Le mois dernier, l’Asahi a consacré une série de trois articles aux travailleurs de la centrale de Fukushima, qui, dans leur majorité, sont embauchés par une pyramide de sous-traitants pour des salaires peu élevés, malgré les risques encourus.
Les habits de protection et les masques rendent les conditions de travail plus difficiles. Surtout en été, à cause de la chaleur.
En 2012, un homme de 42 ans, originaire de Nagano, a d’abord répondu à une petite annonce postée par une compagnie au quatrième niveau de sous-traitance. Une fois sur place, les tâches qui lui ont été assignées pas la compagnie au premier niveau de sous-traitance ne correspondaient pas à ce qu’il lui avait été dit par son employeur : il devait travailler dans des zones où le niveau d’irradiation était si élevé que l’on ne pouvait pas y rester plus de 5 à 10 minutes. Il devait aussi porter un appareil respiratoire sur son dos.
Quand il s’en est plaint à son véritable employeur, soulignant qu’il ne pourrait pas rester un an comme stipulé dans son contrat avec de telles doses, il lui a été répondu que la dose était divisée par deux au bout d’une semaine (ce qui est faut) et qu’il allait ruiner la réputation de la compagnie s’il refusait.
Il a finalement été affecté à des tâches moins exposées. Lors d’une conversation avec un employé de la compagnie sous-traitante du 1er niveau, il a demandé à son interlocuteur s’il laisserait son fils travailler ici. La réponse a été négative. Le soir même il a été convoqué et licencié.
Pour les employés originaires des zones côtières de Fukushima, la centrale nucléaire a été et est encore le gagne pain, et il est difficile de « cracher dans la soupe ».
Un autre employé, originaire de la région, a longtemps été pêcheur avant d’être embauché à temps partiel, puis temps complet à la centrale nucléaire. Il explique que, par le passé, les sous-traitants n’étaient pas très stricts en ce qui concerne la radioprotection. Il se rappelle avoir transporté manuellement des déchets radioactifs alors qu’il aurait dû utiliser un engin. Ce serait devenu plus strict maintenant.
Le contrôle de la tuyauterie pour y détecter des fuites n’était pas toujours fait correctement car il fallait tenir le rythme. Certaines parties étaient sciemment négligées sans que cela soit rapporté comme cela aurait dû l’être. La forte hiérarchisation de la sous-traitance empêchait le signalement des problèmes au niveau supérieur.
Après l’accident, son employeur ne voulait plus travailler à la centrale de Fukushima daï-ichi, mais il a été rappelé car il y avait un manque de main d’œuvre. Comme les conditions financières n’étaient pas favorables, surtout en ce qui concerne la prime de risque, certaines compagnies sous-traitantes ont refusé. D’autres ont accepté.
Depuis la catastrophe nucléaire, certaines compagnies sous-traitantes ont grossi et sont montées en compétence.
Tout en bas de la pyramide de sous-traitance, les salaires sont souvent très bas car chaque étage en prélève une partie. L’Asahi présente le cas d’un jeune de 27 ans qui a d’abord été embauché, en 2012, sur des chantiers de décontamination autour de la centrale, sans contrat de travail, juste un accord verbal. En 2014, son « employeur » lui a proposé un travail mieux rémunéré à la centrale s’il signait avec une autre compagnie. Ce contrat stipulait un salaire journalier de 15 500 yens, mais son précédent « employeur » a saisi tout l’argent sur son compte après avoir prélevé 2 500 yens chaque jour pour « couvrir des dépenses diverses ». Le jeune a découvert plus tard que TEPCo, le donneur d’ordre, versait en fait 20 000 yens par jour depuis novembre 2013, pour motiver les travailleurs. Son travail était pourtant exposé et il aurait dû toucher les primes de risque, qui n’étaient même plus mentionnées dans sa fiche de paye. Il devait parfois travailler près des réacteurs, où le niveau d’exposition était élevé, mais contrairement aux employés d’autres compagnies, il ne bénéficiait pas d’un tablier de plomb pour réduire la dose reçue. Il a fini par quitter la centrale.
Un avocat qui a défendu des travailleurs estime que tant qu’il y aura une pyramide de sous-traitance, les primes de risques seront réduites avant d’arriver dans la poche des travailleurs. Il cite le cas d’un salaire initial de 43 000 yens par jour qui s’est réduit à 11 500 yens dans la proche du travailleur.
L’Asahi explique que sur les chantiers de décontamination dont il a la charge, le ministère de l’environnement exige que la prime de risque soit entièrement versée aux travailleurs. Ce n’était pas le cas au tout début de la catastrophe. Il n’y a pas de clause similaire à la centrale nucléaire accidentée.
Selon une enquête faite par TEPCo à l’automne dernier, 14,2% des personnes qui ont répondu ont déclaré que la compagnie qui leur versait leur salaire n’était pas celle qui leur donnait des ordres. C’est illégal dans le nucléaire à cause de problèmes de responsabilité.
Dans l’avenir, plus de 10 000 travailleurs sur 30 000 attendus pourraient rester plus d’un an à Fukushima pour les travaux à la centrale, selon une étude de l’agence de reconstruction auprès de 24 compagnies. Il y en a plusieurs centaines à intervenir. Il faut donc leur assurer un environnement vivable, avec commerces, services et moyens de transport. Les travailleurs originaires de villages évacués ont aussi réclamé un environnement permettant de faire revenir leur famille.
Enfin, selon TEPCo, durant l’année fiscale 2015, il y a eu 25 travailleurs blessés et un décès. 60% des blessés étaient des travailleurs sans qualification qui étaient là depuis moins d’un an. 60% des blessures étaient bénignes. Le nombre de blessés était de 49 en 2014.
Selon les statistiques officielles, à la date du 29 février 2016, 46 758 travailleurs ont été enregistrés sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi, dont 42 052 sous-traitants. En février 2016, la dose moyenne prise par les sous-traitants était de 0,54 mSv et celle des employés de TEPCo, de 0,21 mSv. La dose maximale, quant à elle, était de 12 mSv et c’est un sous-traitant qui l’a reçue.