Kansaï Electric (KEPCo) a redémarré le réacteur n°3 de 870 MWe de sa centrale de Takahama dans la province de Fukui le 29 janvier vers 17h. Il est devenu critique le 30 vers 6h. Il devrait commencer à transmettre de l’électricité au réseau à partir du 1er février vers 14h. Cela faisait 3 ans et 11 mois qu’il était à l’arrêt.
Il y avait une trentaine de militants anti-nucléaire devant la centrale pour protester. La commune de Takahama, dont les finances dépendent fortement du nucléaire, est contente. C’est environ 50% de ses revenus. La centrale emploie aussi 30% des hommes de la commune.
24 des 157 assemblages de combustible sont du MOx fabriqué par Areva. Il contient du plutonium issu du retraitement. Le Japon n’a commencé à utiliser ce combustible qu’en 2009. Le taux de recyclage est donc quasi-nul.
Une fois de encore, ce sont les plans d’urgence en cas d’accident qui inquiètent le plus les riverains. C’est le cas, en particulier, des gouverneurs des provinces voisines de Kyôto et de Shiga ont critiqué ce redémarrage. Cette centrale, située sur la Mer du Japon, est entourée de 180 000 habitants dans un rayon de 30 km. Il est prévu que les personnes partent se réfugier dans les provinces de Kyôto, Hyôgo ou Tokushima, mais la plupart des communes de repli n’ont pas de plan d’accueil. Seulement 7 sur 56 en ont un, selon l’Asahi. Et l’évacuation des personnes vulnérables, qui ne pourront pas partir d’elles-mêmes, n’est pas prête.
Rappelons que les plans d’urgence constituent la dernière barrière de protection dans le cadre de la défense en profondeur. Il est donc choquant d’autoriser le redémarrage d’un réacteur sans un plan d’urgence complet, testé et évalué.
Le maire d’Ôsaka, quant à lui, a critiqué l’absence de solution pour les déchets radioactifs, que ce soit à moyen et long terme. La ville détient 9% des parts de la compagnie. Les piscines de combustible usé devraient être pleines dans 8 ans à Takahama et KEPCo n’a pas de solution en vue. La compagnie veut ouvrir un centre d’entreposage en dehors de la province de Fukui pour y laisser les combustible refroidir pendant des décennies. Elle espère qu’un centre d’enfouissement sera disponible ensuite. Le choix du site d’entreposage devrait être fait en 2020… dans une province accessible par la mer. Les gouverneurs de Kyôto et d’Ôsaka y sont fermement opposés. Ceux de Mié et de Hyôgo n’envisagent pas une telle possibilité pour le moment. Reste Wakayama, selon le Japan Times. La commune de Gobô avait fait part de son intérêt en 2009, mais il ne s’est rien passé depuis. Il n’est pas sûr que la commune voisine de Mihama, qui dépend fortement du tourisme, accepte.
Rappelons donc que sur 54 réacteurs nucléaires de production d’électricité avant la catastrophe de Fukushima, 11 ont été détruits ou arrêtés définitivement. En revanche, seulement 3 ont pu redémarrer. Deux autres devraient suivre cette année. Tous les autres ne satisfont toujours pas aux nouvelles exigences de sûreté. Cela donne une idée de l’état du parc en 2010 et de l’irresponsabilité des exploitants qui n’avaient pas fait le maximum pour garantir la sûreté de leurs installations. Cela ne les empêche pas de répéter à chaque fois que la sûreté est leur priorité n°1 !
Ce n’est la l’autorité de régulation nucléaire (ARN) qui est trop sévère. Au contraire, suite à une visite récente, une équipe de l’AIEA, présidée par Philippe Jamet, de l’Autorité de sûreté nucléaire française, avait conclu, selon Libération, que l’ARN « doit renforcer ses compétences techniques et son attractivité afin de recruter du personnel qualifié, car de gros défis l’attendent dans les années à venir ». L’AIEA a également plaidé pour que « la législation soit amendée afin de permettre à l’ARN d’effectuer des inspections plus efficaces des installations nucléaires ». Le cadre régissant ces contrôles « est trop complexe et rigide », et ne donne « pas assez de liberté aux inspecteurs pour réagir immédiatement ».
KEPCo va commencer à charger le réacteur n°4 de la centrale de Takahama à partir du 31 janvier. Quant au réacteur n°3 de la centrale d’Ikata dans la province d’Ehimé, qui vu son dossier de sûreté validé par l’Autorité de régulation nucléaire, il ne devrait pas redémarrer avant avril 2016, sans que la compagnie ne donne de date précise.
La demande en électricité dans la zone couverte par KEPCo a baissé de 10% depuis la catastrophe de Fukushima. Elle devrait baisser beaucoup plus avec l’ouverture complète du marché de l’électricité à partir du 1er avril prochain.