Des chercheurs japonais viennent de faire paraître une étude dans laquelle ils étudient la fréquence d’apparition des cancers de la thyroïde chez les enfants de Fukushima. L’article scientifique est en libre accès et la présentation faite lors de la conférence de presse à Tôkyô, disponible à l’ACRO.
Dans ce travail, les auteurs utilisent les statistiques officielles disponibles en ligne et régulièrement rapportées sur ce site (voir les derniers résultats), mais ils réfutent les conclusions officielles. Les autorités admettent qu’il y a plus de cancers qu’attendu, mais prétendent que c’est un à un effet “râteau” lié au dépistage quasi-systématique. Dit autrement, ces cas seraient apparus plus tard si l’on ne les avait pas cherchés. L’autre argument des autorités est que l’excès de cancers de la thyroïde après Tchernobyl, admis par tous comme étant lié à la catastrophe nucléaire, n’est apparu qu’au bout de 4 à 5 ans.
Les auteurs de cette étude rapportent qu’une augmentation du taux de cancers est apparue au bout de 2,5 ans en Biélorussie et en Ukraine. Et surtout, il n’y a pas eu de dépistage là-bas. Par ailleurs, ils effectuent une étude statistique et montrent que l’augmentation observée lors de la première vague de dépistage dans la partie la plus contaminée de Fukushima ne peut pas être expliquée par l’effet “râteau”. Pour les détails, voir leur article.
Les auteurs ont divisé la région de Fukushima en plusieurs zones en fonction du niveau de contamination et de l’année lors de laquelle ont été menées les échographies de la thyroïde suivies d’examen complémentaires, le cas échéant. La zone la moins contaminée a servi de référence, tout comme d’autres régions du Japon où un dépistage a été effectué pour avoir des éléments de comparaison. Dans la région centrale, la plus touché, il y a 50 fois plus de cas de cancers de la thyroïde qu’attendu (ce facteur varie entre 25 et 90 avec un intervalle de confiance de 95%).
En ce qui concerne la deuxième vague de dépistage, les auteurs de l’étude notent aussi une augmentation significative du nombre de cas, qui lui ne peut pas être expliqué par l’effet “râteau”, car ces enfants n’avaient pas été diagnostiqués positifs lors du premier dépistage. Il y aurait déjà 12 fois plus de cas qu’attendu. En revanche, la deuxième campagne n’est pas terminée et il est donc prématuré de tirer des conclusions définitives.
Cette étude est critiquée par d’autres spécialistes. Dans le Japan Times, un détracteur explique que le lien de cause à effet ne peut pas être démontré car l’on ne connait l’exposition des personnes affectées. Et comme les mesures de la contamination radioactive de ces enfants n’ont pas été faites tant qu’il y avait de l’iode radioactif, on ne pourra jamais rien prouver… Un peu facile comme argument. C’est même une incitation à ne rien contrôler !
La seule possibilité qui reste pour estimer les doses à la thyroïde lors de l’accident est la modélisation des rejets et des comportements des personnes concernées. L’un des auteurs de cette étude, Toshihidé Tsuda, a signalé, lors de la conférence de presse à Tôkyô, que les autorités japonaises ont fait pression sur l’OMS pour que l’organisation revoit à la baisse ses estimations.