Nouveaux cas de cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima

Les autorités régionales de Fukushima ont mis en ligne les derniers résultats de leur campagne de dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de la province. Les résultats détaillés sont ici en japonais. Une traduction officielle en anglais des principales données devrait être bientôt disponible et le blog Fukushima voices devrait aussi proposer son propre résumé en anglais.

Au 30 juin 2018, il y avait un total de 164 cas de cancers de la thyroïde confirmés sur 201 suspectés, plus toujours un seul cas qui s’est révélé bénin après la chirurgie. C’est deux de plus pour les confirmés et trois de plus pour les suspectés par rapport à la publication précédente.

Rappelons que les autorités ont déjà effectué trois campagnes de dépistage et lancé la quatrième en avril dernier. Cette dernière venant à peine de débuter, aucun cas suspect n’a été trouvé parmi les 953 enfants qui ont reçu leurs résultats. Pour la quatrième campagne, les données sont ici en japonais.

Les autorités n’ont pas publié de mise à jour détaillée pour les deux premières campagnes de dépistage, mais le bilan global en japonais ne fait pas apparaître de changement. Le tableau ci-dessous reprend donc les chiffres de la dernière fois. Pour la troisième campagne, il y a eu des changements et le bilan détaillé est ici en japonais.

Première campagne Deuxième campagne Troisième campagne
Dépistage avec résultat 300 472 270 540 217 506
Examens complémentaires effectués 2 130 1 874 913
Cytoponctions 547 207 45
Nombre de cancers suspectés 116 71 15
Nombre de cancers confirmés 101 52 11

Rappelons que, selon un fond de soutien, un cas de cancer de la thyroïde a échappé aux statistiques officielles (source). L’enfant avait moins de 5 ans en 2011.

Comme on peut le voir sur le tableau ci-dessus, le taux de dépistage diminue à chaque campagne et n’est que de 64% pour la troisième. Selon Le Monde, qui publie un excellent reportage intitulé Au Japon, les enfances volées de Fukushima après la catastrophe nucléaire“, l’université médicale de Fukushima “recommande même de lever le pied sur les examens et fait le tour des écoles pour expliquer aux enfants qu’ils ont désormais le droit de refuser. Le « surdépistage » générerait trop de « stress ».”

Les enfants chez qui l’on a suspecté un cancer lors des deux premières campagnes mais qui n’ont toujours pas subi d’intervention chirurgical sont sous surveillance. A noter que les autorités ne donnent aucun chiffre sur les enfants qui ont subi plusieurs interventions chirurgicales. Comme nous l’avons signalé en mars dernier, selon ce même fond de soutien, qui a effectué un suivi de 84 enfants ayant déclaré un cancer de la thyroïde, 8 d’entre eux ont dû subir une deuxième intervention chirurgicale après une rechute. Ils avaient entre 6 et 15 ans au moment de l’accident. Il réclame des statistiques officielles sur le nombre de rechutes.

L’article du Monde présente un tel cas :

“L’angoisse, Mme Sakura vit avec depuis ce jour de mars 2014 où un nodule de 5 millimètres a été repéré chez sa fille. Un mois plus tard, une ponction (« très douloureuse ») confirme que les cellules sont cancéreuses. Sa fille est fatiguée, elle est prise de fortes fièvres. « J’ai demandé au médecin de l’UMF de l’enlever tout de suite. Il m’a répondu que ça ne pressait pas, que le cancer de la thyroïde n’était pas un cancer grave. » Le jour de ses 17 ans, sa fille est opérée. Le nodule avait doublé de volume. « Je n’oublierai jamais ce qu’a dit le médecin à ma fille sur son lit d’hôpital : « Maintenant qu’on t’a enlevé la thyroïde, tu seras tranquille, le cancer ne reviendra plus » », dit-elle sans pouvoir retenir ses larmes.

Un an plus tard, une échographie de contrôle trouve un autre nodule, de 12 mm celui-là. Nouvelle ponction, nouveau cancer confirmé et élargi aux ganglions lymphatiques. La deuxième opération a eu lieu en février 2018. Et le calvaire n’est pas terminé. La fille de Mme Sakura doit désormais commencer des séances de radiothérapie. « Elle va devoir prendre un comprimé d’iode radioactif très fort pendant une semaine, raconte la maman. Elle a peur de devenir elle-même radioactive, que son corps contamine ses petites nièces et petits neveux » qui vivent sous le même toit, à Koriyama, à une quarantaine de kilomètres de Fukushima.”

Et Le Monde d’ajouter que de nombreuses familles avec un enfant victime du cancer de la thyroïde ont peur des réactions des voisins ou des proches et préfèrent se cacher. « Dans certaines familles, on cache même au petit frère ou à la petite sœur que le grand frère ou la grande sœur est malade ». Nous avons déjà rapporté le désarroi des familles confrontées à cette maladie, qui, pour certaines, se sont regroupées en association. Certains témoignages sont poignants.