116ème versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 116ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 57,5 milliards de yens (440 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo a reçu un total de 10 151,7 milliards de yens (78,4 milliards d’euros au cours actuel) et cela ne suffira pas.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications.

Les Etats-Unis et l’Union européenne lèvent des restrictions à l’importation de produits alimentaires du Japon

Les Etats-Unis ont décidé de lever les restrictions à l’importation de produits alimentaires en provenance de 14 provinces japonaises qui avaient été affectées par les retombées radioactives durant l’accident nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi. Mentionnant des mesures de contrôle rigoureuses, l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments, a estimé que le risque était très faible pour les Américains qui consommeraient des aliments contaminés par la radioactivité importés du Japon. Voir son communiqué en anglais.

Les 14 provinces où des restrictions étaient en place sont Fukushima, Aomori, Iwaté, Miyagi, Yamagata, Ibaraki, Tochigi, Gunma, Saitama, Chiba, Niigata, Yamanashi, Nagano et Shizuoka.

L’Union européenne a aussi décidé récemment de modifier ses règles d’importation de produits alimentaires en provenance du Japon (document en pdf). Elle maintient les limites maximales de radionucléides sur les valeurs établies par la législation japonaise en vigueur, qui sont plus strictes que les normes européennes. Elle considère aussi que l’obligation d’échantillonner et d’analyser les produits avant leur exportation vers l’Union doit être maintenue ou établie pour certains produits, mais peut être levée pour d’autres. La liste est notamment étendue aux champignons sauvages et à leurs produits dérivés originaires des préfectures d’Iwate, Nagano, Niigata et Ibaraki, aux poissons et produits de la pêche originaires de la préfecture de Gunma, à la fougère grand aigle sauvage et à ses produits dérivés originaires de la préfecture de Fukushima et à la fougère royale japonaise et à ses produits dérivés originaires de la préfecture de Miyagi. Par contre, cette obligation peut être levée pour les pousses d’Aralia et leurs produits dérivés originaires des préfectures de Fukushima, Miyagi et Gunma, les bambous et leurs produits dérivés originaires de la préfecture de Fukushima, les champignons et leurs produits dérivés originaires de la préfecture de Gunma, le koshiabura et ses produits dérivés originaires des préfectures de Shizuoka, Yamanashi et Yamagata.

L’UE note aussi que “les contrôles officiels effectués à l’entrée dans l’Union montrent que les conditions particulières prévues par le droit de l’Union sont correctement mises en œuvre par les autorités japonaises et aucun cas de non-conformité au droit de l’Union n’a été constaté lors des contrôles officiels des importations depuis plus de neuf ans. Par conséquent, il y a lieu de conserver la fréquence peu élevée des contrôles officiels à l’entrée dans l’Union des denrées alimentaires et des aliments pour animaux soumis au présent règlement.”

Ces restrictions ne s’appliquent pas aux produits contenus dans les bagages personnels de passagers et destinés à leur consommation personnelle ou à leur usage personnel.

Le règlement d’exécution contient la liste de tous les produits pour lesquels des restrictions demeurent.

Enfin, selon le Japan Times, le Japon fait pression sur Taiwan pour que le pays lève aussi ses restrictions concernant 5 provinces japonaises, s’il veut rejoindre l’accord de libre-échange du Partenariat Trans-Pacifique.

Encore des problèmes de sûreté et de sécurité à la centrale de Kashiwazaki-Kariwa

TEPCo répète tout le temps que la sûreté est sa priorité n°1, mais la succession de scandales montre que ce n’est malheureusement pas le cas. Le dernier en date concerne une centaine de détecteurs de fumée mal placés à la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, située dans la province de Niigata. Les défauts de la protection incendie avaient déjà fait scandale en juin dernier, et TEPCo avait promis, comme d’habitude, qu’elle ne recommencerait plus et que patati et patata…

Les nouvelles règles de sûreté imposent de mettre les détecteurs de fumée à plus de 1,5 m des bouches d’aération et d’autres ouvertures. En février dernier, des inspecteurs de l’Autorité de régulation nucléaire ont découvert un détecteur de fumée situé à environ 1 m de la ventilation de la pièce d’entreposage des batteries du réacteur n°7. La compagnie l’a déplacé et a contrôlé les autres détecteurs. Mais, lors d’une autre inspection en avril, deux autres détecteurs étaient mal placés ! TEPCo a donc effectué une vérification complète des quelques 2 000 détecteurs de fumée de sa centrale et en aurait trouvé une centaine qui ne respecteraient pas les règles de sûreté, selon ce qu’elle a rapporté à l’Autorité de régulation nucléaire le 16 septembre dernier.

Mais bon, TEPCo s’était engagée, par écrit, à respecter un nouveau code de sûreté en 7 points et l’Autorité de régulation nucléaire en avait déduit que la compagnie était apte à exploiter du nucléaire. En mars dernier, cette même Autorité avait interdit à TEPCo d’exploiter une centrale nucléaire à cause de failles dans la sécurité cette fois-ci et, en juillet, la compagnie s’était, une nouvelle fois, engagée à réformer sa gouvernance…

Et le 22 septembre, TEPCo a remis son rapport à l’Autorité de régulation nucléaire dans lequel elle admettrait presque ne pas être en mesure de mettre en œuvre les mesures de sécurité requises pour exploiter une centrale nucléaire, selon l’Asahi. Le document concerne une série de dysfonctionnements des équipements antiterroristes du réacteur n° 7. TEPCO aurait identifié trois causes principales des problèmes qui ont affecté l’installation : une conscience insuffisante des risques liés à la protection des matières nucléaires, l’incapacité des cadres supérieurs à comprendre la situation de l’usine de Niigata et l’incapacité générale de l’entreprise à se corriger.

L’un des principaux problèmes mis au jour dans le rapport concerne les dysfonctionnements des équipements destinés à détecter les intrusions dans la centrale. Au moins 10 sites ont connu des défaillances d’équipement qui n’ont pas été corrigées pendant au moins 30 jours.

Dans l’intervalle, des caméras de sécurité ont été utilisées pour garder un œil sur les personnes qui entraient dans les différentes pièces, mais plutôt que d’affecter des employés à la surveillance constante de ces images vidéo, on a demandé à un employé de balayer un certain nombre d’écrans différents tout en effectuant d’autres tâches en même temps. Le rapport indique aussi que le personnel avait supposé que les mesures temporaires mises en place signifiaient qu’il n’était pas nécessaire de réparer rapidement les équipements de détection défectueux.

Le rapport a également noté que la centrale de Kashiwazaki-Kariwa présentait un nombre nettement plus important de problèmes avec son équipement de détection d’entrée et qu’il fallait beaucoup plus de temps pour effectuer les réparations par rapport aux autres centrales nucléaires. L’une des principales causes de ce retard tient aux mesures de réduction des coûts mises en œuvre par TEPCO.

Le directeur de TEPCo, Tomoaki Kobayakawa, et Shigenori Makino, directeur général de chargé de superviser les opérations nucléaires, verront leurs salaires réduits de 30 % pendant trois mois. S. Makino a également été démis de ses fonctions de chef de la division de l’énergie nucléaire. Quant à Takeo Ishii, le directeur de la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, il a été relevé de ses fonctions.

Lors d’une conférence de presse, le président de TEPCO, Yoshimitsu Kobayashi, a présenté ses excuses et a déclaré : “Nous mettrons en œuvre des mesures (pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise) en sachant que ce sera notre dernière chance.”

Lire communiqué de presse en anglais de TEPCo et les documents présentés lors de la conférence de presse.

Le réacteur Shimané-2 apte à être exploité

L’Autorité de régulation nucléaire vient de confirmer qu’elle autorise Chûgoku Electric à exploiter son réacteur nucléaire Shimané-2, suite à un avis préliminaire en juin dernier et une consultation en ligne. Ce réacteur à eau bouillante, mis en service en 1989, satisfait donc au nouveau référentiel de sûreté mis en place après la catastrophe nucléaire de 2011 à la centrale de Fukushima daï-ichi. La demande d’autorisation de remise en service avait été déposée en décembre 2013. Sihmané-1, quant à lui, a été arrêté définitivement. Il y a aussi un réacteur Shimané-3 dont les travaux de construction sont presque terminés, après avoir été suspendus après la catastrophe nucléaire.

L’exploitant espère terminer les travaux de renforcement de la sûreté avant la fin mars 2022. Il a notamment construit une digue contre les tsunamis de 15 m au dessus du niveau de la mer, alors qu’une faille géologique passe à proximité. La secousse maximale envisagée, qui était de 600 gals, est désormais de 820 gals. Et en cas d’une éruption du Sanbé, il a été estimé que jusqu’à 56 cm de cendres volcaniques pouvaient retomber sur le site de la centrale. Ces travaux devraient coûter plus de 100 milliards de yens, selon l’exploitant, et il reste encore à construire les installations de secours en cas d’attaque terroriste, comme, par exemple, une deuxième salle de contrôle.

L’exploitant devra aussi obtenir l’accord du maire de Matsué, la capitale régionale, et du gouverneur de Shimané, qui n’ont fait part d’aucune opposition jusqu’à présent. C’est la seule centrale située sur le territoire d’une capitale régionale. Mais de nombreux autres communes pourraient être impactées en cas d’accident grave et elles demandent à avoir aussi droit au chapitre.

460 000 personnes vivent dans un rayon de 30 km, dont une partie dans la province voisine de Tottori. Le plan d’évacuation a été approuvé le 7 septembre dernier par la Commission de préparation aux urgences nucléaires, présidée par le Premier ministre. Il prévoit une évacuation échelonnée afin d’éviter que les habitants fuyant en véhicule ne soient bloqués dans les embouteillages. Les personnes se trouvant dans un rayon de 5 km de la centrale seront les premières à évacuer, suivies de celles se trouvant dans le reste de la zone de 30 km. La majorité des habitants de la province de Shimané seront évacués vers les provinces voisines d’Okayama ou de Hiroshima.

Cependant, il est à craindre que de nombreux habitants tentent de fuir dès que possible, quelle que soit la distance qui les sépare de la centrale, si un accident majeur se produisait. Il n’est non plus certain que la logistique soit suffisante pour prendre en charge plus de 50 000 personnes qui auraient besoin d’une assistance spéciale. Et les préfectures d’Okayama et d’Hiroshima sont loin d’être suffisamment préparées pour accueillir de nombreux évacués. Des routes peuvent aussi être impraticables après un séisme ou en cas de fortes neiges.

La date de redémarrage de Shimané-2 n’est pas connue. C’est le 17ème réacteur nucléaire qui voit son nouveau référentiel de sûreté qualifié. Voir notre état des lieux du parc nucléaire japonais.

Filtres à air de la station ALPS : TEPCo a toujours une culture de sûreté défaillante

TEPCo a dû une nouvelle fois changer les filtres à air de sa station de traitement des eaux contaminées, ALPS, suite au déclenchement d’une alarme lors du transvasement de boues radioactives. 24 des 25 filtres étaient endommagés, selon l’Associated press.

Des photos sont disponibles dans ce document en japonais. Certains sont vraiment en mauvais état !

TEPCo avait déjà dû remplacer ces filtres il y a deux ans, suite à des dommages similaires, mais elle n’a pas cherché à comprendre pourquoi et n’a pas non plus renforcé la surveillance des ces filtres. Cela dénote, une fois de plus, d’un manque de culture de sûreté.

Pour l’Autorité de régulation nucléaire, le cœur du problème est l’attitude de TEPCo, qui aurait dû réagir plus rapidement afin de limiter les risques de fuites vers l’environnement. La compagnie précise qu’elle n’a détecté aucune fuite ni contamination des travailleurs.

Ce n’est, malheureusement, pas la seule défaillance de ce type. En février dernier, suite à un séisme, TEPCo avait reconnu qu’elle n’avait pas remplacé des sismographes en panne.

Forte contamination de la dalle qui bouche l’enceinte de confinement du réacteur n°2 de Fukushima dai-ïchi

Lors de précédentes investigations, l’Autorité de régulation nucléaire avait relevé de forts niveaux de contamination au niveau de la dalle qui ferme l’enceinte de confinement des réacteurs accidentés. Les nouvelles investigations effectuées à l’aide de robots télécommandés dans le réacteur n°2 ont mis en évidence des contaminations plus élevées que ce qui avait été estimé précédemment. Cela va compliquer les travaux de démantèlement et de reprise du corium.

Le bouchon qui ferme le haut de l’enceinte de confinement est constitué de 3 disques en béton de 12 mètres de diamètre et de 60 cm d’épaisseur chacun. Voir la zone indiquée en tirets sur le schéma ci-dessous. Chaque disque pèse 150 tonnes et est constitué de 3 blocs légèrement séparés.

L’autorité de régulation nucléaire a mené deux opérations et a mis en ligne les vidéos correspondantes. Lors des opérations du 26 août 2021, des mesures ont été effectuées dans des trous existants qui étaient encombrés de petits débris. Voir la vidéo :

 

De nouvelles mesures ont été effectuées le 9 septembre 2021 dans deux nouveaux trous de 7 cm de profondeur percés pour l’occasion. Voir la vidéo :

Les résultats de ces investigations ont été présentées lors de la réunion du 14 septembre 2021 et seraient concordants. Près du centre de la dalle, un débit de dose de 0,55 Sv/h a été mesuré directement au-dessus du trou central (à la même hauteur que le sol) et 1,1 Sv/h à une profondeur d’environ 5 cm.

L’autorité de régulation nucléaire a ensuite tenté d’estimer la contamination responsable d’un tel débit de dose et les niveaux de radiation sous la dalle. Voir ce document en japonais. Il est supposé que de grandes quantités de césium-137 se sont déposées dans les interstices des disques supérieur et médian de la dalle en béton. Les contaminations estimées sont de l’ordre de 1011 Bq/cm2 ! L’an dernier, en supposant que le Cs-137 est uniformément présent à une densité moyenne dans tout l’espace du couvercle, la quantité totale estimée était comprise entre 20 et 40 PBq. Selon l’Asahi, ce pourrait être beaucoup plus suite aux nouvelles mesures. La contamination pourrait aussi être comprise entre les disques inférieur et médian.

Rejet en mer : visite de l’AIEA

Une équipe de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) est en visite au Japon pour discuter du rejet en mer de “l’eau traitée” accumulée dans des cuves. Dirigée par Lydie Evrard, qui a été commissaire de l’Autorité de sûreté nucléaire française, l’équipe doit rencontrer des officiels japonais et visiter la centrale accidentée. Selon le communiqué de presse de l’AIEA, il s’agit d’aider le Japon à respecter les normes internationales pour le rejet, sans préciser, toutefois, à quelles normes il est fait référence et “fournir aux parties prenantes nationales et internationales des informations pertinentes et complètes, en temps utile, concernant la sûreté du rejet de l’eau”. Le but ultime étant de “contribuer à la transparence et, partant, à renforcer la confiance du public dans la sûreté des rejets”. Le communiqué est rédigé dans la même langue de bois que celle utilisée par les autorités japonaises…

L’AIEA a été invitée par le Japon, qui ne prend pas de risque. Car, comme elle l’explique elle-même, elle a pour but de promouvoir le nucléaire et souffre donc des mêmes défauts que la précédente autorité de sûreté japonaise (NISA). Elle n’a jamais contredit les autorités japonaises depuis le début de la catastrophe nucléaire : le Japon avait initialement classé l’accident au niveau 5 de l’échelle INES ou évité de parler de fusion (meltdown), sans que l’AIEA ne corrige.

Une équipe composée 11 personnes représentantes de plusieurs pays, dont la Chine et la Corée qui se sont opposées au rejet en mer, devrait revenir en décembre prochain, pour évaluer le plan de rejet en mer. Elle devrait aussi faire des prélèvements et écouter les parties-prenantes afin de leur apporter une réponse scientifique.

Le mois dernier, Christophe Xerri, qui a présidé des délégations de l’AIEA à Fukushima, a reconnu que personne ne pouvait prédire la date de fin des travaux car on n’a pas la technologie pour reprendre et gérer le corium. Une évidence. Mais, il y a tellement de non-dits et de tabous, que cette “révélation” a fait l’objet d’une dépêche AP. L’avantage, c’est que l’on pourra désormais l’affirmer sans être accusé de répandre des rumeurs néfastes !