L’Autorité de régulation nucléaire a fini par valider le dossier de sûreté de l’usine de retraitement de Rokkashô-mura, située dans la province d’Aomori. Cette décision est soumise à l’avis du public pendant un mois. Pour contribuer, c’est ici en japonais. Après cette étape, il y aura encore des contrôles. Selon le Président de l’autorité de régulation nucléaire, il peut se passer encore beaucoup de temps avant une mise en service, qui accumule déjà 24 années de retard… L’exploitant, quant à lui, vise une mise en service en 2021.
Les travaux de construction ont commencé en 1993 et devaient être terminés en 1997. Après la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima, l’exploitant, Japan Nuclear Fuel Ltd, a dû revoir son dossier de sûreté. Il a déposé une demande en janvier 2014. Mais plusieurs scandales ont entraîné des retards dans la procédure.
Cette usine, prévue pour traiter 800 tonnes par an afin d’en extraire le plutonium des combustibles usés, devrait coûter en tout, jusqu’à son démantèlement, 14 000 milliards de yens (120 milliards d’euros). Le coût de sa seule construction est passé de 760 à 2 900 milliards de yens (6,4 à 25 milliards d’euros). Mais, elle n’a rien produit jusqu’à maintenant, et son activité sera réduite en cas de mise en service car il n’y a pratiquement pas de débouchés pour le plutonium extrait. Ce n’est pas un investissement rentable.
Rappelons que seulement 9 réacteurs nucléaires ont été remis en service au Japon depuis la catastrophe de Fukushima, dont 4 qui sont autorisés à utiliser du combustible MOx avec du plutonium recyclé. Un a été arrêté par la justice, en janvier dernier. Le Japon prévoyait 16 à 18 réacteurs utilisant ce combustible MOx… Le surgénérateur Monju, a quant à lui, été arrêté définitivement en décembre 2016. Et comme le Japon s’est engagé, en 2018, de n’extraire que la quantité de plutonium nécessaire, cette usine de retraitement ne sert à rien, car il faut déjà écouler le stock de 45,7 tonnes de plutonium. A pleine capacité, l’usine de retraitement de Rokkashô-mura devrait produire 7 tonnes de plutonium par an.
Les autorités locales de Rokkashô veulent renvoyer les 2 968 tonnes de combustibles usés déjà entreprosées dans la commune si l’usine de retraitement est abandonnée. Et comme il n’y a pas de place dans les centrales nucléaires pour les reprendre, tout le monde fait semblant que l’usine sera mise en service…
Dans un éditorial, l’Asahi parle de non-sens au regard des nombreux problèmes que pose cette usine au regard de la prolifération nucléaire, de sa rentabilité économique, de son intérêt énergétique… Le Maïnichi aussi et, tout comme l’Asahi, appelle à l’arrêt du projet qui a déjà trop coûté. Dans un autre article, l’Asahi rappelle le sacrifice des populations locales à qui l’on avait promis un avenir radieux. Mais les projets de “modernisation” du territoire se sont révélés être chimériques.
Comme en France, toute cette chimère n’a que pour seul but de changer le statut des déchets nucléaires en matières prétendument valorisables, mais jamais valorisées, tout en gardant une technologie d’origine militaire. D’un côté, le Japon appelle au désarmement nucléaire, tout en refusant de signer le traité d’interdiction des armes nucléaires, et d’un autre côté, il veut accumuler du plutonium…