La Haute Cour de Hiroshima vient d’ordonner l’arrêt du réacteur n°3 de la centrale d’Ikata, situé dans la province d’Ehimé, sur l’île de Shikoku. Ce réacteur avait été remis en service il y a un peu plus d’un an et est actuellement en arrêt programmé pour maintenance depuis le mois d’octobre. Il devra donc rester à l’arrêt jusqu’au 30 septembre 2018 alors que l’exploitant comptait sur une relance vers le 20 janvier prochain.
La Japon passe de 5 à 4 réacteurs nucléaires en activité alors qu’il y avait 54 réacteurs de production d’électricité avant la catastrophe de Fukushima. 12 ont déjà été détruits ou arrêtés définitivement. Deux autres devraient être mis à l’arrêt définitif prochainement.
En mars 2017, puis en juillet dernier, deux tribunaux avaient rejeté la demande des plaignants d’arrêter définitivement la centrale d’Ikata. Cette fois-ci, le juge, saisi par quatre citoyens japonais, a estimé que le risque que cette centrale soit touchée par des nuées ardentes en provenance du mont Aso, un volcan actif sur l’île de Kyûshû situé à 130 km, n’était pas négligeable. Ce volcan a déjà eu quatre éruptions massives ces 300 000 dernières années et la dernière a eu lieu il y a 90 000 ans. Et la cour d’ajouter que l’exploitant, Shikoku Electric, a sous-estimé la quantité de scories et cendres volcaniques qui pourraient retomber sur la centrale. Il conclut que l’avis de l’Autorité de Régulation Nucléaire (NRA) autorisant le redémarrage était “irrationnel” et que la vie des plaignants était menacée par les tombées radioactives potentielles en cas d’accident grave.
L’exploitant estime, quant à lui, avoir correctement évalué ces risques et va, bien-entendu, faire appel de cette décision. Ses propres calculs montraient que les nuées ardentes pouvaient atteindre sa centrale, mais il pense pouvoir y faire face. Le réacteur n°1 de la centrale d’Ikata est arrêté définitivement et le n°2 n’a pas été remis en service depuis la catastrophe de Fukushima.
Le nouveau référentiel de sûreté mis en place après la catastrophe nucléaire de Fukushima s’est focalisé sur les séismes et tsunamis, mais le risque volcanique reste mal évalué et peu pris en compte. Cette décision de justice, si elle n’est pas annulée en appel, aura un impact sur le programme nucléaire du Japon car d’autres réacteurs sont situés à proximité de volcans actifs. La NRA exige des exploitants qu’ils évaluent le risque liés aux volcans situés à moins de 160 km de la centrale nucléaire. Si des nuées ardentes ou de la lave peuvent atteindre la centrale, elle ne peut pas être exploitée.
111 volcans ont eu une éruption lors des 10 000 dernières années au Japon.
Comme on peut le voir sur la carte ci-dessus, reproduite du Maïnichi, les centrales de Sendaï et de Genkaï, sur l’île de Kyûshû, sont aussi à une distance de 160 km du mont Aso. Il y a même 5 volcans à proximité de la centrale de Sendaï, mais Kyûshû Electric, l’exploitant, assure surveiller de près leur activité et être en capacité de prédire leur éruption. Et la NRA estime qu’il y a peu de chances que la centrale de Sendaï soit affectée par des retombées volcaniques alors qu’elle est en activité. Elle exige aussi que les réacteurs soient arrêtés et le combustible éloigné en cas de risque d’éruption majeure. Cependant, les spécialistes estiment, quant à eux, qu’il est impossible de prévoir l’ampleur de l’éruption.
La centrale de Tomari, sur l’île de Hokkaïdô et celle de Shimané, sur l’île principale, sont aussi situées à moins de 160 km d’un volcan. Mais la NRA n’a jamais jugé que le risque volcanique justifiait l’arrêt d’une centrale.
Il y a un an, Japan Nuclear Fuel, n’a pas trouvé mieux que de proposer de déménager le combustible nucléaire neuf et usé de ses trois installations nucléaires situées à Rokkashô dans la province d’Aomori, en cas de risque d’éruption. Il y a deux volcans à proximité et les nuées ardentes du Towada ont atteint les environs de l’emplacement de l’usine de retraitement par le passé. Mais, selon le Maïnichi, la compagnie n’indique pas où elle va mettre ces matières nucléaires car elle n’a pas d’autre site ! Les trois installations sont, l’usine dite de retraitement qui n’a jamais démarré et accuse déjà 24 ans de retard, l’usine de fabrication de combustible MOX et un centre d’entreposage où s’entassent 3 000 tonnes de combustibles usés, de l’uranium en poudre et des déchets vitrifiés.