Les autorités veulent lever les ordres d’évacuer à Minami-Sôma

Les autorités veulent lever les ordres d’évacuer à Minami-Sôma à la fin avril 2016. Plus de 11 000 personnes sont concernées. Ce sera la première fois que cet ordre sera levé dans une zone dite de “restriction de résidence” où l’exposition externe était comprise entre 20 et 50 mSv/an. Mais elle est maintenant passée sous la limite de 20 mSv/an grâce à la décroissance naturelle et aux travaux de décontamination. Rappelons que cette limite correspond à la valeur la plus élevée des recommandations internationales et qu’elle n’est pas acceptée par beaucoup.

Plus précisément, sont concernés par cette décision, 3 536 foyers de la zone de “préparation au retour” des districts d’Odaka et de Haramachi, où l’exposition externe était inférieure à 20 mSv/an et 126 de la zone de “restriction de résidence” d’Odaka. La population enregistrée dans ces zones était de 11 663 personnes en septembre 2015.

L’ordre d’évacuer sera maintenu pour deux habitants de la petite partie de Minami-Sôma classée en zone de “retour difficile”, où l’exposition externe y dépassait 50 mSv/an.

Une première réunion a eu lieu avec le conseil municipal. D’autres vont être organisées avec les habitants pour obtenir leur consentement. Mais ce n’est pas gagné, étant donné leur réticence à rentrer. Comme pour les autres communes où le retour est permis, il a été proposé aux habitants une période d’essai préalable les autorisant à passer la nuit chez eux. Au 27 janvier 2016, seulement 1 600 résidents ont demandé à en bénéficier, alors que ce programme est ouvert depuis août 2015. Et, parmi eux, seulement 30% auraient effectivement passé la nuit chez eux. C’étaient surtout des personnes âgées. Dans la partie la plus contaminée, ils sont très peu à être retournés.

Le 20 février, lors de la première réunion d’information, ils étaient environ 350 présents et de nombreuses voix se sont élevées pour exiger un report de la levée de l’ordre d’évacuation car les risques liés à la radioactivité seraient encore trop élevés. Le maire, Katsunobu Sakurai, pense aussi qu’avril 2016 n’est pas réaliste.

La mairie estime que 90% des personnes concernées ne rentreront pas de suite.

C’est la quatrième commune où les habitants vont être autorisés à rentrer chez eux. Le gouvernement veut aussi lever les ordres d’évacuer d’une partie de Kawamata et de Katsurao dans un avenir proche.

TEPCo doit indemniser des évacués “volontaires” selon la justice

Une famille de cinq “auto-évacués” de Kôriyama dans la province de Fukushima, ou “évacués volontaires”, a saisi la justice pour obtenir une meilleure indemnisation de TEPCo. La Cour du district de Kyôto vient de leur donner raison. TEPCo va devoir verser 30,46 millions de yens (240 000 euros) à un couple en dédommagement de la détérioration de situation économique de la famille et de la santé.

La famille a fini par s’installer à Kyôto en mai 2015. Le mari a perdu son emploi et a développé une pleurésie. Il souffre aussi d’insomnie et de dépression. Les enfants ont souffert de discrimination à l’école. La Cour a reconnu que l’accident nucléaire était à l’origine de ces maux et que la décision de partir était légitime étant donné que les risques liés à l’accident demeurent et que les informations étaient contradictoires.

TEPCo avait dû verser 2,92 millions de yens à la famille, selon les critères d’indemnisation. La structure de conciliation chargée des indemnisations avait proposé 11 millions de yens. Le couple avait demandé 180 millions de yens.

La famille est partie dans les premiers jours de l’accident. La Cour a ordonné à TEPCo de l’indemniser jusqu’en août 2012, date à partir de laquelle l’exposition aux radiations est passée sous un certain niveau et l’information est devenue plus “stable” et précise. La somme comprend les 21 millions de yens en compensation des salaires du couple durant cette période. En ce qui concerne les enfants, la Cour a estimé qu’ils avaient déjà été indemnisés par TEPCo.

C’est la première fois que TEPCo est obligée par la justice d’indemniser mieux des “auto-évacués”, à savoir des personnes qui sont parties à cause de la radioactivité sans en avoir reçu l’ordre. Environ 10 000 “auto-évacués” ont déposé une plainte. Ils sont encore 180 000 à bénéficier d’un logement gratuit, selon les autorités régionales de Fukushima. Les autres, qui se sont relogés par eux-mêmes, ne sont pas comptés.

Les personnes déplacées par la catastrophe nucléaire qui ont entamé des actions en justice se sont fédérées en coordination nationale.

Dernières données sur les cancers de la thyroïde

L’Université médicale de Fukushima a mis en ligne les dernières données sur les cancers de la thyroïde. C’est ici en japonais. Ce sera officiellement traduit ici en anglais. Comme d’habitude, Fukushima Voices en propose immédiatement une traduction partielle en anglais.

Au 31 décembre 2015, le nombre total de cas de cancers de la thyroïde confirmés par une intervention chirurgicale était désormais de 116. C’est un de plus que la dernière fois, en septembre 2015. En ce qui concerne le nombre de cancers potentiels, non encore confirmés, il y en a 14 de plus. Le total est donc de 166 cas de cancer potentiel ou confirmé, plus un 167ième cas qui s’est révélé bénin après l’intervention chirurgicale.

C’est beaucoup plus que ce qui est observé ailleurs au Japon, mais l’université médicale continue à affirmer qu’il est difficile d’imaginer que c’est dû aux radiations. Cette conclusion est contestée par des épidémiologistes, comme nous l’avons déjà signalé.

Rappelons que le Japon en est à sa deuxième campagne de dépistage par échographie. Lors de la première campagne, qui concerne environ 368 000 personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des rejets massifs, 300 476 ont été examinées et il y a 116 cas de cancer de la thyroïde suspectés. Sur ces 116 personnes, 101 ont subi une intervention chirurgicale. Pour 100 personnes, le diagnostique a été confirmé : il y 97 cancers papillaires et 3 faiblement différentiés.

La deuxième campagne de dépistage a débuté en avril 2014 et concerne 385 000 individus. Au 31 décembre 2015, 236 595 ont été examinés, 220 088 ont reçu le résultat de l’examen et 1 819 ont dû ou doivent subir des examens complémentaires. Il y a déjà eu 157 ponctions à l’aiguille fine qui ont conduit à diagnostiquer 51 cancers potentiels. Sur ces 51 cas, il y a eu 16 interventions chirurgicales qui ont toutes confirmé un cancer papillaire.

Sur ces 51 cas suspectés ou confirmés, 25 avaient été classés A1 lors du premier dépistage (pas de kyste ou nodule détecté), 22 A2 (7 avec nodules et 15 avec kystes) et 4 B. Sur ces 4 B, 2 avaient subi une ponction à l’aiguille fine. Le résultat n’est pas donné.

Surgénérateur Monju : les coûts explosent

Les ministère de l’éducation, des sciences et technologies a estimé à 300 milliards de yens (2,4 milliards d’euros) le coût du démantèlement du surgénérateur Monju (Fukui) qui n’a presque jamais marché depuis 1994, date de sa mise en service. Les travaux pourraient prendre 30 ans. Cette estimation a été faite en 2012, mais n’avait jamais été rendue publique.

C’est beaucoup plus que pour un réacteur classique. Mais Monju est refroidit au sodium qui est particulièrement dangereux. C’est ce même sodium qui avait entraîné l’arrêt du réacteur en 1995, moins d’un an après son démarrage.

Son maintien coûte environ 20 milliards de yens par an (157 millions d’euros). Ce prototype, qui est un échec complet, a coûté plus de 1 000 milliards de yens (8 milliards d’euros) d’argent public.

Mur gelé : TEPCo va commencer par l’aval

TEPCo a fini d’installer toute la tuyauterie pour geler le sol sur 1,5 km tout autour des quatre réacteurs nucléaires accidentés pour endiguer l’eau contaminée. Il s’agit là de sa dernière carte pour faire face au problème de l’eau contaminée qui s’écoule vers la mer.

Mais, le 9 février dernier, jour de l’annonce triomphale de TEPCo, l’Autorité de Régulation Nucléaire, la NRA, a gelé le projet car elle n’est pas convaincue par les arguments de TEPCo. Elle craint, en particulier, que l’eau fortement contaminée des sous-sols des réacteurs aille contaminer tous les sols autour.

Depuis, les négociations vont bon train entre les deux entités. Elles se sont mises d’accord pour procéder par étape, mais par où commencer ? TEPCo voulait commencer en amont et la NRA préférait l’aval, du côté de l’océan. TEPCo va donc commencer par l’aval.

La compagnie a aussi proposé des solutions pour maintenir la pression externe afin d’éviter de contaminer plus les sols autour des réacteurs, mais la NRA a demandé des clarifications supplémentaires. Les discussions vont donc continuer. Le gel devrait prendre 8 mois.

Que faire des débris du tsunami pêchés à moins de 20 km de la centrale ?

Comme nous l’avons déjà mentionné, les coopératives de pêche veulent reprendre la pêche, à titre expérimental, entre 10 et 20 km de la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi. Mais il reste de nombreux débris du tsunami dont personne ne veut.

Les autorités régionales ont chargé les coopératives de pêche de récupérer les plus gros débris au fond de la mer à partir de 2011.  33 430 tonnes de déchets ont été repêchées en 2011, 2 241 tonnes en 2012, 664 tonnes en 2013 et 213 tonnes en 2014. L’année fiscale 2015 n’est pas encore terminée (31 mars 2016). Cela a coûté 4,8 milliards de yens (37,5 millions d’euros) jusqu’en 2014. Mais, à moins de 20 km de la centrale, aucun débris n’a été repris.

Selon le Fukushima Minpo, repris par le Japan Times, les coopératives de pêche veulent aller retirer les gros débris, mais les autorités régionales ne savent où les mettre, ni même dans quel port les débarquer. Ceux près de la centrale, comme à Tomioka ou Ukédo à Namié, ne sont pas réparés. Il y a le port de Manogawa au Nord ou de Hisanohama au Sud, mais les résidents ne veulent pas des déchets. La province de Fukushima demande donc à l’Etat de s’en charger. Les négociations vont prendre du temps. Et sans retrait des gros débris, pas de reprise de la pêche possible.

 

Des propos de la ministre de l’environnement font scandale

Selon un journal local de Nagano, Tamayo Marukawa, la ministre de l’environnement, aurait déclaré, le 8 février dernier : “Il y a toujours ceux que l’on pourrait appeler les “anti-radiations”, qui s’inquiètent de la radioactivité, même pour les niveaux faibles”.

Elle aurait aussi critiqué le but à long terme de revenir à un niveau inférieur à 1 mSv par an, qui n’aurait aucun fondement scientifique et qui aurait été fixé par le parti au pouvoir en 2011, maintenant dans l’opposition.

Ces propos ont provoqué un tollé. La ministre n’aurait aucun souvenir de les avoir tenus et il n’y a pas d’enregistrement. Elle s’est cependant excusée de ne pas avoir été assez claire. Puis, le 12 février, elle a reconnu avoir tenu ces propos, s’est rétractée et a réaffirmé la volonté du gouvernement actuel de revenir à un niveau de 1 mSv/an, comme but à long terme. Difficile de faire autrement, car c’est le niveau recommandé au niveau international. “A long terme”, ne veut malheureusement rien dire. Il devient à très long terme…

Ce même jour, lors d’une conférence de presse, la ministre finalement déclaré “retirer la remarque afin de maintenir une relation de confiance avec les résidents de Fukushima.” Elle a une relation de confiance avec les résidents de Fukushima ? Elle a téléphoné au gouverneur pour présenter ses excuses. Ce doit être le gouverneur et son entourage, les “résidents de Fukushima”.

Transition énergétique au Japon : plus de charbon !

Le gouvernement va autoriser la construction de nouvelles centrales à charbon : les engagements peu ambitieux du Japon lors de la COP21 sont déjà bien loin !

Avec l’arrêt quasi-complet du parc nucléaire, qui assurait 30% de la production d’électricité, les faibles perspectives de redémarrage et l’ouverture prochaine du marché de l’électricité, les compagnies veulent investir dans le charbon qui est bon marché. Le ministère de l’environnement était réticent à cause de la COP21. Maintenant qu’elle est derrière nous, il a fait marche arrière et va accepter la construction de nouvelles centrales à charbon qui peuvent être exploitées durant des décennies. Le ministère de l’économie, de l’industrie et de commerce (METI) a gagné, une fois de plus.

Mais attention, les compagnies devront publier la quantité de carbone émise à partir d’avril prochain !

Les projets existants totalisent une capacité de production de 20 GWe, l’équivalent d’une vingtaine de réacteurs nucléaires. La capacité installée actuellement des centrales à charbon est de 41 GWe. Il s’agit donc d’une augmentation significative alors que la part de cette énergie devrait diminuer. Le charbon produisait environ 30% de l’électricité au Japon en 2013. C’était 25% avant l’accident nucléaire.

Le gouvernement n’a toujours pas proposé de plan de réduction de la consommation d’énergie.

Fukushima, cinq ans après : quel impact sanitaire ?

A un mois du cinquième anniversaire de la catastrophe de Fukushima, l’ACRO publie en ligne un premier rapport sur son impact sanitaire :

Fukushima, cinq ans après : quel impact sanitaire ?

D’autres rapports vont suivre d’ici le 11 mars 2016.

Résumé

L’évacuation forcée autour de la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi a provoqué beaucoup de souffrances. Cinq plus tard, environ 100 000 personnes sont toujours comptabilisées comme personnes déplacées à cause de l’accident nucléaire. Les personnes non-évacuées et vivant en territoire contaminé ont aussi vu leur vie bouleversée.

L’évacuation d’urgence, les conditions d’accueil difficiles, sans structure de soin appropriée et l’absence de solution acceptable à moyen et long terme conduisent à une dégradation de la santé des personnes les plus fragiles. Les suicides sont plus fréquents que dans les provinces voisines touchées par le tsunami. Le nombre total de décès liés aux conséquences de la catastrophe nucléaire dépasse déjà le nombre de victimes directes du tsunami à Fukushima.

Le suivi des conséquences sanitaires des rejets radioactifs a conduit à mettre en évidence une augmentation notable du nombre de cancers de la thyroïde chez les jeunes qui est reconnue par tous. En revanche, il y a débat sur l’origine de la hausse constatée : effet du dépistage, comme le prétendent les autorités ou à la radioactivité, comme le montre une étude scientifique ?

Enfin, les personnes les plus exposées sont les travailleurs du nucléaire qui dépassent les 45 000 à la centrale de Fukushima daï-ichi et quelques 26 000 sur les chantiers de décontamination où les doses sont moindres. A la centrale, on déplore déjà plusieurs décès dus à des accidents de chantier. Le port de combinaisons et de masques intégraux rend les conditions de travail et de communication plus difficiles.

Il a fallu plusieurs scandales et un renforcement des contrôles pour que la protection des travailleurs s’améliore. Un travailleur à la centrale accidentée a vu sa leucémie reconnue comme maladie professionnelle.

Une catastrophe nucléaire de grande ampleur est d’abord une catastrophe humanitaire. A Fukushima, elle ne fait que commencer et il est hasardeux de vouloir tirer un bilan définitif. Mais, en moins de 5 ans, l’impact est déjà significatif.