suite à la catastrophe de Fukushima. Shikoku Electric, l’exploitant, l’a arrêté définitivement en 2018.

Le démantèlement devrait être terminé en 2059. Et comme pour les autres réacteurs nucléaires japonais, il n’y a aucune solution pour les déchets radioactifs engendrés.

L’usine de combustible MOx satisfait aux nouveaux standards de sûreté

Suite à la catastrophe de Fukushima, l’autorité de régulation nucléaire avait demandé à Japan Nuclear Fuel Ltd (JNFL) de revoir la résistance de son usine de combustibles MOx en cours de construction à Rokkashô-mura, dans la province d’Aomori. Elle lui a notamment demandé que l’usine puisse faire face à des séismes ayant une accélération pouvant atteindre 700 gal et une meilleure protection contre les incendies.

JNFL a déposé son dossier de sûreté en 2014 et l’autorité de régulation nucléaire vient de le valider. Cet avis va encore être soumis à une consultation du public sur Internet pendant un mois. L’exploitant espère terminer les travaux en 2022, mais comme pour l’usine de retraitement, dont le dossier de sûreté a aussi été validé, il n’y a quasiment pas de débouchés pour le MOx au Japon. Le coût de l’usine de combustible MOx est estimé à 19 milliards de dollars.