Publicité mensongère à propos du charbon

Comme tous les pays riches, le Japon doit réduire massivement ses émissions de gaz à effet de serre. Et sa production d’électricité est très dépendante du charbon, particulièrement polluant. Alors, comme ailleurs, les promesses inaccessibles sont mises en avant pour retarder les actions en faveur du climat. JERA, filiale de TEPCo et Chûbu Electric, vient d’être accusé de publicité mensongère par le Kiko Network qui a saisi la Japan Advertising Review Organization. Lire son communiqué de presse.

Selon l’Asahi, les données de JERA montrent que l’entreprise produit 30 % de l’électricité au Japon en émettant plus de 100 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an, soit plus de 10 % du total japonais. Alors, pour redorer son image, la compagnie vient de lancer une campagne de publicité où elle affirme faire du feu sans émission de CO2. Voici ce que l’on trouve en anglais sur son site Internet :

Ses explications sont loins d’être convaincantes : il s’agit de tester le remplacement de 20 % du charbon par le l’ammoniac qui n’émet pas de CO2 lors de sa combustion. On est encore loin de la combustion sans CO2 ! Et, surtout, JERA ne dit pas un mot sur les émissions de CO2 lors de la synthèse de l’ammoniac. Comme nous l’avions déjà souligné, le moyen le plus courant pour fabriquer l’ammoniac de nos jours utilise des énergies fossiles : la production d’une tonne d’ammoniac à partir de gaz naturel engendre l’émission de deux tonnes de CO2

Et puis la combustion de l’ammoniac émet des NOx qui sont toxiques. il faut donc aussi les brûler avant qu’ils rejoignent l’atmosphère. Bref, JERA fait des promesses à partir d’une solution non éprouvée tout en cachant les émissions de CO2 qui auront lieu dans d’autres pays.

Faute d’avoir agit durant des décennies, la réduction significative des émissions de gaz à effet de serre est une urgence. Il faut mettre en oeuvre les technologies disponibles sans compter sur des technologies non matures pour y arriver.

Polémiques à Fukui à propos des combustibles usés

Kansaï Electric (KEPCo) a redémarré trois réacteurs ayant plus de quarante années d’exploitation dans la province de Fukui (Mihama-3, Takahama-1 et -2). Les autorités régionales lui avaient demandé d’entreposer les combustibles usés dans une autre région avant de donner son feu vert. La compagnie s’était donc engagée à trouver un site avant la fin 2023 et à arrêter les trois réacteurs âgés autrement. Mais les réacteurs ont été remis en service sans avoir trouvé de solution pour les combustibles usés. Et, le 13 octobre 2023, Tatsuji Sugimoto, le gouverneur, a donné son accord à la nouvelle stratégie présentée par l’exploitant. Les trois réacteurs âgés peuvent donc être exploités.

En juin dernier, KEPCo pensait pouvoir calmer les élus locaux en promettant d’envoyer 200 tonnes de combustibles usés en France, où il y a aussi des problèmes de saturation des piscines. Mais les autorités régionales n’ont pas été satisfaites. 

Le gouverneur a donc rencontré le ministre de l’industrie, Yasutoshi Nishimura, et le PDG de KEPCo, Nozomu Mori avec qui il est arrivé à un nouvel accord : l’entreposage en dehors de la province, ce sera plutôt à l’horizon 2030 et, en attendant, le combustible restera sur place. Où ira-t-il ? A l’usine de retraitement de Rokkashô-mura, dans la province d’Aomori. Encore faut-il qu’elle puisse démarrer un jour… Elle accumule déjà 26 années de retard et il n’y a pas de débouché pour le plutonium qui pourrait y être séparé puisque seulement quatre réacteurs moxés ont été remis en service au Japon. Mais aussi en France où KEPCo dit vouloir envoyer plus de combustibles. Et, des combustibles pourront aussi être entreposés à sec sur le site des centrales.

Selon l’Asahi, le gouverneur a été fortement critiqué lors de la dernière assemblée régionale, de nombreux élus lui reprochant d’avoir donné son accord sans garantie.

Le tabou des rejets radioactifs

Avant la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi, en mars 2011, personne ne se préoccupait de ses rejets radioactifs. Et là, la vidange des cuves d’eau contaminée, dans les limites autorisées avant la catastrophe, provoque un tollé international. Les pêcheurs japonais, qui ont souffert de l’arrêt de leur activité pendant des années à cause du tsunami puis de la contamination radioactive liée à l’accident, sont vent debout contre cette décision. Le gouvernement leur avait promis de ne pas autoriser le rejet sans leur accord, pensant que cela se règlerait, comme d’habitude, à coups de « subventions ». Mais, le malaise provoqué par l’inactivité et la défiance sont plus profonds. Ils ont été trahis.

Il y a cinq ans, lors des premières consultations sur le rejet en mer de l’eau des cuves, TEPCo avait « omis » de signaler que 80% du stock dépassait les concentrations maximales autorisées. La compagnie comptait s’en sortir par la dilution. Face au scandale, elle s’est engagée à refiltrer cette eau autant de fois que nécessaire avant rejet. Il lui reste 70% du stock à reprendre…

En charge de la campagne d’« information » gouvernementale, le publicitaire Dentsu, un des leaders mondiaux, avait représenté le tritium – radioélément non filtré dominant la contamination résiduelle – sous la forme d’un petit poisson inoffensif.

Ce mépris des populations se traduit aussi par la défiance persistante des autorités japonaises envers les laboratoires citoyens créés après la catastrophe. Ils ont pourtant joué un rôle primordial pour aider les personnes affectées par les retombées radioactives.

Au niveau international, les protestations des pays voisins sont hypocrites puisqu’ils ont aussi des rejets radioactifs en mer. Le gouvernement japonais a donc répliqué avec ce comparatif :

Aucune autre installation nucléaire japonaise n’y est représentée ! Les autorisations de rejet de tritium en mer des centrales de Genkai et de Sendai, exploitées par Kyûshû Electric, sont respectivement de 140 et 110 TBq par an, proches de la centrale chinoise, et bien supérieures aux 22 TBq de Fukushima daï-ichi. Quant à Kansaï Electric, elle omet simplement de signaler ses rejets tritium dans ses rapports environnementaux ! Et l’usine de retraitement de Rokkashô-mura, si elle démarre un jour, aura des rejets pouvant aller jusqu’à 9 000 TBq/an !

A l’exception de quelques journaux, dont l’Express, les médias français ont longuement parlé des rejets de Fukushima sans mentionner les rejets français. Pourtant, la seule centrale de Chinon est autorisée à rejeter 80 TBq de tritium par an dans la Loire, pas l’océan pacifique. Et le record du monde est détenu par l’usine de retraitement de La Hague, qui peut aller jusqu’à 18 500 TBq/an dans La Manche, soit 840 fois plus que Fukushima. Ce doit être l’« écologie à la française ».

On se souvient de la directrice du centre de stockage de la Manche qui refusait de parler de rejets, lui préférant « relâchements », sans que l’on ne comprenne la différence. Et quand la convention OSPAR de protection de l’Atlantique Nord a reporté discrètement à 2050 l’échéance de faire tendre les rejets vers zéro, reportant de 30 ans l’engagement pris à Sintra au Portugal en 1998, seule l’ACRO s’était intéressée au sujet. Cette même convention impose de mettre en œuvre les meilleures technologies disponibles pour épurer les effluents avant rejet. Ainsi, en extrayant l’iode-129 et le carbone-14 à La Hague, la dose reçue par les pêcheurs – les plus exposés – serait diminuée de 30%. Qui s’en préoccupe ?

L’IRSN vient de calculer que l’évaporation de l’eau de mer, contaminée par les rejets de l’usine de retraitement, entraîne des retombées de tritium de l’ordre de 130 TBq/an sur la Normandie. Ce n’est pas rien. Il aurait été logique, pour apprécier cette valeur, de la comparer aux autorisations de rejets aériens de l’usine (150 TBq/an) ou à ses rejets réels (de l’ordre de 50 TBq/an ces dernières années), sachant que cette contribution marine vient s’ajouter. On aurait aussi pu choisir la centrale voisine de Flamanville, qui ne peut pas émettre plus de 11 TBq/an dans l’atmosphère. Non, à l’IRSN, on a préféré comparer cela à « 260 à 1 300 panneaux luminescents de sécurité « Sortie » au tritium ». Ce doit être le fruit de longues années de dialogues avec le Japon…

De la ferraille potentiellement contaminée revendue

Des pièces métalliques issues du démantèlement d’un complexe culturel situé en zone dite de retour difficile de la commune d’Ôkuma ont été revendues sans contrôle de leur contamination radioactive. Ce sont des sous-traitants de la compagnie Kajima qui ont ainsi violé la loi sur les déchets radioactifs.

Les matériaux issus du démantèlement doivent être entreposés sur des sites dédiés où ils sont contrôlés avant de décider de leur sort.

Le Japan Times, qui rapporte cette affaire, ne donne indication sur la quantité concernée ni sur les niveaux de contamination des autres métaux sur le même site. Pour le césium, le seuil de libération adopté au Japon est de 100 Bq/kg. Mais, selon 20 minutes, il en aurait été vendu pour 900 000 yens. On peut donc penser que cela représentait une vingtaine de tonnes.

Remise en service de Takahama-2 après 12 ans d’arrêt

Après Takahama-1 en juillet dernier, c’est au tour de Takahama-2 d’être remis en service. Cela porte donc à 12, le nombre de réacteurs remis en service depuis la catastrophe de Fukushima, sur un total de 54 avant l’accident. Voir la liste complète.

Ce sont les deux réacteurs les plus anciens du Japon. Ils ont bénéficié d’une autorisation d’exploitation “exceptionnelle” au-delà de 40 ans en avril 2016. Il a ensuite fallu faire les travaux de renforcement de la sûreté.

Comme nous l’avons déjà mentionné plusieurs fois, Kansaï Electric n’a pas tenu ses engagements d’ouvrir un nouvel entreposage pour les combustibles usés ailleurs qu’à Fukui. C’était pourtant une condition nécessaire pour les autorités régionales, qui ont fini par donner leur accord.

En mai dernier, le parlement a autorisé l’exploitation des réacteurs nucléaires au-delà de 60 ans si la sûreté le permet.

Début du rejet en mer de l’eau contaminée traitée à la centrale de Fukushima daï-ichi

L’accumulation d’eau contaminée est l’un des problèmes majeurs auxquels doit faire face TEPCo à sa centrale de Fukushima daï-ichi. Après des années de tergiversations, de communication arrogante, de promesses intenables, le gouvernement japonais a donné son feu vert au début des opérations de rejet en mer de l’eau contaminée traitée par la station ALPS. Le principe avait déjà été acté en 2021. Le rejet débutera le 24 août 2023 à 13h heure locale et se fera via un tunnel mer long de 1 km. Voir le communiqué de TEPCo sur le sujet, avec un document explicatif, et la page dédiée.

Rappelons que l’eau utilisée pour le refroidissement du corium, ce mélange de combustibles et débris fondus, se contamine avant de s’écouler dans les sous-sols où elle se mélange à l’eau souterraine qui s’y infiltre. TEPCo pompe dans les sous-sols, décontamine partiellement cette eau avant d’en réinjecter une partie pour le refroidissement. Le surplus est entreposé dans des cuves. Au 3 août 2023, le stock s’élève à 1 343 227 m3, selon le portail de la compagnie. Cela occupe 98% de la capacité d’entreposage.

Le traitement consiste à filtrer 62 radioéléments. Mais, rappelons aussi que le traitement n’a pas toujours été bien effectué et que 70% de ce stock doit être repris pour être traité à nouveau :Initialement, TEPCo voulait simplement diluer cette eau “mal-traitée” qui ne satisfaisait pas aux autorisations de rejet. Face au tollé, elle a dû s’engager à retraiter cette eau autant qu’il le faudra. Ainsi, l’eau qui sera rejetée à partir du 24 août est conforme, sauf pour le tritium.

Le tritium est de l’hydrogène radioactif qui entre directement dans la composition de la molécule d’eau. Il est donc très complexe à filtrer car il faut séparer de l’eau tritiée de l’eau non tritiée. Le stock total de tritium dans les cuves dépasse largement l’autorisation de rejet annuelle (22 TBq) de la centrale et le rejet sera donc étalé sur une trentaine d’années afin de ne pas dépasser cette limite. La concentration peut aussi dépasser la concentration limite autorisée (60 000 Bq/L). TEPCo s’est engagée à diluer cette eau avec de l’eau de mer avant rejet de façon à ce que la concentration lors du rejet soit inférieure à 1 500 Bq/L, soit une concentration au moins 40 fois inférieure à la limite.

En 2023, TEPCo prévoit de rejeter 5 TBq (térabecquerels ou 1012 Bq) de tritium sur les 22 autorisés annuellement.

A titre de comparaison, la centrale de Chinon, en France, est autorisée à rejeter 80 TBq de tritium par an dans la Loire (source). Et ce tritium se retrouve dans l’eau du robinet en aval, comme l’a montré l’ACRO. A l’usine de retraitement de La Hague, la limite annuelle de rejet dans la Manche est de 18 500 TBq pour le tritium (les rejets effectifs de ces dernières années variaient entre 11 400 et 13 200 TBq par an). Ainsi, le stock de tritium dans les cuves de Fukushima, qui sera rejeté en 30 ans, représente environ 30 jours de rejet à La Hague ! Pour l’usine de retraitement japonaise, à Rokkashô-mura, qui n’a toujours pas été mise en service après 26 années de retard, la valeur cible pour les rejets en tritium y est de 9 700 TBq par an (source).

Le rejet contrôlé qui débutera le 24 août n’est pas le seul rejet en mer de la centrale de Fukushima daï-ichi puisque l’eau souterraine y est fortement contaminée et finit par s’écouler dans la mer. D’après les contrôles effectués par TEPCo, on retrouve du tritium dans l’eau de mer le long du rivage au pied de la centrale. Les concentrations sont de quelques becquerels par litre (jusqu’à 32 Bq/L le 17 août dernier). Il est difficile de quantifier ces rejets non contrôlés.

Il n’y a pas que le tritium dans les rejets à venir. Ce tableau de TEPCo (copie) donne la concentration résiduelle pour quelques radioéléments significatifs. Il est important de noter que les analyses ont aussi été effectuées par un laboratoire tiers, alors que TEPCo s’y est longtemps opposé. Il reste notamment 2 Bq/L d’iode-129, 14 Bq/L de carbone-14 et… 140 000 Bq/L de tritium. L’iode-129 et le carbone-14 sont aussi rejetés en mer par l’usine de retraitement de La Hague en bien plus grandes quantités.

TEPCo ne sait toujours pas quoi faire des déchets issus du filtrage de l’eau contaminée, comme nous l’avons déjà expliqué.

C’est la fin d’un long processus où les autorités et TEPCo n’ont pas brillé par leur transparence et sincérité. En 2018, lors des premières consultations sur le rejet en mer de l’eau traitée, TEPCo avait caché que 80% du stock dépassaient les limites de rejet. La compagnie voulait simplement diluer le rejet pour que les concentrations passent sous les seuils. Face au tollé, elle s’était finalement engagé à retraiter cette eau autant de fois qu’il le faudra… Ce n’est qu’en 2020 que TEPCo a reconnu qu’il y avait aussi du carbone-14 non filtré dans l’eau. En juin 2020, 17 communes de Fukushima avaient pris position contre le rejet en mer, tout comme l’industrie de la pêche. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait dû demander au Japon de respecter ses obligations et de prendre le temps de consulter les populations. Mais les autorités japonaises n’ont qu’une seule stratégie : Décider – Annoncer – Défendre (DAD). Et toute critique est rabaissée au rang de rumeur néfaste… A l’issue du sommet du G7, qui s’est tenu en mai dernier à Hiroshima, le gouvernement a sciemment traduit en japonais dans le sens qui l’arrange le communiqué final, comme l’explique Libération : Il fait dire en japonais à ses pays partenaires que « le rejet de l’eau traitée en mer est essentiel pour le démantèlement de la centrale de Fukushima et la reconstruction de la région », alors que la phrase originale du communiqué en anglais pose comme «essentiel» le fait que cette opération soit conduite « conformément aux normes de l’AIEA sans causer de nouveaux dommages aux humains ou à la nature »

Il y a huit ans, le gouvernement avait promis aux pêcheurs qu’il n’autoriserait pas le rejet en mer sans leur accord. Et TEPCo n’a pas pris la peine de rencontrer les fédérations de pêcheurs avant l’annonce gouvernementale sur la date de rejet, comme le soulignent l’Asahi et le Maïnichi. In fine, le rejet va commencer sans leur accord…


Mise à jour : Le rejet a bien débuté le 24 août vers 13h, comme prévu. Ce premier essai devrait durer 17 jours pendant lesquels TEPCo devrait rejeter 7 800 m3 d’eau.

Onzième réacteur nucléaire remis en service depuis le la catastrophe de Fukushima

Le plus vieux réacteur nucléaire du Japon, Takahama 1, a été remis en service le 28 juillet à 15h. Mis en service en 1974, il était à l’arrêt depuis janvier 2011. C’est le onzième réacteur à être remis en route après l’établissement de nouvelles règles de sûreté en réponse à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Les dossiers de sûreté de 25 réacteurs ont été soumis à l’autorité de régulation nucléaire. Les réacteurs plus anciens de Takahama 1 ont été arrêtés définitivement.

Takahama 2, mis en service en 1975, arrêté en novembre 2011, devrait être remis en service en septembre prochain. Ces deux réacteurs ont donc plus de quarante années d’exploitation et ont donc bénéficié d’une autorisation “exceptionnelle” d’être exploité jusqu’à 60 ans. Le gouvernement actuel a autorisé à aller au-delà de la limite de 60 ans en décomptant les périodes d’arrêt.

La région de Fukui avait mis comme condition qu’un site soit trouvé ailleurs pour l’entreposage des combustibles usés. Elle semble s’est contentée de la promesse d’envoi de 200 tonnes en France. Se pose aussi la question de l’évolution de la sûreté de réacteurs aussi vieux, qui n’ont pas tourné pendant douze ans.

Dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima – 48ème réunion du comité de suivi

Les dernières données officielles sur le dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima ont été mises en ligne, suite à la 48ème réunion du comité de suivi. Une traduction non-officielle en anglais sera disponible ici. Pour rappel, nous avions publié, en 2021, à l’occasion du dixième anniversaire de la catastrophe, une revue de littérature scientifique sur le sujet. Et le précédent bilan, issu de la 47ème réunion est ici.

Rappelons que tous les jeunes de Fukushima, qui avaient moins de 18 ans lors de la catastrophe nucléaire ou qui étaient encore dans le ventre de leur mère (nés entre le 2 avril 1992 et le 1er avril 2012), peuvent bénéficier d’un dépistage tous les deux ans par échographie. Même si le taux de participation baisse, certains en sont à leur 5ème examen médical. Après 20 ans, le dépistage suivant se fait tous les 5 ans. Certains ont dépassé la trentaine et viennent d’apparaître dans le bilan.

Le tableau ci-dessous synthétise les données issues du dépistage officiel qui sont ici en japonais. Elles sont datées du 31 mars 2023 pour les dépistages les plus récents (5ème campagne, à 25 ans et 30 ans). Comme le taux de dépistage diminue au fur et à mesure des campagnes, le nombre de cas réel est forcément plus élevé. De plus, les cas de cancer détectés en dehors du programme de suivi ne sont pas pris en compte, même si l’intervention chirurgicale a eu lieu à l’université de médecine de Fukushima, en charge du suivi… Enfin, le dépistage gouvernemental n’a lieu que dans la province de Fukushima alors que les provinces voisines ont aussi été touchées par les retombées radioactives. Les cas de cancer de la thyroïde qui pourraient y apparaître échappent aussi aux données officielles.

  Dépistages avec résultat Examens complémentaires terminés Cytoponctions Nombre de cancers suspectés Nombre de cancers confirmés
Première campagne 300 472 2 091 547 116 101
Deuxième campagne 270 552 1 834 207 71 56
Troisième campagne 217 922 1 068 79 31 29
Quatrième campagne 183 410 1 016 91 39 34
Cinquième campagne 108 250 812 68 34 26
Examen à 25 ans 11 674 500 43 22 14
Examen à 30 ans 1 474 58 5 3 1
Bilan des campagnes de dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima au 31 mars 2023 pour les données les plus récentes.

Le dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes qui ont eu 25 ans a débuté en 2017 et n’a été effectué que chez 9,1% des personnes concernées, selon le rapport dédié. Le nombre de cas réels est donc plus élevé que les 22 cas découverts (4 garçons, 18 filles). 13 d’entre eux n’avaient pas encore été examinés.

Le dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes qui viennent d’avoir 30 ans a débuté en avril 2022 et le premier rapport concerne ceux qui sont nés entre le 2 avril 1992 et le 1er avril 1993. Le dépistage n’a été effectué que chez 6,7% des personnes concernées. Les 3 cas de cancer ont été découverts chez 3 filles.

On arrive à un total de 316 cas de cancer de la thyroïde suspectés suite au dépistage exercé par l’université de médecine de Fukushima. Parmi eux, 261 jeunes ont subi une intervention chirurgicale qui a conduit à identifier 258 carcinomes papillaires, 1 carcinome peu différencié, 1 carcinome folliculaire et 1 autre cancer de la thyroïde. Rappelons que lors de la première campagne, un nodule s’est révélé bénin après chirurgie.

Selon le rapport dédié à la cinquième campagne de dépistage, sur les 34 cas de cancer de la thyroïde découverts, il y a 8 garçons et 26 filles. 5 d’entre eux n’avaient jamais été examinés. Les 29 autres n’avaient pas de cancer lors de l’examen précédent (4ème campagne). 10 jeunes avaient moins de 5 ans en mars 2011, au moment de l’accident nucléaire, et 8 avaient 6 ans. Sur toutes les campagnes confondues, on arrive à un total de 19 jeunes qui avaient moins de 5 ans en mars 2011. Les très jeunes enfants ont été particulièrement touchés par les retombées radioactives de Tchernobyl. Lors des premières années de la catastrophe de Fukushima, l’absence de cas de cancer chez les très jeunes enfants lors de l’accident était utilisé comme argument pour prétendre que la radioactivité n’était donc probablement pas à l’origine de l’élévation significative du nombre de cancers de la thyroïde. Ce point est passé sous silence maintenant que plusieurs cas ont aussi été découverts à Fukushima.

Alors que les piscines françaises sont proches de la saturation, KEPCo va envoyer des combustibles usés en France

Les piscines de combustible usé de KEPCo, dans la province de Fukui, sont proches de la saturation. Comme l’usine de retraitement de Rokkashô-mura n’a toujours pas démarré malgré les 26 années de retard, la compagnie d’électricité du Kansaï doit construire de nouveaux entreposages. Les autorités de la province de Fukui où sont toutes les centrales refusent que ce soit sur leur territoire. Elles veulent bien l’argent du nucléaire, mais pas les déchets… Et pour faire pression sur la compagnie, elles ne donneront leur accord à la remise en service des réacteurs les plus anciens (Takahama 1 et 3, Mihama 3) que si KEPCo présente une solution pour les combustibles usés. L’électricien a désespérément cherché un autre site d’accueil, en vain pour le moment. Alors, ce sera en France, où la saturation des piscines est aussi un problème ! Plus précisément, KEPCo va en envoyer 200 tonnes, soit à peine 5% de son stock de combustibles usés. Mais cela suffit au patron de la compagnie pour se vanter d’avoir tenu sa promesse, selon l’Asahi. Certains politiciens locaux ont exprimé leur mécontentement, mais la province et les communes concernées dépendent financièrement du nucléaire. Elles sont donc obligées d’accepter ce compromis.

En ce qui concerne le retraitement, seulement 4 réacteurs sur les 10 remis en service au Japon peuvent utiliser du combustible MOx qui permet de recycler le plutonium extrait. Et comme le stock de plutonium est déjà largement suffisant, il n’y a pas lieu d’en séparer plus, le Japon s’étant engagé à ne séparer que ce qui peut être consommé. Difficile d’envoyer des combustibles usés en France sans perspective de retraitement.

Côté français, le bilan du recyclage après 57 années d’efforts est bien maigre : 2% de l’uranium de retraitement et le plutonium qui ne représente que 1% des combustibles. Et comme il faut décider avant 2030 la poursuite ou non du retraitement, Orano doit présenter des perspectives d’amélioration pour convaincre. Bien qu’elle ait encore plus de 11 000 tonnes de combustibles à l’uranium naturel enrichi à retraiter, la compagnie veut se lancer dans le “multi-recyclage” en traitant aussi le Mox beaucoup plus compliqué à retraiter.

Alors KEPCo a annoncé envoyer du MOx en France pour tester le “multi-recyclage” comme s’il n’y en avait pas assez sur place… Plus précisément, l’accord porte sur l’envoi de 10 tonnes de combustibles MOx usés et 190 tonnes de combustibles classiques d’ici la fin des années 2020, comme l’explique la Fédération des compagnies d’électricité du Japon dans un communiqué. Les deux types de combustibles seront mélangés avant d’être retraités, au début des années 2030. 200 tonnes, c’est presque 2 années de production de Mox français alors que les piscines seront à la limite de la saturation à la fin des années 2020. Est-ce réaliste ?

Les deux pays peuvent ainsi donner l’illusion que le retraitement a de l’avenir et afficher le renforcement de leur coopération sur le nucléaire. Côté français, Orano table sur un parc de 18 EPR pour le “multi-recyclage”, alors qu’il n’y en a que 7 de prévus pour le moment (voir sa présentation du 12 juin dernier dans le cadre de la concertation sur le projet de piscine)… Quant au Japon, ce n’est pas avec ses 10 réacteurs remis en service depuis 2011, dont 4 moxés, qu’il pourra recycler les matières séparées à La Hague ou dans son usine de Rokkashô, si elle démarre un jour.

La lutte contre les rumeurs néfastes progresse

Que faire de la terre contaminée qui a été décapée lors des travaux de décontamination et accumulée sur le centre d’entreposage centralisé tout autour de la centrale de Fukushima dan-ichi. Il y en a plus de 13 millions de mètres cube, selon le dernier bilan du ministère de l’environnement, qu’il faudra reprendre au bout de 30 ans, comme la loi l’y oblige, parce que, tous les territoires seront reconquis.

Le gouvernement veut “recycler” cette terre quand sa contamination aura baissé, mais les Japonais, victimes de “rumeurs néfastes”, ne sont pas convaincus. Alors, en mars 2020, le ministère de l’environnement avait installé cette plante en pot avec de la terre radioactive à son siège de Tôkyô :

Cela a dû être efficace puisque d’autres pots ont été installés dans les ministères et agences à Tôkyô ! Le taux de contamination moyen y serait de 5 000 Bq/kg (source, copie).

17 sites en dehors de Fukushima avec ces plantes. Le recyclage progresse… Il n’y a plus que 13 millions de mètres cubes à mettre en pots.

Du côté des experts français et internationaux du post-accident, c’est la “complexité” d’un tel accident, le mot valise qui englobe tout et n’importe quoi et permet surtout de ne pas parler de “radioactivité”. On ne sait pas s’ils ont enfin trouvé la solution pour y faire face.