Retards pour le retrait des combustibles de la piscine du réacteur n°3

TEPCo a pris du retard dans son programme de retrait des combustibles de la piscine du réacteur n°3 et elle s’est fait tancer par l’Autorité de Régulation Nucléaire (NRA). Rappelons qu’il y a eu une panne sur un tableau de commande en juin 2018. La compagnie invoque des problèmes de contrôle qualité des équipements.

Il y a 566 assemblages usés dans cette piscine et les travaux auraient dû commencer en novembre 2018. Mais ce calendrier ne sera pas tenu. La NRA estime qu’il y a un vrai problème de gouvernance et de contrôle chez TEPCo qui vient du sommet de la hiérarchie.

Rappelons que seule la piscine du réacteur n°4 a été vidée jusqu’à présent. Comme il n’y a pas eu de fusion du cœur dans ce réacteur, car il était entièrement déchargé, le débit de dose a permis l’intervention d’êtres humains. Ce n’est pas le cas pour les réacteurs 1, 2 et 3.

Sept ans et demi après la triple catastrophe

Sept ans et demi après la triple catastrophe, il reste encore officiellement environ 58 000 personnes déplacées dont 5 623 vivent toujours dans des préfabriqués, à Iwaté, Miyagi et Fukushima.

A Fukushima, il y a eu des ordres d’évacuer dans 11 communes. Ils tous été levés, sauf dans les zones qualifiées de retour difficile, présentes dans 7 communes. Là où l’ordre a été levé, le taux de retour moyen est de 20%, avec de fortes disparités.

Le gouvernement ne veut plus d’hébergement provisoire d’ici 2020 à Iwaté et Miyagi, et 2021 à Fukushima.

Le nombre officiel de décès provoqués par le séisme et tsunami est de 15 896 auxquels il faut ajouter 2 536 disparus. A la fin mars 2018, la triple catastrophe avait entraîné 3 676 décès supplémentaires provoqués par l’évacuation, dont 2 202 à Fukushima.

Cabinets médicaux et cliniques en difficulté autour dans les territoires contaminés autour de la centrale de Fukushima daï-ichi

Avant la catastrophe nucléaire, il y avait une centaine de cliniques, hôpitaux et cabinets médicaux dans les 12 communes qui entourent la centrale de Fukushima daï-ichi. Il n’y en aurait plus que 31 et 70% auraient des difficultés financières et bénéficient d’aides.

A Tomioka, par exemple, la clinique Chûo Iin reçoit 10 fois moins de patients qu’avant la catastrophe. Et les institutions médicales doivent offrir des salaires élevés pour attirer du personnel qualifié dans ces zones.

Pourtant, les services médicaux disponibles sont un des critères pris en compte par les personnes évacuées pour décider de rentrer ou pas. Et comme la population qui est rentrée est essentiellement composée de personnes âgées, il est important d’avoir une offre de soin adaptée. Mais le modèle économique doit encore être trouvé.

Objectifs de retour des populations dans les zones les plus contaminées jugés irréalistes

Après avoir levé les ordres d’évacuer dans toutes les zones évacuées à l’exception de celles classées en zone de retour difficile, le gouvernement veut aller de l’avant et décontaminer des centres dans les communes concernées afin de permettre le retour des populations, et aussi, d’un point de vue purement idéologique, ne pas perdre de commune. Il s’agira d’un habitat concentré dans un oasis décontaminé.

Les ordres d’évacuer de ces centres devraient être levés en 2022 – 2023 et les autorités ont fixé des taux de retour ambitieux pour 5 années plus tard : 2 000 personnes à Futaba et 2 600 à Ôkuma, qui sont quasiment entièrement classées en zone de retour difficile. En 2015, il y avait encore plus de 10 000 habitants enregistrés à Ôkuma, répartis sur tout le territoire national. Pour Namié, dont une grande partie du territoire est concernés, le nombre de retours attendus est de 1 500. Pour Tomioka, où les ordres d’évacuer ont déjà été levés sur une partie de la commune, c’est 1 600. Pour les districts d’Iitaté et de Katsurao concernés, les autorités attendent respectivement 180 et 80 personnes.

Le Maïnichi a interrogé 59 chefs de district concernés et 45 ont répondu. 80% d’entre eux pensent que ces chiffres sont irréalistes. Parmi les raisons invoquées : les personnes déplacées ont refait leur vie ailleurs ou la crainte de la radioactivité. Les plus optimistes comptent sur l’arrivée de nouveaux habitants venant travailler à la centrale accidentée.

Dans les zones où l’ordre d’évacuer a été levé, le taux de retour moyen est de l’ordre de 20%, avec de fortes disparités.

Coupure de courant à la centrale de Tomari à cause d’un séisme

Le fort séisme de magnitude 6,7 qui a secoué Hokkaïdô a entraîné un black-out sur l’île et fortement perturbé les transports et l’activité économique. Il a aussi entraîné plusieurs décès.

La centrale nucléaire de Tomari, avec ses 3 réacteurs, tous à l’arrêt depuis 2012, a dû démarrer ses générateurs de secours environ 20 minutes après les premières secousses afin de garantir le refroidissement des piscines d’entreposage des combustibles usés. Il y a un total de 1 527 assemblages à refroidir. L’électricité externe a pu être rétablie au bout de 10 heures. Aucune anomalie n’aurait été détectée à la centrale.

Cet incident a mis en évidence la fragilité du système électrique japonais.

Nouveaux cas de cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima

Les autorités régionales de Fukushima ont mis en ligne les derniers résultats de leur campagne de dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de la province. Les résultats détaillés sont ici en japonais. Une traduction officielle en anglais des principales données devrait être bientôt disponible et le blog Fukushima voices devrait aussi proposer son propre résumé en anglais.

Au 30 juin 2018, il y avait un total de 164 cas de cancers de la thyroïde confirmés sur 201 suspectés, plus toujours un seul cas qui s’est révélé bénin après la chirurgie. C’est deux de plus pour les confirmés et trois de plus pour les suspectés par rapport à la publication précédente.

Rappelons que les autorités ont déjà effectué trois campagnes de dépistage et lancé la quatrième en avril dernier. Cette dernière venant à peine de débuter, aucun cas suspect n’a été trouvé parmi les 953 enfants qui ont reçu leurs résultats. Pour la quatrième campagne, les données sont ici en japonais.

Les autorités n’ont pas publié de mise à jour détaillée pour les deux premières campagnes de dépistage, mais le bilan global en japonais ne fait pas apparaître de changement. Le tableau ci-dessous reprend donc les chiffres de la dernière fois. Pour la troisième campagne, il y a eu des changements et le bilan détaillé est ici en japonais.

Première campagne Deuxième campagne Troisième campagne
Dépistage avec résultat 300 472 270 540 217 506
Examens complémentaires effectués 2 130 1 874 913
Cytoponctions 547 207 45
Nombre de cancers suspectés 116 71 15
Nombre de cancers confirmés 101 52 11

Rappelons que, selon un fond de soutien, un cas de cancer de la thyroïde a échappé aux statistiques officielles (source). L’enfant avait moins de 5 ans en 2011.

Comme on peut le voir sur le tableau ci-dessus, le taux de dépistage diminue à chaque campagne et n’est que de 64% pour la troisième. Selon Le Monde, qui publie un excellent reportage intitulé Au Japon, les enfances volées de Fukushima après la catastrophe nucléaire“, l’université médicale de Fukushima “recommande même de lever le pied sur les examens et fait le tour des écoles pour expliquer aux enfants qu’ils ont désormais le droit de refuser. Le « surdépistage » générerait trop de « stress ».”

Les enfants chez qui l’on a suspecté un cancer lors des deux premières campagnes mais qui n’ont toujours pas subi d’intervention chirurgical sont sous surveillance. A noter que les autorités ne donnent aucun chiffre sur les enfants qui ont subi plusieurs interventions chirurgicales. Comme nous l’avons signalé en mars dernier, selon ce même fond de soutien, qui a effectué un suivi de 84 enfants ayant déclaré un cancer de la thyroïde, 8 d’entre eux ont dû subir une deuxième intervention chirurgicale après une rechute. Ils avaient entre 6 et 15 ans au moment de l’accident. Il réclame des statistiques officielles sur le nombre de rechutes.

L’article du Monde présente un tel cas :

“L’angoisse, Mme Sakura vit avec depuis ce jour de mars 2014 où un nodule de 5 millimètres a été repéré chez sa fille. Un mois plus tard, une ponction (« très douloureuse ») confirme que les cellules sont cancéreuses. Sa fille est fatiguée, elle est prise de fortes fièvres. « J’ai demandé au médecin de l’UMF de l’enlever tout de suite. Il m’a répondu que ça ne pressait pas, que le cancer de la thyroïde n’était pas un cancer grave. » Le jour de ses 17 ans, sa fille est opérée. Le nodule avait doublé de volume. « Je n’oublierai jamais ce qu’a dit le médecin à ma fille sur son lit d’hôpital : « Maintenant qu’on t’a enlevé la thyroïde, tu seras tranquille, le cancer ne reviendra plus » », dit-elle sans pouvoir retenir ses larmes.

Un an plus tard, une échographie de contrôle trouve un autre nodule, de 12 mm celui-là. Nouvelle ponction, nouveau cancer confirmé et élargi aux ganglions lymphatiques. La deuxième opération a eu lieu en février 2018. Et le calvaire n’est pas terminé. La fille de Mme Sakura doit désormais commencer des séances de radiothérapie. « Elle va devoir prendre un comprimé d’iode radioactif très fort pendant une semaine, raconte la maman. Elle a peur de devenir elle-même radioactive, que son corps contamine ses petites nièces et petits neveux » qui vivent sous le même toit, à Koriyama, à une quarantaine de kilomètres de Fukushima.”

Et Le Monde d’ajouter que de nombreuses familles avec un enfant victime du cancer de la thyroïde ont peur des réactions des voisins ou des proches et préfèrent se cacher. « Dans certaines familles, on cache même au petit frère ou à la petite sœur que le grand frère ou la grande sœur est malade ». Nous avons déjà rapporté le désarroi des familles confrontées à cette maladie, qui, pour certaines, se sont regroupées en association. Certains témoignages sont poignants.

Premier décès reconnu comme d’origine professionnelle à la centrale de Fukushima daï-ichi

Les autorités ont reconnu comme maladie professionnelle un cancer du poumon développé chez un travailleur à la centrale de Fukushima daï-ichi. C’est le 5ième cas de cancer reconnu comme lié à l’exposition aux radiations chez les intervenants à la centrale nucléaire accidentée, et c’est le premier cancer du poumon.

Le travailleur en question, un sous-traitant âgé d’une cinquantaine d’année, est décédé des suites de son cancer qui s’est déclaré en février 2016. Sa famille sera indemnisée.

Il a travaillé plus de 28 ans dans le nucléaire et est intervenu à Fukushima daï-ichi dans les premiers jours de la catastrophe, quand les risques étaient les plus élevés. Il y a travaillé jusqu’en 2015. Il a été exposé à une dose totale de 195 mSv. A titre de comparaison, en temps normal, les travailleurs du nucléaire ne doivent pas être exposés à une dose supérieure à 100 mSv sur 5 ans.

La première année de l’accident, il aurait reçu une dose de 34 mSv et en septembre 2015, son exposition totale à la centrale de Fukushima daï-ichi aurait atteint 74 mSv. Ces chiffres sont peut-être sous-estimés car, durant le premier mois de l’accident, il n’y avait pas un dosimètre par personne et l’évaluation des doses est très approximative.

Il n’est pas possible de déterminer sur un cas individuel si le cancer est dû aux radiations ou pas, ni de l’exclure. La réglementation japonaise considère donc que si un travailleur a reçu une dose supérieure à 100 mSv et qu’il développe un cancer du poumon plus de 5 ans après l’exposition, sa maladie sera reconnue comme d’origine professionnelle. Le dossier médical est soumis à un panel d’experts avant toute décision gouvernementale.

Nouveau report de la date de mise en service du nouveau réacteur de J-Power à Ôma

Electric Power Development Co, alias J-Power, construit à Ôma, dans la province d’Aomori, un nouveau type de réacteur qui doit fonctionner à 100% au MOx. Un tel réacteur est unique au monde. Le chantier a été lancé en 2008, mais la catastrophe nucléaire de 2011 à Fukushima a tout arrêté. Le taux d’avancement est inférieur à 40%.

Le constructeur, Hitachi, espérait reprendre les travaux de construction cette année, mais il vient d’annoncer un report à 2020. Le démarrage n’aura donc pas lieu avant 2026. Il a revu le référentiel de sûreté afin de satisfaire aux nouvelles exigences et a soumis son dossier en 2014. L’instruction prend plus de temps qu’initialement prévu.

Ce nouveau report a aussi des conséquences sur le démarrage de l’usine de retraitement de Rokkashô-mura, qui accuse déjà 24 années de retard. Elle doit extraire le plutonium nécessaire au combustible MOx. Mais le Japon vient de décider de limiter l’extraction à ce qui peut être consommé. Même avec ce réacteur, aucune raison de mettre en service l’usine.

En effet, ce réacteur doit consommer environ 1,1 tonne de plutonium par an, contre 0,4 tonne pour un réacteur classique chargé partiellement au MOx. Seulement 4 réacteurs classiques utilisent du MOx actuellement au Japon. Rappelons que le stock japonais de plutonium s’élève à 47 tonnes. Mais pour l’affichage, pour maintenir le projet d’extraire le plutonium, il faut des perspectives d’utilisation. Alors, le réacteur d’Ôma, comme la surgénération à plus long terme, servent à entretenir le mythe du recyclage.

Rappelons que des habitants de Hakodaté et la commune située sur l’île de Hokkaïdô, ont saisi la justice pour demander l’arrêt du chantier. Ils ne sont qu’à 23 km du réacteur, de l’autre côté du détroit de Tsugaru.

De la réalité virtuelle pour aider au démantèlement des réacteurs nucléaires accidentés ou de la recherche virtuelle ?

La Japan Atomic Energy Agency (JAEA) a annoncé avoir réussi à reconstituer les taches de contamination à partir d’images prises dans les réacteurs accidentés. L’Agence a développé une gamma-caméra légère qui permet de reconstituer l’origine des radiations, ce qui permet d’aller au-delà de la simple mesure du rayonnement ambiant.

La JAEA a un département spécialisé dans la réalité virtuelle qui a reconstitué en images une partie de l’intérieur des réacteurs. Le but est permettre aux futurs intervenants de s’immerger virtuellement dans le réacteur afin de se préparer et de limiter le temps des interventions et l’exposition aux rayonnements. Selon les annonces récentes, outre les images en 3D et le débit de dose ambiant, il serait maintenant possible de voir les plus fortes taches de contamination radioactive.

Lors d’une visite du centre de recherche de la JAEA situé à Tomioka, l’ACRO a pu tester la salle de réalité virtuelle. Le guide a reconnu qu’elle n’avait pas encore servi aux travailleurs sur le site…

Ce centre, appelé “Collaborative Laboratories for Advance Decommissioning Science“, est aussi un centre de ressources ouvert pour des recherches sur le démantèlement avec un immense hangar pour l’accueil d’équipes extérieures. Mais il est essentiellement vide. Il y a une reconstitution d’un bout de la chambre torique :

  

Cela devrait servir à tester le colmatage des fuites, comme expliqué sur le panneau ci-dessous :

Mais personne ne travaillait sur place et aucune expérience ne semblait en préparation.

Dans un coin, quelques robots étaient exposés :

Et un écran montrait des exercices effectués par ces robots :

Là encore, le guide a reconnu que l’installation pour tester les robots n’a servi qu’à des compétitions étudiantes…

Bref, ce centre apparaissait plus comme un centre de promotion auprès du public des activités de la JAEA que d’un véritable centre de recherche qui doit faire face à l’un des grands défis du Japon, à savoir démanteler les réacteurs accidentés de la centrale de Fukushima daï-ichi. Il paraît qu’une cinquantaine de personnes y travaillent. Les plans gouvernementaux de revitalisation de la région par le développement de laboratoires de recherche ne semblent pas très efficaces. Pourtant, ils bénéficient de beaucoup d’argent public.

Il est donc difficile de savoir si les annonces de la JAEA constituent une véritable avancée ou seulement une opération de communication.

Gestion des forêts contaminées à Fukushima : tout raser pour faire de la biomasse

Les forêts de Fukushima n’ont pas été décontaminées car elles couvrent 70% de la province et l’industrie forestière est exsangue. De nouveaux débouchés sont donc envisagés pour relancer cette industrie : la génération d’électricité avec de la biomasse.

Grâce aux tarifs de rachat de l’électricité d’origine renouvelable, l’investissement dans la biomasse est très rentable. La technologie est simple, les usines vites construites et le retour sur investissement n’est que de trois à quatre ans. Cela intéresse donc fortement les investisseurs et les projets sur multiplient. Le seul frein, c’est le combustible. Il n’y a pas tant de sources que cela : le Japon peut soit importer le bois, mais cela va contribuer à la déforestation de pays d’Asie du Sud Est, soit brûler des déchets, mais l’efficacité n’est pas si bonne et les ressources restent limitées, ou développer une industrie locale.

C’est là que les intérêts de Fukushima et du syndicat de producteurs d’électricité à partir de biomasse se rejoignent. L’idée est de raser les forêts en espérant qu’elles seront moins contaminées lors de leur régénération. Et comme c’est subventionné, tout le monde y gagne, sauf le contribuable.

Voilà ce que cela donne à Tamura, dans la province de Fukushima :

Vous trouvez cela choquant ? Ne vous inquiétez pas, vous vous y habituerez, selon le président du syndicat des producteurs. C’est comme les champs agricoles, qui sont nus en hiver. C’est ce qu’il aurait déclaré lors de la dernière assemblée générale ! Évidement, il faut plus d’années pour que cela repousse et la forêt cultivée n’a rien à voir avec une forêt naturelle. Et avec l’érosion des sols, il n’est même pas sûr que cela repousse.

Le bois est transformé en copeaux et transporté par camions dans tout le Japon. Des associations commencent à se mobiliser sur cette thématique et étudient l’impact radioactif des rejets car les filtres utilisés sont que de simples filtres à manche, comme de gros sacs d’aspirateurs, et non des filtres de haute efficacité.