Pas de contamination interne détectée chez les enfants de Fukushima

Selon une étude publiée dans les Comptes-rendus de l’académie des sciences du Japon (article disponible en libre accès), aucune contamination interne n’a été détectée chez 2 707 enfants âgés de 0 à 11 ans contrôlés par anthropogammamétrie (Whole Body Counter, WBC) entre décembre 2013 et mars 2015. La limite de détection (ou seuil de décision, ce n’est pas précisé) est d’environ 3 Bq/kg. La majorité des enfants vivent à Fukushima. D’autres, dans les provinces voisines touchées par les retombées radioactives.

Trois appareils spécialement conçus pour mesurer la contamination interne des petits de moins de 130 cm, appelés Babyscan, ont été installés dans trois hôpitaux ou cliniques de Fukushima : Hirata Central Hospital, près de Kôriyama, Tokiwakai Hospital à Iwaki et l’hôpital municipal général de Minami-Sôma. La clinique Hirata a signé des accords avec les communes de Miharu à Fukushima et de Daïgo à Ibaraki pour contrôler tous les enfants scolarisés.

Un questionnaire était remis aux familles lors de ces examens pour connaître leur comportement alimentaire. L’article donne une analyse statistique sur la consommation d’eau en bouteille, de riz et de légumes cultivés en dehors de Fukushima. Les résultats sont très disparates en fonction des communes. A Miharu, seulement 4% des familles évitent à la fois l’eau du robinet et l’alimentation locale. A Sôma et Minami-Sôma, c’est plus de 50%. Il n’y a pas de différence observée dans les résultats des contrôles de la contamination interne.

Manifestation contre le redémarrage du deuxième réacteur de Sendaï

Alors que la date de redémarrage du deuxième réacteur de la centrale de Sendaï à Kagoshima approche (15 octobre), 2 000 personnes ont manifesté contre, au centre de la ville de Kagoshima, lundi 12 octobre qui est férié au Japon.

Ils reprochent, en particulier, à Kyûshû Electric de ne pas avoir changé un générateur de vapeur. La compagnie avait planifié son remplacement en 2009.

17 provinces et de nombreuses communes demandent à être indemnisées par TEPCo

Selon le Maïnichi, qui a enquêté auprès des 47 provinces du Japon et de nombreuses agglomérations, 17 provinces et 7 grandes villes ont déposé des demandes de compensation auprès de TEPCo. Il y a toutes les provinces du Tôhoku et du Kantô, ainsi que Mié et Shimané plus à l’Ouest.

La compagnie n’a accepté d’indemniser qu’une partie des demandes, pour un total de 36,29 milliards de yens (267 millions d’euros) sur 56,36 milliards (414 millions d’euros) demandés. Sont indemnisés, par exemple, la baisse des revenus des compagnies en charge du traitement de l’eau, le contrôle des aliments dans les cantines scolaires et des produits agricoles, la prise en charge des déchets radioactifs… Dans certains cas, TEPCo a limité dans le temps, la prise en charge des mesures post-accidentelles.

D’autres demandes ont été rejetées, comme la baisse des revenus des taxes locales liée au départ des évacués “volontaires”, les campagnes contre les “rumeurs néfastes” à Akita ou l’aide apportée par la province de Gunma aux victimes de la catastrophe…

Cinq provinces (Aomori, Akita, Yamagata, Miyagi et Chiba) ont donc saisi la commission de conciliation pour être remboursées d’une partie des sommes engagées. Celle de Gunma et la ville de Sendaï (Miyagi) devraient suivre. Celle d’Iwaté est déjà parvenue à un accord avec TEPCo, qui compensera à hauteur de 250 000 millions de yens (1,8 million d’euros).

Dans les trois provinces les plus touchées (Fukushima, Miyagi et Iwaté), la plupart des communes ont déposé des demandes d’indemnisation pour un total de 62,88 milliards de yens (462 millions d’euros) et TEPCo n’a accepté de payer que 8,65 milliards de yens (64 millions d’euros).

Si l’on ajoute ce qui a été demandé par les provinces et les communes, le Maïnichi arrive à un total supérieur à 120 milliards de yens.

Augmentation du taux de cancers de la thyroïde : explications du Prof. Tsuda

Nous avons mentionné la publication récente, dans une revue internationale d’épidémiologie, d’une étude remettant en cause la version officielle pour expliquer l’augmentation du nombre de cancers de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima.

Le 8 octobre dernier, le premier auteur de cette étude, le Prof. Toshihidé Tsuda, de l’université d’Okayama, a tenu une conférence de presse à Tôkyô, devant le Club des correspondants étrangers du Japon. Une copie des transparents présentés ce jour là et le texte d’accompagnement sont disponibles à l’ACRO.

La version anglaise du texte explicatif distribué à la presse est disponible en ligne ici au format pdf. Fukushima Voice a aussi mis en ligne une vidéo de cette conférence.

Nous publions, ci-dessous, la version française de ce texte, traduit par nos soins.


1. Résumé de l’article

Les examens systématiques de la thyroïde des résidents de Fukushima de moins de 18 ont débuté en octobre 2011, après l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi en mars 2011 qui a fait suite aux grands séisme et tsunami de l’Est du Japon. La première vague de dépistage, conduite durant les années fiscales 2011 à 2013, est terminée, et la deuxième vague est en cours durant les années fiscales 2014 et 2015. (NDT : les années fiscales débutent le 1er avril et terminent au 31 mars de l’année suivante au Japon). Depuis février 2013, les résultats de ces examens sont rendus publics en japonais et en anglais sur le site Internet de la province de Fukushima. Cependant, aucune analyse épidémiologique n’a été effectuée sur ces données, ce qui est une lacune pour la compréhension de la situation, la prise en compte de facteurs de confusion, la santé publique et la politique de santé, pour l’avenir et l’information des patients.

L’équipe de l’université d’Okayama a utilisé les méthodes d’analyse épidémiologique standard pour analyser les données et soumis les résultats à Epidemiology, le journal officiel de la Société internationale d’épidémiologie environnementale. L’article a été accepté pour publication et une version provisoire est disponible en ligne.

Titre de l’article : Thyroid Cancer Detection by Ultrasound Among Residents Ages 18 Years and Younger in Fukushima, Japan: 2011 to 2014.

Résumé :

Contexte : Après les grands séismes et tsunami de l’Est du Japon de mars 2011, des radioéléments ont été rejetés dans l’environnement par la centrale de Fukushima daï-ichi. En prenant en compte les connaissances actuelles, une inquiétude est apparue à propos d’une augmentation de l’incidence des cancers de la thyroïde chez les résidents exposés.

Méthode : Après les rejets, les autorités régionales ont effectué des échographies de la thyroïde chez tous les résidents âgés de 18 ans et moins. La première vague de dépistage a concerné 298 577 personnes jusqu’au 31 décembre 2014 et une deuxième vague a débuté en avril 2014. Nous analysons les résultats officiels des première et deuxième vagues, jusqu’en décembre 2014, en comparaison à l’incidence annuelle au Japon et à celle dans la province de Fukushima.

Résultats : Le taux d’incidence le plus élevé par rapport à l’incidence annuelle au Japon, a été observé dans la partie centrale de la province, en prenant en compte un temps de latence de 4 ans (taux d’incidence = 50 ; intervalle de confiance (IC) à 95% : 25, 90). La prévalence du cancer de la thyroïde était de 605 cas par million de personnes examinées (IC à 95% : 302 – 1 082) et le ratio standardisé de prévalence, comparé au district de référence de Fukushima était de 2,6 (IC à 95% : 0,99 – 7,0). Pour la deuxième vague de dépistage, même en supposant que toutes les autres personnes examinées n’auront pas de cancer, un ratio des taux d’incidence de 12 est déjà observé (IC à 95% : 5,1 – 23).

Conclusions : Un excès de cancers de la thyroïde a été détecté par échographie chez les enfants et adolescents de Fukushima dans les quatre premières années qui ont suivi les rejets et il est peu probable qu’il soit expliqué par le dépistage systématique.

2. Signification de l’article, les effets du dépistage et le discours sur le sur-diagnostic

Cette analyse révèle que l’incidence des cancers de la thyroïde durant les trois premières années de l’accident a été multipliée par plusieurs dizaines de fois chez les résidents de Fukushima qui avaient moins de 18 ans au moment de l’accident, en comparaison au taux d’incidence national, et qu’il serait impossible d’attribuer cet effet à d’autres causes que les radiations, comme « l’effet du dépistage » systématique et le « sur-diagnostic ». Selon certains spécialistes « l’effet de dépistage systématique » se rapporte à la détection de « vrais cancers » 2 à 3 ans plus tôt que par diagnostic à partir de signes cliniques. Le « sur-diagnostic » se rapporte au dépistage de « faux cancers », ou d’une masse de cellules cancéreuses qui n’aurait jamais été diagnostiquée cliniquement durant la vie du patient. Dans de nombreuses discussions, ces deux effets, à savoir l’effet du dépistage et le sur-diagnostic, sont inclus dans le terme « effet du dépistage », avec souvent en tête le sur-diagnostic.

Notre analyse révèle que l’incidence des cancers de la thyroïde à la fin 2014 excède largement le risque pour les enfants estimé sur 15 ans par l’OMS dans son rapport WHO Health risk assessment from the nuclear accident after the 2011 Great East Japan earthquake and tsunami publié fin février 2013. De plus, alors qu’une tendance à l’excès du nombre de cancers de la thyroïde a commencé à être observée à Tchernobyl en 1987, un an après l’accident, cette étude met en évidence que le dépistage par échographie conduit à la détection d’une augmentation de l’incidence dès la première année.

Je vais maintenant expliquer pourquoi l’effet dépistage et le sur-diagnostic ne sont pas des explications valables pour cet excès de cas de cancers de la thyroïde. D’abord, le taux d’incidence des cancers de la thyroïde calculé dans notre étude est de 20 à 50 fois plus élevé que le taux d’avant la catastrophe. C’est un ordre de grandeur plus élevé que l’augmentation observée dans le passé du nombre de cancers de la thyroïde liée à d’autres causes que les radiations. L’effet dépistage entraîne une augmentation de plusieurs fois du taux d’incidence des cancers, y compris celui de la thyroïde, détectés par rapport à l’absence de dépistage. Mais il est impossible d’expliquer une telle augmentation de l’incidence par d’autres causes que les radiations.

Ensuite, malgré les affirmations répétées qu’il n’y a jamais eu, par le passé, un tel dépistage et suivi systématiques d’une population peu exposée comme celle de la première vague à Fukushima, des études ont été publiées sur des dépistages par échographie menées à Tchernobyl sur des enfants et adolescents qui ont été conçus après l’accident ou qui vivaient dans des zones avec de relativement faibles niveaux de contamination. Un total de 47 203 individus a subi un tel dépistage et pas un seul cas de cancer de la thyroïde n’a été détecté. Bien que la classe d’âge diffère légèrement du dépistage dans la province de Fukushima, une telle différence ne peut pas être expliquée par la différence de niveau de sophistication du matériel de détection pour des nodules de 5 mm.

 
Auteurs Période de dépistage Âge des enfants auscultés Zone de dépistage Nombre de sujets Nombre de cas de cancer de la thyroïde Prévalence par million

(IC à 95%)

Demidchik et al 2002 14 ans et moins Gomel (nés après 1987) 25 446 0 0

(0-145)

Shibata et al. 1998-2000 8-13 ans Gomel

(nés après 1987)

9 472 0 0

(0-389)

Ito et al 1993-1994 7-18 ans Mogilev (relativement peu contaminé) 12 285 0 0

(0-300)

Total 47 203 0 0

(0-78)

Réfs : Demidchik YE et al., Childhood thyroid cancer in Belarus, Russia and Ukraine after Chernobyl and at present, Arq Bras Endocrinol Metab 2007 ; 51 ; 748-762
Shibata Y. et al , 15 years after Chernobyl : new evidence of thyroid cancer, Lancet 2001 ; 358 ;1956-1966
Ito M et al, Childhood thyroid diseases around Chernobyl evaluated by ultrasound examination and fine needle aspiration cytology, Thyroid 1995 ; 5(5) ; 365-368

De plus, les variations géographiques du taux de cancers détectés (taux de prévalence) à l’intérieur de la province de Fukushima ne peuvent pas être expliquées par l’effet dépistage ou le sur-diagnostic. De même, les premiers résultats de la deuxième vague de dépistage pointent un taux d’incidence qui est déjà environ 20 fois plus élevé que le taux avant accident, même en prenant des hypothèses conduisant à une forte sous-estimation. Quand les données publiées le 31 août 2015 sont analysées par zone et district, il est devenu apparent que le taux d’incidence par endroit commence à excéder le taux de la première vague. Comme les cas attribués à l’effet dépistage et au sur-diagnostic auraient déjà dû être détectés, cela suggère que l’exposition aux radiations liée à l’accident commence à apparaître dans la province de Fukushima.

En plus du sur-diagnostic, il est souvent affirmé qu’il y a sur-traitement. Cependant, les données post-chirurgie des cas de cancer de la thyroïde opérés à l’Université médicale de Fukushima montrent qu’il n’y a pas d’évidence de chirurgie prématurée ou excessive, à l’exception de trois cas pour lesquels les patients et/ou leur famille ont opté pour une intervention chirurgical malgré l’option de surveillance sans chirurgie. Au contraire, les données suggèrent une progression rapide du cancer chez les patients opérés. Je vais donc introduire un extrait du document intitulé « A propos des cas indiqués pour la chirurgie », publié par le Prof. Shinichi Suzuki de l’université médicale de Fukushima :

A propos des cas indiqués pour la chirurgie

« Au 31 mars 2015, 104 personnes parmi celles éligibles au contrôle de la thyroïde ont subi une intervention chirurgicale après qu’une tumeur « maligne ou suspecte » ait été diagnostiquée lors des examens complémentaires. 97 d’entre-elles ont été opérées dans le département de chirurgie endocrinienne et de la thyroïde de l’université médicale de Fukushima et sept patients dans d’autres établissements. Comme un des 97 cas s’est avéré être atteint d’un nodule bénin après l’opération, 96 cas de cancer de la thyroïde sont discutés ici. Selon l’évaluation pathologique, 93 cas étaient des cancers papillaires de la thyroïde et 3 cas étaient des cancers faiblement différentiés […]. Les diagnostics pathologiques post-chirurgicaux ont révélés 28 cas (29%) avec une tumeur d’un diamètre inférieur ou égal à 10 mm, en excluant 14 cas avec une légère extension extra-thyroïdale. Et 8 cas (8%) n’avaient pas de métastases ganglionnaires, ni d’extension extra-thyroïdale ou de métastases distants (pT1a pN0 M0). Sur les 96 cas, une faible extension extra-thyroïdale (pEX1) a été observée chez 38 patients (39%), et les métastases ganglionnaires étaient positives pour 72 cas (74%). »

3. Perspectives et réactions internationales des épidémiologistes

La majorité des experts, à commencer par l’analyse de risque de l’OMS, s’attendaient à une augmentation de l’incidence des cancers de la thyroïde dans la province de Fukushima après l’accident. Par conséquent, il n’y a pas eu d’opposition forte aux résultats de nos analyses. Nous avons analysé régulièrement les dernières données publiées et présenté les résultats aux conférences annuelles de la Société Internationale d’Epidémiologie Environnementale (ISEE) à Bâle en 2013, Seattle en 2014 et San Paulo en 2015. Notre présentation a suscité un grand intérêt et les résultats de notre analyse ont été acceptés sans problème, mis à part l’étonnement provoqué par le taux élevé. Cette réaction nous laisse penser qu’il y a un fossé entre les opinions des experts internationaux et l’explication de l’effet dépistage et du sur-diagnostic au Japon.

4. Recommandations en tant que spécialiste de santé publique

Jusqu’à présent, les mesures de protection autres que l’évacuation n’ont presque jamais été discutées dans la province de Fukushima. Par conséquent, plusieurs recommandations peuvent être déduites de notre analyse. Il n’y a pas de raison de ne pas se préparer à l’augmentation attendue de l’incidence qui doit atteindre son maximum plus de 5 ans après la catastrophe, ainsi que d’autres situations attendues. Dès maintenant, l’administration doit préparer et implémenter des contre-mesures, dont une communication médiatique, plutôt que de discuter si les cancers de la thyroïde ont augmenté ou pas, ou s’il y a une relation causale avec l’exposition aux radiations.

Tout d’abord, en préparation à l’augmentation du nombre de cas potentiels de cancer de la thyroïde après la quatrième année de l’accident, les ressources médicales doivent être contrôlées pour être sûr d’être suffisamment équipées. Il se trouve que l’université médicale de Fukushima possède un système médical robotisé, le système chirurgical daVinci, qui doit éliminer les cicatrices visibles de la chirurgie de la thyroïde. Son utilisation devrait être prise en compte, même si elle n’est pas couverte par l’assurance maladie nationale.

Ensuite, un système devrait être mis en place pour recenser et suivre les cas de cancer de la thyroïde de façon exhaustive chez les plus de 19 ans au moment de l’accident ou en dehors de la province de Fukushima.

De plus, le dépistage actuel repose uniquement sur des échographies de la thyroïde. Avec le temps qui passe, la participation devrait diminuer. Un livret médical, comme le livret des Hibakushas, devrait être mis en place et le registre des cancers devrait être développé en collaboration avec les associations médicales communales et régionales.

Par ailleurs, on doit se préparer à évaluer et suivre des cancers autres que celui de la thyroïde, comme la leucémie, le cancer du sein et autres cancers solides, qui devraient aussi augmenter, selon l’étude de l’OMS. Le temps de latence minimal pour les tumeurs malignes hématologiques, comme la leucémie, est déjà passé. Je pense qu’il faut aussi s’intéresser aux pathologies non cancéreuses et se préparer à y faire face.

Bien entendu, il est nécessaire de continuer à accumuler des données afin de mener une analyse plus poussée de l’incidence des cancers de la thyroïde et des autres pathologies à Tchernobyl. L’évaluation de la dose à la thyroïde devrait aussi être revue à cause de l’excès d’occurrences de cas cancers par rapport aux prédictions de l’OMS.

Naturellement, le plan de retour des personnes déplacées dans les zones où l’exposition externe peut atteindre 20 mSv/an devrait être reporté pour l’instant. Si le plan de retour est basé sur une affirmation qui est scientifiquement fausse – il n’y a pas de cancer induit par les radiations, ou ils sont indiscernables s’ils surviennent, à un niveau d’exposition inférieur à 100 mSv -, alors, c’est une raison supplémentaire de le suspendre et de le réétudier.

Comme le débit de dose est encore élevé, un plan plus précis par classe d’âge devrait être préparé, bien que cela n’ait jamais été discuté par le passé. Dit autrement, d’autres mesures de protection contre les radiations devraient être planifiées et mises en place, dont, dans l’ordre, l’évacuation temporaire pour les femmes enceintes, les bébés, les enfants en bas âge, les enfants, les adolescents et les femmes en âge de procréer.

Enfin, je voudrais discuter les explications régulièrement données dans la province de Fukushima, comme « l’incidence des cancers ne va pas s’accroître à cause de l’accident de Fukushima », ou « même si l’incidence des cancers augmente, ce sera indétectable ». Ces affirmations ne sont correctes que si les deux conditions suivantes sont satisfaites :

  • Il n’y a pas d’excès d’occurrence des cancers radio-induits en dessous d’une exposition de 100 mSv ;
  • L’exposition à Fukushima n’a jamais dépassé 100 mSv, et toutes les doses reçues sont bien en dessous de cette limite.

Ces deux conditions ont entravé toute discussion concernant des mesures de protection réalistes prenant en compte les coûts.

Mais la condition n°1 n’est pas correcte scientifiquement, et aucun expert au Japon ou à l’étranger ne tiendrait un tel discours de nos jours. Et la condition n°2 n’est pas correcte non plus puisque la dose équivalente à la thyroïde a été estimée à plus de de 100 mSv chez les résidents situés au-delà de la zone de 20 km, lors du premier rapport de l’OMS publié en 2012, qui a servi de base au rapport de 2013 sur l’évaluation du risque. Notre analyse met en évidence des résultats qui excèdent largement la prédiction de l’OMS sur une période de 15 ans.

Cependant, il ne s’est passé que quatre ans et demi depuis l’accident. En prenant en compte le temps de latence moyen pour les cancers de la thyroïde et la tendance observée à Tchernobyl concernant l’évolution temporelle de l’excès de cancers de la thyroïde, il est très probable que de nouveaux cas de cancers de la thyroïde apparaîtront chaque année à un taux 10 à 20 fois supérieur à ce qui a été observé ces quatre dernières années. Dans de telles circonstances, le gouvernement doit modifier drastiquement ses affirmations, autrement la confiance sera perdue, résultant en un écart entre les mesures et la réalité. J’espère que notre étude va constituer une opportunité pour revoir la communication et les mesures gouvernementales. La situation actuelle ne va qu’aggraver l’anxiété, la méfiance et les dommages dus aux rumeurs infondées.

TEPCo examine la cheminée de rejet des réacteurs 1 et 2

La cheminée de rejet des réacteurs 1 et 2 de la centrale de Fukushima daï-ichi, qui fait 120 m de hauteur, commence à se détériorer. Les jambes de soutien montrent des fissures et des déformations. La compagnie doit contrôler leur évolution afin de déterminer si la cheminée doit être renforcée ou démantelée. Elle estime cependant qu’il n’y a pas de risque d’effondrement, même en cas de fort séisme.

Le problème est que cette cheminée, qui a servi aux rejets de gaz radioactifs lors de l’accident, est elle-même très radioactive. En 2011, un débit de dose de l’ordre de 10 sieverts par heure a été relevé. C’est une dose létale en moins d’une heure. En 2013, un robot a relevé jusqu’à 25 sieverts par heure. Des mesures vont à nouveau être effectuées.

Point sur les redémarrages de réacteurs

Après le conseil municipal d’Ikata, c’est, sans surprise, au tour de l’assemblée régionale d’Ehimé d’accepter le redémarrage du réacteur n°3 de la centrale d’Ikata exploitée par Shikoku Electric. Le maire et le gouverneur doivent encore donner leur avis. Ce dernier a posé huit conditions qui devraient être toutes satisfaites.

L’Autorité de Régulation Nucléaire, la NRA, a fini d’inspecter les réacteurs 3 et 4 de la centrale de Takahama, à Fukui. Le redémarrage est cependant suspendu par une décision de justice. Kansaï Electric voulait remettre en route le réacteur n°3 en novembre prochain, mais ce ne sera pas possible.

Les autorités estiment qu’il n’y a pas besoin de demander à la population de faire attention à sa consommation d’électricité cet hiver, même lors des pics de froid, car l’offre pourra faire face à la demande. Même à Hokkaïdô, où la situation était plus tendue, de nouveaux moyens de production sont disponibles. Les autorités pourraient tout de même promouvoir la sobriété énergétique afin de protéger le climat…

L’énergie solaire a représenté 6,4% de la production d’électricité cet été, lors des pics. C’était 3,7% l’année précédente. Les énergies fossiles, quant à elles, ont représenté 74,8% de la production lors des pics.

Il n’y a toujours qu’un seul réacteur en fonctionnement au Japon.

La faille sous Monju probablement inactive

La faille sismique qui passe sous le surgénérateur Monju est probablement inactive. Telle est la conclusion du groupe d’experts mandaté par l’Autorité de Régulation Nucléaire, la NRA. Elle ne devrait pas bouger en cas de mouvement d’une faille voisine de 500 m. Cet avis va être soumis à des experts extérieurs.

En attendant, il y a toujours de nombreuses failles dans la sûreté du réacteur

Excès de cancers de la thyroïde chez les enfants à Fukushima, selon une étude

Des chercheurs japonais viennent de faire paraître une étude dans laquelle ils étudient la fréquence d’apparition des cancers de la thyroïde chez les enfants de Fukushima. L’article scientifique est en libre accès et la présentation faite lors de la conférence de presse à Tôkyô, disponible à l’ACRO.

Dans ce travail, les auteurs utilisent les statistiques officielles disponibles en ligne et régulièrement rapportées sur ce site (voir les derniers résultats), mais ils réfutent les conclusions officielles. Les autorités admettent qu’il y a plus de cancers qu’attendu, mais prétendent que c’est un à un effet “râteau” lié au dépistage quasi-systématique. Dit autrement, ces cas seraient apparus plus tard si l’on ne les avait pas cherchés. L’autre argument des autorités est que l’excès de cancers de la thyroïde après Tchernobyl, admis par tous comme étant lié à la catastrophe nucléaire, n’est apparu qu’au bout de 4 à 5 ans.

Les auteurs de cette étude rapportent qu’une augmentation du taux de cancers est apparue au bout de 2,5 ans en Biélorussie et en Ukraine. Et surtout, il n’y a pas eu de dépistage là-bas. Par ailleurs, ils effectuent une étude statistique et montrent que l’augmentation observée lors de la première vague de dépistage dans la partie la plus contaminée de Fukushima ne peut pas être expliquée par l’effet “râteau”. Pour les détails, voir leur article.

Les auteurs ont divisé la région de Fukushima en plusieurs zones en fonction du niveau de contamination et de l’année lors de laquelle ont été menées les échographies de la thyroïde suivies d’examen complémentaires, le cas échéant. La zone la moins contaminée a servi de référence, tout comme d’autres régions du Japon où un dépistage a été effectué pour avoir des éléments de comparaison. Dans la région centrale, la plus touché, il y a 50 fois plus de cas de cancers de la thyroïde qu’attendu (ce facteur varie entre 25 et 90 avec un intervalle de confiance de 95%).

En ce qui concerne la deuxième vague de dépistage, les auteurs de l’étude notent aussi une augmentation significative du nombre de cas, qui lui ne peut pas être expliqué par l’effet “râteau”, car ces enfants n’avaient pas été diagnostiqués positifs lors du premier dépistage. Il y aurait déjà 12 fois plus de cas qu’attendu. En revanche, la deuxième campagne n’est pas terminée et il est donc prématuré de tirer des conclusions définitives.

Cette étude est critiquée par d’autres spécialistes. Dans le Japan Times, un détracteur explique que le lien de cause à effet ne peut pas être démontré car l’on ne connait l’exposition des personnes affectées. Et comme les mesures de la contamination radioactive de ces enfants n’ont pas été faites tant qu’il y avait de l’iode radioactif, on ne pourra jamais rien prouver… Un peu facile comme argument. C’est même une incitation à ne rien contrôler !

La seule possibilité qui reste pour estimer les doses à la thyroïde lors de l’accident est la modélisation des rejets et des comportements des personnes concernées. L’un des auteurs de cette étude, Toshihidé Tsuda, a signalé, lors de la conférence de presse à Tôkyô, que les autorités japonaises ont fait pression sur l’OMS pour que l’organisation revoit à la baisse ses estimations.

Le conseil municipal d’Ikata accepte le redémarrage du réacteur n°3

Le conseil municipal d’Ikata a accepté à l’unanimité le redémarrage du réacteur n°3 de la centrale du même nom dans la province d’Ehimé. Quelques manifestants protestaient devant la mairie. Les autorités régionales devraient suivre bientôt, le parti libéral démocrate ayant la majorité. Et comme toujours, la “consultation” sera limitée aux entités qui dépendent financièrement de cette centrale. Mais, il y a la mise en scène habituelle : le gouverneur demande des compléments d’information avant de prendre sa décision. Il exige, notamment, un visite du ministre de l’industrie.

Le gouvernement a, quant à lui, validé le plan d’urgence en cas d’accident. Et comme il pousse au redémarrage, il n’est pas trop exigent. Ce plan devrait être évalué par une instance indépendante.