Point sur les doses prises par les travailleurs à la centrale accidentée

TEPCo publie tous les mois un tableau avec des données statistiques sur les doses prises à la centrale de Fukushima daï-ichi. Mais elle remet tous les compteurs à zéro tous les cinq ans. Suite au dixième anniversaire, elle vient donc de repartir pour une nouvelle période de cinq années. Une telle pratique est surprenante.

Comme nous le rappelions dans notre dernier bilan chiffré annuel, pour la première période allant du 11 mars 2011 au 31 mars 2016, 46 956 travailleurs ont été exposés aux rayonnements ionisants sur le site de la centrale accidentée de Fukushima daï-ichi, dont 42 244 sous-traitants. Ce sont les sous-traitants qui ont pris les doses les plus élevées, avec une moyenne qui varie de 0,51 à 0,56 mSv par mois entre Janvier et Février 2016. C’est entre 0,18 et 0,22 pour les salariés de TEPCo.

Les données publiées en avril 2021 permettent de connaître le nombre de travailleurs qui ont été exposés entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2021 : 25 024 dont 90% de sous-traitants (22 568). Sur ces cinq années, la dose externe moyenne reçue par les sous-traitants est de 6,96 mSv, alors qu’elle est de 3,28 mSv pour les employés de TEPCo. Les sous-traitants ont donc pris 95% de la dose externe collective correspondante, qui est de 165 hommes.sieverts. C’est aussi un sous-traitant qui a pris la dose externe la plus élevée : 88,63 mSv sur ces 5 années, sachant que la limite maximale autorisée est de 100 mSv (soit 20 mSv/an en moyenne). 59 sous-traitants ont reçu une dose externe supérieure à 75 mSv et 350, une dose comprise entre 50 et 75 mSv. Seuls deux employés de TEPCo ont reçu une dose externe comprise entre 50 et 75 mSv.

10 319 travailleurs ont été exposés lors de la dernière année, allant du 1er avril 2020 au 31 mars 2021, dont 87% de sous-traitants (8 982). La dose externe moyenne sur cette année reçue par les sous-traitants est de 2,84 mSv, contre 0,98 mSv pour les employés de TEPCo. Et c’est encore un sous-traitant qui a reçu la dose externe la plus élevée : 19,31 mSv.

Il est impossible de savoir combien parmi toutes ces personnes ont déjà été exposées durant les cinq premières années ni leur dose cumulée.

5 942 travailleurs ont été exposés aux rayonnements ionisants en avril 2021, qui est le 1er mois de la troisième période de cinq ans, dont 84% de sous-traitants (4 973) qui ont pris 94% de la dose collective. Le document donne aussi la dose estimée à la peau et à l’œil.

Sur ces trois derniers mois (juillet – août – septembre 2021), il y a eu entre 6 279 et 6 464 travailleurs exposés chaque mois. En septembre 2021, deux sous-traitants ont reçu une dose externe supérieure à 10 mSv, la plus forte des deux étant de 11,30 mSv !

Incinération d’une partie des déchets radioactifs à Tochigi

Après avoir échoué à trouver des sites de stockage des déchets radioactifs dans les provinces autres que Fukushima qui ont aussi été touchées par les retombées radioactives, les autorités veulent incinérer les déchets dont la contamination résiduelle en césium est passée sous le seuil de 8 000 Bq/kg. Cette limite avait été introduite après la catastrophe nucléaire. Dans le cadre du démantèlement des installations nucléaires, au-delà d’une concentration de 100 Bq/kg, les matériaux doivent être considérés comme déchets radioactifs. Selon le ministère de l’environnement, environ 20% du stock dépasse les 8 000 Bq/kg.

En attendant, ces déchets doivent être entreposés sur les sites de 6 incinérateurs. Selon le Tôkyô Shimbun traduit par le blog Fukushima 311 watchdogs, La commune de Nasushiobara est la première à appliquer ce plan où les 53 agriculteurs ont accumulé 1 216 tonnes de déchets radioactifs.

Le maire favorable au site d’enfouissement des déchets nucléaires réélu à Suttsu

Des élections municipales ont eu lieu à Suttsu, un des deux villages de Hokkaïdô à s’être porté candidat à des investigations géologiques dans le but d’accueillir un site d’enfouissement des déchets radioactifs. Et c’est le maire sortant, initiateur de la candidature, qui a remporté le scrutin. Âgé de 72, il briguait un sixième mandat et pour la première fois depuis qu’il est maire, quelqu’un s’est présenté contre lui : il s’agit d’un opposant au site d’enfouissement âgé de 70 ans, qui a reconnu, après sa défaite, n’avoir pas de projet pour l’avenir de la commune.

Le village de pêcheurs de 2 800 habitants demeure très divisé sur le sujet. Avec 84%, le taux de participation a été élevé et le maire sortant a obtenu 56% des suffrages exprimés. Un référendum sera organisé à l’automne 2022, à l’issue de la première phase d’investigation géologique qui est uniquement bibliographique.

Arrêt de Mihama-3 à cause du retard dans la mise en place de mesures anti-terroristes

Le réacteur n°3 de la centrale de Mihama, située dans le province de Fukui, avait été remis en service en juin dernier. C’est le dixième réacteur qui redémarre depuis la catastrophe de Fukushima, mais le premier qui a plus de 40 ans. Il vient cependant d’être arrêté car son exploitant, Kansaï Electric, n’a pas renforcé les mesures anti-terroristes dans les temps. En 2019, l’Autorité de régulation nucléaire avait refusé d’accorder un délai supplémentaire et plusieurs centrales ont dû être arrêtées temporairement.

L’autorisation de prolongement de l’exploitation au-delà de 40 ans de Mihama-3 avait été demandée en avril 2015 et obtenue en novembre 2016. Kansaï Electric a donc eu 5 ans pour faire les travaux de renforcement de la sûreté entre temps, mais n’a pas fait ceux concernant la sécurité. Ils devraient prendre un an environ et la re-remise en service est prévue pour octobre 2022.

Mihama-1 et 2 ont été arrêtés définitivement en avril 2015.

COP26 : blablabla japonais

Pour garder la face, le Japon, comme les autres gros émetteurs de gaz à effet de serre, se devait de faire des annonces ambitieuses à la COP26, tout en essayant d’éviter des engagements contraignants. Rappelons que le projet annoncé lors du sommet sur le climat organisé par les Etats-Unis en avril dernier a pour but de réduire de 46% ses émissions de CO2 d’ici 2030 par rapport à 2013 et d’attendre la neutralité carbone en 2050. Le premier objectif est basé sur l’hypothèse que 30 réacteurs nucléaires seront remis en service d’ici 2030 alors que seuls 10 l’ont été depuis 2011… Ce n’est donc pas très réaliste. Le parti au pouvoir a, comme le gouvernement français, fait la promotion des petits réacteurs nucléaires modulaires, supposés plus sûrs. Mais qui peut croire qu’il va pouvoir développer un tel réacteur, trouver des sites et en construire plusieurs en moins de 10 ans !

Le nouveau gouvernement de Fumio Kishida a décidé, en amont de la COP26, de doubler la part des énergies renouvelables entre 2019 et 2030 afin d’atteindre de 36 à 38% des besoins en électricité. La part du nucléaire reste inchangée, de 20 à 22%. La part des énergies fossiles qui était de 76% en 2019 devrait passer à 41% en 2030, ce qui reste élevé. Cela inclut 19% produits à partir du charbon.

Comme l’ont rapporté plusieurs médias (voir le Japan Times), le Japon aurait fait du lobbying auprès du GIEC pour exclure du rapport la proposition d’arrêter les centrales à charbon et à gaz d’ici 9 à 12 ans respectivement. Il aurait fait la promotion de la séquestration du carbone à la place.

Ce nouveau plan énergétique prétend réduire autant que possible la part du nucléaire tout en maintenant que le nucléaire reste une source d’énergie importante ! Si la construction de nouveaux réacteurs n’est pas explicitement mentionnée, elle n’est pas exclue pour autant. Quant au retraitement, il reste l’option choisie par le Japon même si l’usine n’a toujours pas été mise en service et qu’il n’y a pas de débouché pour le plutonium extrait. La part du nucléaire était de 6% en 2019. Il ne sera pas facile d’atteindre 20 à 22% en 2030.

Ce nouveau plan énergétique a été soumis à une consultation du public en ligne pendant un mois, mais aucune révision majeure n’a été effectuée.

117ème versement financier pour TEPCo

TEPCo annonce avoir reçu le 117ème versement financier de la part de la structure gouvernementale de soutien qui lui avance de l’argent pour les indemnisations : 7,4 milliards de yens (56 millions d’euros au cours actuel). Rappelons que cet argent est prêté sans intérêt.

En prenant en compte ce versement et les 188,9 milliards de yens venant de l’Act on Contract for Indemnification of Nuclear Damage Compensation, TEPCo a reçu un total de 10 159,1 milliards de yens (77 milliards d’euros au cours actuel) et cela ne suffira pas.

Le communiqué de TEPCo est accompagné d’un tableau avec les sommes versées au titre des indemnisations, mais sans explications.

43ème réunion du comité de suivi sanitaire à Fukushima : 6 nouveaux cas de cancer de la thyroïde dépistés

Les autorités régionales de Fukushima ont mis en ligne les données présentées à la 43ème réunion du suivi sanitaire qui inclut la campagne de dépistage des cancers de la thyroïde chez les jeunes de la province. Les résultats détaillés sont ici en japonais. Une traduction officielle en anglais des principales données devrait être bientôt disponible et le blog Fukushima voices devrait proposer son propre résumé en anglais. Pour en savoir plus, lire ou relire notre revue de littérature scientifique sur le sujet.

Rappelons que tous les jeunes de Fukushima, qui avaient moins de 18 ans lors de la catastrophe nucléaire ou qui étaient encore dans le ventre de leur mère (nés entre le 2 avril 1992 et le 1er avril 2012), peuvent bénéficier d’un dépistage tous les deux ans par échographie. Même si le taux de participation baisse, certains en sont à leur 5ème examen médical. Après 20 ans, le dépistage suivant se fait à l’âge de 25 ans.

Les données précédentes, publiées lors de la 42ème réunion sont ici, à titre de comparaison. A noter que les dernières données mises à jour pour les quatrièmes et cinquièmes campagnes sont à la date du 30 juin 2021, alors pour les jeunes ayant plus de 25 ans pour lesquels c’est toujours à la date du 31 mars 2021. Les dernières données sont synthétisées dans ce document en japonais et font apparaître six nouveaux cas depuis la dernière fois.

Lors de la quatrième campagne de dépistage, dont les résultats sont détaillés ici en japonais, 3 nouveaux cas de cancer suspecté sont apparus, pour atteindre un total de 36 cas. Parmi eux, 29 ont été confirmés par une intervention chirurgicale, soit 2 de plus que la dernière fois. Ces résultats sont à la date du 30 juin 2021.

Lors de la cinquième campagne de dépistage, dont les résultats sont détaillés ici en japonais, 3 cas de cancer de la thyroïde ont été découverts, dont 1 a été confirmé suite à une intervention chirurgicale.

On arrive donc à un total de 266 cas de cancers de la thyroïde suspectés chez les jeunes de Fukushima, dont 221 ont été confirmés lors d’une intervention chirurgicale (carcinome papillaire : 218 ; carcinome peu différencié : 1 ; carcinome folliculaire : 1 ; autre carcinome thyroïdien : 1). Il n’y a toujours qu’un seul cas qui s’est révélé être bénin après l’intervention (première campagne).

Le nombre de cas nouveaux, qui n’ont été détectés qu’à partir de la seconde campagne de dépistage (150), est plus élevé que le nombre de cas détectés lors de la première campagne (116), qui peut inclure des cancers qui existaient déjà avant la catastrophe nucléaire.

Le tableau ci-dessous synthétise les données issues du dépistage officiel. Le taux de dépistage diminuant au fur et à mesure des campagnes, le nombre de cas réels est forcément plus élevé. De plus, les cas de cancer détectés en dehors du programme de suivi ne sont pas comptés, même si l’intervention chirurgicale a eu lieu à l’université de médecine de Fukushima, en charge du suivi… Enfin, le dépistage gouvernemental n’a lieu que dans la province de Fukushima alors que les provinces voisines ont aussi été touchées par les retombées radioactives. Les cas de cancer de la thyroïde qui pourraient y apparaître échappent aussi aux données officielles.

  Dépistages avec résultat Examens complémentaires terminés Cytoponctions Nombre de cancers suspectés Nombre de cancers confirmés
Première campagne 300 472 2 091 547 116 101
Deuxième campagne 270 552 1 834 207 71 55
Troisième campagne 217 922 1 068 79 31 29
Quatrième campagne 183 338 991 87 36 29
Cinquième campagne 24 882 144 7 3 1
Plus de 25 ans 7 260 227 17 9 6
Bilan des campagnes de dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima au 30 juin 2021 pour les quatrième et cinquième campagnes, 31 mars pour les autres.

Le bilan synthétique indique aussi que 9 de ces enfants avaient moins de 5 ans au moment de l’accident. Les très jeunes enfants ont été particulièrement touchés par les retombées radioactives de Tchernobyl. Lors des premières années de la catastrophe de Fukushima, l’absence de cas de cancer chez les très jeunes enfants était utilisé comme argument pour prétendre que la radioactivité n’était donc probablement pas à l’origine de l’élévation significative du nombre de cancers de la thyroïde chez les jeunes. Ce point est passé sous silence maintenant que des cas ont aussi été découverts à Fukushima.

Rappelons que ce rapport en japonais mentionne qu’au 31 décembre 2018, 180 des patients ont été opérés de la thyroïde à l’Université de médecine de Fukushima. Sur ces 180 patients, 161 ont été adressés suite à au programme de dépistage de la thyroïde et 19 ont été adressés par d’autres sources. Ce qui signifie que ces 19 cas, qui représentent environ 10% des interventions, ne sont pas pris en compte dans les données ci-dessus.

Sur ces 180 cas, 175 étaient des carcinomes papillaires, 2 des carcinomes folliculaires, 1 un carcinome peu différencié et 2 autres types de cancers de la thyroïde. Une thyroïdectomie totale a été réalisée dans 8,9 % des cas et une unilobectomie dans 91,1 % des cas. Le nombre de cas à très faible risque qui auraient pu bénéficier d’un suivi non opératoire était très faible. Le rapport mentionne aussi que des métastases des ganglions lymphatiques ont été trouvées dans 72 % des cas, une invasion du tissu périthyroïdien dans 47 % des cas et des métastases pulmonaires dans 1,7 % des cas.

Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies reconnaît que disposer d’un environnement propre, sain et durable est un droit humain

Dans sa résolution 48/13 (texte en anglais et en français), le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a reconnu, pour la première fois, que disposer d’un environnement propre, sain et durable est un droit humain et a appelé les États du monde entier à travailler ensemble pour mettre en œuvre ce droit nouvellement reconnu. Lire le communiqué de presse en français et en anglais. La question va maintenant être soumise à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, pour un examen plus approfondi. Le communiqué rappelle que, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 24 % de tous les décès dans le monde, soit environ 13,7 millions de décès par an, sont liés à l’environnement, en raison de risques tels que la pollution atmosphérique et l’exposition aux produits chimiques.

Selon le compte-rendu en anglais, la résolution été adoptée par 43 voix pour et 4 abstentions de la Russie, de l’Inde, de la Chine et du Japon. Le message du Japon est donc clair pour les habitants de Fukushima : il préfère se retrouver en compagnie de pays gouvernés par des régimes peu démocratiques plutôt que de reconnaître ce droit à un environnement propre, sain et durable.

Le texte reste, pourtant, très général : il “considère que l’exercice du droit de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable est un élément important de la jouissance des droits de l’homme” et engage les États à “renforcer leurs capacités en matière de protection de l’environnement”, à “continuer de mutualiser les bonnes pratiques observées” et à “adopter des politiques visant à permettre l’exercice du droit à un environnement sûr, propre, sain et durable”. Il ne traite pas des indemnisations pour lesquelles il y a de nombreuses actions judiciaires en cours.

Nouveau premier ministre au Japon

Fumio Kishida vient de remporter la présidence du parti au pouvoir, le Parti Libéral Démocrate et va devenir le nouveau premier ministre du pays. D’habitude cette désignation résulte d’une lutte de clans. Cette fois-ci, une procédure plus ouverte a été organisée avec débats télévisés entre plusieurs prétendants. Si les membres du parti s’exprimaient au premier tour, seuls les parlementaires, redevables des instances du parti pour leur circonscription, votaient au deuxième tour…

Lors des débats, l’avenir énergétique du pays a été abordé. Ancien ministre des affaires étrangères, Kishida a défendu les petits réacteurs modulables (SMR) – japonais, bien-sûr – prétendument moins chers et la fusion nucléaire afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il n’y a pas de prototype de SMR pour le moment, ni de filière industrielle. Quant à la fusion, personne ne sait si on pourra un jour en tirer de l’électricité. Cela en dit long sur le niveau du débat et des propositions…

Tarô Kôno, qui avait la faveur des sondages car plus moderne, était plus critique envers l’énergie nucléaire et voulait favoriser le développement des énergies renouvelables. Selon l’Asahi, il voulait notamment abandonner le projet de retraitement des combustibles usés, actant ainsi l’échec de l’usine de Rokkashô-mura qui accuse déjà 25 ans de retard. Les trois autres candidats, dont le futur premier ministre, s’accrochent à ce programme, avec des arguments plus qu’étonnants : les centrales nucléaires japonaises ne pourraient pas tourner sans le retraitement, comme le rapporte le Japan Times. Et c’est ces gens qui doivent trancher le futur énergétique du Japon !

Ce quotidien rapporte aussi le lobbying de Kansaï Electric, qui a une forte influence dans la région, en faveur de Kishida et de son soutien à l’énergie nucléaire.