Aucune commune située à moins de 30 km de la centrale de Hamaoka n’est prête à son redémarrage

Selon une enquête du Maïnichi, aucune des 11 communes situées dans la zone de préparation à l’urgence nucléaire d’un rayon de 30 km autour de la centrale de Hamaoka ne souhaite son redémarrage. Cette centrale avait été arrêtée le 14 mai 2011 sur ordre du premier ministre de l’époque. L’exploitant, Chûbu Electric, a déposé une demande d’autorisation de redémarrage pour ses réacteurs n°3 et 4 et a effectué des travaux gigantesques pour construire une digue de protection de 22 m de haut contre les tsunamis.

Le Maïnichi a proposé 5 choix aux maires. 3 sont contre le redémarrage (Makinohara, Shimada et Yoshida), 5 ne peuvent pas se faire d’opinion. 4 ont coché « autre » et aucun n’a choisi qu’il était d’accord, ni même d’accord avec des réserves.

Certains maires justifient leur choix. Parmi ceux qui sont opposés, l’un pense qu’un accident nucléaire à cette centrale menacerait l’existence même de la nation. Un autre explique qu’il n’y a pas de plan d’évacuation réaliste.

Pour les autres, certains estiment qu’il faut déjà comprendre et résoudre ce qui s’est passé à Fukushima. D’autres ne veulent pas se prononcer avant l’autorité de régulation nucléaire ou avant d’avoir consulté la population. De toutes façons, seule la commune d’accueil de la centrale, Omaezaki, sera consultée avec le gouverneur de la province.

Levée prévue de l’ordre d’évacuer une partie de Minami-Sôma en juillet 2016

Environ 11 700 personnes ont été évacuées des parties Sud et Ouest de la commune de Minami-Sôma. Il s’agit du plus grand nombre de personnes déplacées à Fukushima. Le gouvernement veut lever l’ordre d’évacuer début juillet 2016 car la décontamination est terminée dans les zones résidentielles et les infrastructures devraient être rétablies. Il vise une date précédant le célèbre festival de Minami-Sôma qui a lieu fin juillet, qui pourrait être le 1er juillet.

Sont concernées les zones dites de « préparation au retour » où l’exposition externe était inférieure à 20 mSv/an avant la décontamination et celles où il y a des « restrictions de résidence », avec une exposition externe comprise entre 20 et 50 mSv/an avant décontamination. Sont exclues de la levée prochaine de l’ordre d’évacuer les zones dites de « retour difficile ».

10 967 habitants répartis dans 3 516 foyers devraient donc pouvoir bientôt rentrer chez eux. Des réunions vont débuter le 15 mai prochain et la date de levée de l’ordre d’évacuation devrait être fixée d’ici la fin du mois. Là encore, le taux de retour devrait être très faible. Les habitants peuvent déjà retourner chez eux pour préparer leur retour, et même dormir dans leur maison, mais seulement 1 870 en ont fait la demande.
Des personnes âgées originaires du district d’Odaka de Minami-Sôma, qui vivent actuellement dans les logements provisoires, veulent rester ensemble et envisagent une maison partagée. Peu veulent rentrer une fois l’ordre d’évacuer levé. Elles ont donc demandé à la commune une résidence avec des chambres privées et des espaces partagés afin de maintenir les liens qui se sont créés depuis l’évacuation.

Retourner chez elles ou se réinstaller dans des logements publics signifierait recommencer une nouvelle vie. C’est pour cela qu’elles ont envisagé cette solution originale. La mairie a dit qu’elle allait étudier le projet, tout en expliquant que cela serait complexe à mettre en œuvre car il n’y a pas de précédent.

A Tamura, où l’ordre d’évacuer a été levé en avril 2014, le taux de retour reste faible et l’école élémentaire Iwaisawa, située dans le district de Miyakoji, qui a 140 ans, va devoir fermer faute d’élèves. Ils ne sont plus que 19, alors qu’ils étaient 52 avant la catastrophe. Ils étaient 29 à la rentrée d’avril 2014. L’école va fusionner avec d’autres écoles.
A la fin avril 2016, 2 564 étaient encore enregistrées dans ce district, mais environ 1 600 y vivaient vraiment.

Le gouvernement veut stocker des déchets radioactifs à Tomioka

Le gouvernement veut enfouir les déchets les plus radioactifs issus de la catastrophe nucléaire à Tomioka. Sont concernés, quelques 730 000 tonnes de cendres radioactives, débris et autres déchets fortement contaminés à moins de 100 000 Bq/kg pour le césiul radioactif, mais plus de 8 000 Bq/kg. Les cendres issues de l’incinération des boues de station de traitement des eaux usées et des débris doivent être mises dans des fûts spéciaux dès la fin de cette année. D’autres cendres, plus radioactives doivent d’abord être transférées dans la commune voisine de Naraha pour y être coulées dans une matrice à base de ciment, dès 2017.

Si tout se passe comme prévu, le gouvernement espère avoir terminé en mars 2023.
Mais le gouvernement doit encore obtenir l’assentiment des élus locaux pour mettre ces déchets dans le « Fukushima Ecotech Clean Center ». Cela sonne bien, mais les habitants évacués ne sont pas dupes. Ce centre a été ouvert en 2001 pour y stocker des déchets industriels. Il y en aurait 220 000 m3. Son activité a cessé avec la catastrophe nucléaire et elle devrait reprendre pour les déchets radioactifs. Le volume total de déchets devrait atteindre 650 000 m3.

Un document officiel de présentation du site est disponible ici en japonais. En anglais, pour en savoir plus sur ce centre, voir Fukuden de décembre 2015.

Vue aérienne prise sur Google :

Ecotech-clean-bv

Panneau à l’entrée :

ecotechcleancenter

La date d’exploitation a été prolongée jusqu’au 31 mars 2028 (平成39年3月31日) sur le panneau.

Le désarroi des familles dont un enfant a un cancer de la thyroïde

En mars dernier, deux pères avaient parlé anonymement aux médias à propos du cancer de la thyroïde d’un de leurs enfants et avaient fondé une association de soutien : 311 Thyroid Cancer Family Group. Après l’Asahi, le Japan Times leur consacre un article.

Un des pères a raconté que sa fille, adolescente, a eu la voix modifiée par l’intervention chirurgicale et qu’elle est dépressive depuis. Mais le plus dur à supporter pour ces familles est le silence qui leur est imposé à propos de cette maladie alors qu’elles doivent faire face à de nombreuses questions sans réponse et tabous. Si les cancers sont liés à la catastrophe nucléaire, la famille pourrait être stigmatisée, mais aussi toute la région. La famille n’a dit à personne que leur fille eu un cancer de la thyroïde. Si la découverte précoce des cancers est due au dépistage systématique, comme le prétendent les autorités, était-ce nécessaire de retirer partiellement la thyroïde ? Le cancer papillaire, le plus diagnostiqué, est connu pour avoir une évolution très lente. Une surveillance aurait peut-être été préférable. Dans tous les cas, c’est terrible pour les familles.

Un médecin explique qu’elles sont complètement perdues lors de l’annonce et qu’elles culpabilisent. Ont-elle failli dans la protection de leur enfant ? Ont-elles pris la bonne décision quant au traitement ? Y aura-t-il une rechute, même après une intervention chirurgicale ?

A noter que l’International Society for Environmental Epidemiology a écrit aux autorités japonaises à propos de l’augmentation du nombre de cancers de la thyroïde chez les enfants à Fukushima. Voir la lettre en anglais qui se réfère à l’étude du Prof. Tsuda et al. que nous avons mentionnée. Il y est mentionné le grand intérêt de cette société pour l’étude en question qui appelle à la poursuite du dépistage systématique. Elle propose aussi ses services, mais il est peu probable que le gouvernement japonais y réponde positivement.

Voir aussi les explications du Prof. Tsuda que nous avions traduites en français.

Deux réacteurs de recherche autorisés à redémarrer

L’autorité de régulation nucléaire, la NRA, a autorisé le redémarrage de deux réacteurs de recherche dans la province d’Ôsaka. Il s’agit des réacteurs de l’université de Kyôto à Kumatori et de l’université du Kinki à Higashi-Ôsaka. Cette décision ne sera pas soumise à l’avis du public car leur puissance est très faible, de 100 et 1 W respectivement.

Le redémarrage devrait avoir lieu en juillet et septembre de cette année, respectivement. Il y a six autres réacteurs de recherche en attente d’autorisation de remise en service, dont un, toujours à l’université de Kyôto, qui a une puissance de 5 MW.

Cet arrêt prolongé a affecté la formation des étudiants.

Arrêt définitif du réacteur n°1 d’Ikata

Conformément à la décision prise en mars dernier, Shikoku Electric a arrêté définitivement le réacteur n°1 de sa centrale d’Ikata dans la province d’Ehimé. C’est effectif depuis le 10 mai 2016. Il avait été mis en service en 1977.

Il s’agit du sixième réacteur arrêté définitivement en plus des 6 de Fukushima daï-ichi, qui ont été détruits. D’autres devraient suivre. Le nombre de réacteurs est de 42 au Japon, avec seulement 2 en activité à la centrale de Sendaï.

La compagnie a estimé à 170 milliards de yens (1,4 milliard d’euros) le coût de sa remise aux nouvelles normes de sûreté, ce qui est trop élevé par rapport à sa puissance peu élevée : 566 MWe. Le démantèlement devrait prendre une trentaine d’années et coûter de l’ordre de 40 milliards de yens (320 millions d’euros).

Les subsides de la commune devraient baisser de 300 à 400 millions de yens chaque année, pour atteindre 1 milliard de yens environ.

Risque terroriste : réduction du nombre de travailleurs à Fukushima daï-ichi durant le G7

Le G7 aura lieu à Isé, dans l’Ouest du Japon, les 26 et 27 mai prochain.  Comme l’alerte terroriste sera à son maximum durant cette période, TEPCo a décidé de suspendre les travaux qui peuvent attendre à la centrale de Fukushima daï-ichi pendant cette période. Seuls les travailleurs indispensables à la sûreté pourront pénétrer sur le site.

Il y a actuellement environ 6 000 personnes par jour à travailler à la centrale accidentée durant les jours de la semaine. Pendant le sommet, le nombre de travailleurs sera réduit à un millier environ, comme pendant les dimanches et jours fériés.

Qu’en sera-t-il pendant les Jeux olympiques et paralympiques de 2020 ? Le chantier sera suspendu durant plusieurs semaines ?

Cartographie citoyenne de la pollution radioactive des sols au Japon

Les Japonais ont déjà fait de nombreuses cartographies de la pollution radioactive et dans certaines zones, à l’échelle locale, il n’y a que les données relevées par des initiatives citoyennes. Ces cartes sont basées sur le débit de dose ambiant.

Un collectif d’associations, auquel participe Chikurin, le laboratoire indépendant monté avec le soutien de l’ACRO à Tôkyô, avait déjà lancé une base de données sur la contamination de l’alimentation : Minna no data. Cette base de données est assortie d’un système d’assurance qualité et d’intercomparaisons pour toutes les stations de mesure qui y participent.

Ce collectif a lancé récemment une cartographie citoyenne de la pollution des sols, à l’instar de ce que l’ACRO a fait pour la pollution rémanente de Tchernobyl, 30 ans après. Au Japon, il s’agit d’apporter des informations complémentaires cartes basées sur le débit de dose. Une présentation succincte est disponible en anglais. C’est beaucoup plus complet en japonais, avec toutes les données déjà collectées. Il y en a déjà plus de 1 900.

Ce projet est ambitieux et sans précédent au Japon. Il y a bien eu, durant les premières années, une cartographie de la pollution des sols menée par des universités et instituts, mais cette fois-ci, la démarche est différente et va bien au-delà des 80 km autour de la centrale accidentée. Il a déjà permis de découvrir quelques points chauds. C’est à Iitaté que la valeur la plus élevée a été relevée pour le moment : 135 000 Bq/kg dans un sol de forêt près d’une habitation du district de Hiso.

Il y a peu de données à Gunma, Tochigi et Niigata car les agriculteurs craignent pour leur ventes.

Les problèmes liés à la sous-traitance persistent à Fukushima daï-ichi

Le mois dernier, l’Asahi a consacré une série de trois articles aux travailleurs de la centrale de Fukushima, qui, dans leur majorité, sont embauchés par une pyramide de sous-traitants pour des salaires peu élevés, malgré les risques encourus.

Les habits de protection et les masques rendent les conditions de travail plus difficiles. Surtout en été, à cause de la chaleur.

En 2012, un homme de 42 ans, originaire de Nagano, a d’abord répondu à une petite annonce postée par une compagnie au quatrième niveau de sous-traitance. Une fois sur place, les tâches qui lui ont été assignées pas la compagnie au premier niveau de sous-traitance ne correspondaient pas à ce qu’il lui avait été dit par son employeur : il devait travailler dans des zones où le niveau d’irradiation était si élevé que l’on ne pouvait pas y rester plus de 5 à 10 minutes. Il devait aussi porter un appareil respiratoire sur son dos.

Quand il s’en est plaint à son véritable employeur, soulignant qu’il ne pourrait pas rester un an comme stipulé dans son contrat avec de telles doses, il lui a été répondu que la dose était divisée par deux au bout d’une semaine (ce qui est faut) et qu’il allait ruiner la réputation de la compagnie s’il refusait.

Il a finalement été affecté à des tâches moins exposées. Lors d’une conversation avec un employé de la compagnie sous-traitante du 1er niveau, il a demandé à son interlocuteur s’il laisserait son fils travailler ici. La réponse a été négative. Le soir même il a été convoqué et licencié.

Pour les employés originaires des zones côtières de Fukushima, la centrale nucléaire a été et est encore le gagne pain, et il est difficile de « cracher dans la soupe ».

Un autre employé, originaire de la région, a longtemps été pêcheur avant d’être embauché à temps partiel, puis temps complet à la centrale nucléaire. Il explique que, par le passé, les sous-traitants n’étaient pas très stricts en ce qui concerne la radioprotection. Il se rappelle avoir transporté manuellement des déchets radioactifs alors qu’il aurait dû utiliser un engin. Ce serait devenu plus strict maintenant.

Le contrôle de la tuyauterie pour y détecter des fuites n’était pas toujours fait correctement car il fallait tenir le rythme. Certaines parties étaient sciemment négligées sans que cela soit rapporté comme cela aurait dû l’être. La forte hiérarchisation de la sous-traitance empêchait le signalement des problèmes au niveau supérieur.

Après l’accident, son employeur ne voulait plus travailler à la centrale de Fukushima daï-ichi, mais il a été rappelé car il y avait un manque de main d’œuvre. Comme les conditions financières n’étaient pas favorables, surtout en ce qui concerne la prime de risque, certaines compagnies sous-traitantes ont refusé. D’autres ont accepté.

Depuis la catastrophe nucléaire, certaines compagnies sous-traitantes ont grossi et sont montées en compétence.

Tout en bas de la pyramide de sous-traitance, les salaires sont souvent très bas car chaque étage en prélève une partie. L’Asahi présente le cas d’un jeune de 27 ans qui a d’abord été embauché, en 2012,  sur des chantiers de décontamination autour de la centrale, sans contrat de travail, juste un accord verbal. En 2014, son « employeur » lui a proposé un travail mieux rémunéré à la centrale s’il signait avec une autre compagnie. Ce contrat stipulait un salaire journalier de 15 500 yens, mais son précédent « employeur » a saisi tout l’argent sur son compte après avoir prélevé 2 500 yens chaque jour pour « couvrir des dépenses diverses ». Le jeune a découvert plus tard que TEPCo, le donneur d’ordre, versait en fait 20 000 yens par jour depuis novembre 2013, pour motiver les travailleurs. Son travail était pourtant exposé et il aurait dû toucher les primes de risque, qui n’étaient même plus mentionnées dans sa fiche de paye. Il devait parfois travailler près des réacteurs, où le niveau d’exposition était élevé, mais contrairement aux employés d’autres compagnies, il ne bénéficiait pas d’un tablier de plomb pour réduire la dose reçue. Il a fini par quitter la centrale.

Un avocat qui a défendu des travailleurs estime que tant qu’il y aura une pyramide de sous-traitance, les  primes de risques seront réduites avant d’arriver dans la poche des travailleurs. Il cite le cas d’un salaire initial de 43 000 yens par jour qui s’est réduit à 11 500 yens dans la proche du travailleur.

L’Asahi explique que sur les chantiers de décontamination dont il a la charge, le ministère de l’environnement exige que la prime de risque soit entièrement versée aux travailleurs. Ce n’était pas le cas au tout début de la catastrophe. Il n’y a pas de clause similaire à la centrale nucléaire accidentée.

Selon une enquête faite par TEPCo à l’automne dernier, 14,2% des personnes qui ont répondu ont déclaré que la compagnie qui leur versait leur salaire n’était pas celle qui leur donnait des ordres. C’est illégal dans le nucléaire à cause de problèmes de responsabilité.

Dans l’avenir, plus de 10 000 travailleurs sur 30 000 attendus pourraient rester plus d’un an à Fukushima pour les travaux à la centrale, selon une étude de l’agence de reconstruction auprès de 24 compagnies. Il y en a plusieurs centaines à intervenir. Il faut donc leur assurer un environnement vivable, avec commerces, services et moyens de transport. Les travailleurs originaires de villages évacués ont aussi réclamé un environnement permettant de faire revenir leur famille.

Enfin, selon TEPCo, durant l’année fiscale 2015, il y a eu 25 travailleurs blessés et un décès. 60% des blessés étaient des travailleurs sans qualification qui étaient là depuis moins d’un an. 60% des blessures étaient bénignes. Le nombre de blessés était de 49 en 2014.

Selon les statistiques officielles, à la date du 29 février 2016, 46 758 travailleurs ont été enregistrés sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi, dont 42 052 sous-traitants. En février 2016, la dose moyenne prise par les sous-traitants était de 0,54 mSv et celle des employés de TEPCo, de 0,21 mSv. La dose maximale, quant à elle, était de 12 mSv et c’est un sous-traitant qui l’a reçue.