Il reste des points chauds à J-Village, selon Greenpeace

Greenpeace est allé faire des mesures de débit de dose à J-Village, l’installation sportive située à proximité de la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi. Le site, qui a servi de base à TEPCo au début de la catastrophe, a été rendu aux sports et devrait accueillir la cérémonie de départ de la flamme olympique. Des équipes sportives devraient aussi être basées à J-Village lors des JO de 2020.

Dans un premier communiqué daté du 4 décembre 2019, Greenpeace fait état d’un niveau général de radiation ambiante assez faible, mais déplore la présence de points chauds pouvant atteindre 71 µSv/h au contact et 1,7 µSv/h à 1 m. C’est plus que le seuil entraînant la décontamination fixé à 0,23 µSv/h par les autorités japonaises (voir nos explications sur les seuils). L’organisation a alerté le ministre de l’environnement et le comité olympique.

Dans un communiqué daté du 12 décembre 2019, le ministère de l’environnement reconnait la présence du point chaud et annonce en avoir découvert un autre. TEPCo aurait mené des travaux de décontamination : Voir son communiqué du 4 décembre.

Dans un autre communiqué daté du 17 décembre 2019, Greenpeace souligne que cela ne suffit pas car il reste des zones avec des débits de dose ambiants assez élevés, notamment à proximité d’un parking.

Corruption chez KEPCo : rapport d’étape de la commission d’enquête

La commission d’enquête indépendante, sur le scandale de corruption chez Kansaï Electric (KEPCo), qui a déjà entraîné la démission de 5 dirigeants de la compagnie et qui ne cesse d’enfler depuis, ne pourra pas rendre ses conclusions avant de la fin de l’année, comme cela avait déjà été annoncé le mois dernier. Ce n’est même pas sûr qu’elle puisse terminer ses travaux en mars 2020.

Lors d’une conférence de presse, elle a précisé avoir déjà interrogé plus de 700 personnes. Plus d’une centaine d’employés de KEPCo ont été auditionnés. Les autres personnes ont été interrogées par écrit.

KEPCo a admis que 20 cadres de la compagnie ont reçu des “dons” de la part d’Eiji Moriyama, ancien maire adjoint de Takahama, aujourd’hui décédé. L’Asahi, a trouvé quinze autres personnes qui avaient aussi reçu ses “dons”. Le quotidien a contacté une soixante de personnes qui ont eu des postes de dirigeant dans les trois centrales nucléaires de la compagnie, à Takahama, Ôï et Mihama. Des dirigeants de la branche de Fukui de KEPCo ont aussi été interrogés. 15 ont admis avoir reçu des “dons”, dont cinq sont devenus des dirigeants de la compagnie par la suite. 29 ont prétendu n’avoir rien reçu et 7 ont refusé d’être interrogés. Pour les autres, la rencontre n’a pas encore pu avoir lieu.

Les cadeaux avaient une valeur de 100 000 à 200 000 yens (de 800 à 1 700 euros). Certains auraient renvoyé un cadeau de la même valeur. Plusieurs ont admis qu’Eiji Moriyama leur demandait que KEPCo accorde plus de contrats aux compagnies qu’il soutenait. Il aurait même menacé d’interférer dans le fonctionnement des centrales nucléaires s’il n’avait pas satisfaction.

Un article du Japan Times revient sur la génèse de cette affaire et prétend que les grands médias ont ignoré ce scandale jusqu’à ce qu’un lanceur d’alerte leur adresse une lettre. Et ce n’est qu’une fois que l’agence Kyodo a révélé l’affaire qu’ils ont réagi. La lettre, qui aurait d’abord été adressée au président de la compagnie le 10 mars 2019, accusait la compagnie de couvrir la découverte du bureau des impôts de Kanazawa. Le lanceur d’alerte demandait la démission des 20 cadres mis en cause et a menacé d’envoyer sa lettre à l’extérieur s’ils ne réagissaient pas.

Dans une interview pour une webradio citée par le japan Times, Jirô Hayami, un ancien cadre de KEPCo, explique que ces échanges d’argent et de cadeaux étaient dus à l’obsession de la compagnie de maintenir l’énergie nucléaire dans la région.

Un groupe de 3 272 personnes a porté plainte contre 12 cadres de KEPCo.

Reprise du démantèlement de la cheminée commune aux réacteurs 1 et 2

TEPCo a repris le démantèlement de la cheminée de rejet commune aux réacteurs 1 et 2. D’une hauteur de 120 m, elle est très contaminée suite aux rejets radioactifs qui ont eu lieu lors de l’accident. Son démantèlement est donc complexe.

La compagnie a mis en ligne des photos et des vidéos les 3 et 4 décembre dernier :

Contrairement à la vidéo précédente datée de septembre 2019, des humains ont dû intervenir pour finir la découpe.

Les travaux sont plus complexes que prévu. Ils avaient dû être reportés en mai dernier suite à une erreur de calcul sur la hauteur de la grue. Puis, les premières opérations ont eu lieu en août 2019. La lame d’une scie circulaire s’est alors coincée. D’autres images avaient été publiées en japonais uniquement en novembre 2019.

Cette fois-ci, TEPCo vient d’annoncer à l’Autorité de régulation nucléaire qu’elle n’aura pas fini en mars 2020 comme prévu. La compagnie espère finir en mai 2020.

Article scientifique de revue sur la décontamination des sols

Un article scientifique de revue fait le point sur la décontamination au Japon. Il est en libre accès. Voir aussi le communiqué de presse du CEA. Ce travail de revue se base sur une cinquantaine de publications scientifiques et ne prend pas en compte la littérature grise, à savoir les rapports officiels que l’on peut trouver en ligne sur les sites internet de différents ministères ou organisations internationales. Il n’apporte pas d’information nouvelle.

Le césium, qui est le contaminant majeur à Fukushima, se fixe sur les sédiments argileux et se trouve essentiellement sous forme particulaire dans l’environnement. Cet article scientifique ne prend en compte que cette forme et ignore, par exemple, les microparticules vitreuses qui concentrent la radioactivité qui ont été détectées un peu partout.

Rappelons que les zones décontaminées ou à décontaminer ne concernent que les parties habitées ou agricoles. Il n’y a pas d’intervention dans les forêts, qui couvrent près de 75% des zones contaminées, mis à part quelques zones où il y a eu des coupes à blanc pour produire de la biomasse, comme ici, sur cette photo de l’ACRO :

Ces forêts constituent un réservoir potentiel à long terme de césium et elles peuvent recontaminer les zones habitées comme à la suite de typhons, par exemple.

Il y a aussi eu une division entre les zones évacuées et les zones non-évacuées. Ces dernières, qui correspondent aux zones où le débit de dose dépassait 0,23 µSv/h, couvraient 7 800 km2 sur 102 communes dans 8 provinces et concernaient environ 1,7 million d’habitants.

Les méthodes utilisées sur les terrains agricoles dépendaient des zones et du niveau de contamination. Le retrait de la couche supérieure sur 5 cm là où la contamination dépassait 5 000 Bq/kg, avec parfois la mise en place d’une nouvelle couche, ou simplement un labour profond pour retourner le sol avec ajout de potassium et de zéolites, là où la contamination était inférieure à 5 000 Bq/kg. La deuxième méthode ne génère pas de déchets. L’article donne une évaluation des coûts et de la quantité de déchets engendrés en fonction des méthodes retenues (voir le tableau ci-dessous).

L’efficacité de ces mesures est très variable et dépend des situations. Par exemple, certaines rizières étaient recontaminées par des champs en amont non encore traités.

La lisière des forêts à proximité des habitations et des routes n’a été décontaminée que sur 20 m :

En ce qui concerne les déchets engendrés par ces pratiques, on retrouve ce qu’il y a dans les synthèses de l’ACRO, comme celle-ci, en images. L’article précise que la gestion des déchets est responsable de 50% du coût total de la décontamination.

En guise de conclusion, nous reprenons un extrait du tableau 2 de l’article pour les terrains agricoles :

Méthode Efficacité Coût par hectare
Nombre de sacs de déchets par hectare
Coupe des herbes, retrait de 5 cm de sol, ajout de sol frais 0,34 – 0,80 9,5 MY (7600€) 815
Coupe des herbes, retrait de 5 cm de sol 0,34 – 0,80 6,25 MY (5000€) 815
Echange entre la couche superficielle et couche profonde 0,34 – 0,80 3,10 MY (2500€) 0
Labour avec ajout de zéolite et potassium 0,21 – 0,50 0,33 MY (265€) 0

Bien que critiqué pour son soutien au charbon, le Japon persiste

Le Japon a été critiqué à l’occasion de la COP25 pour son utilisation et soutien du charbon. Des ONG lui ont décerné le prix “fossile du jour”. Les Nations Unies ont aussi demandé au pays de ne plus construire de centrale à charbon. Le Japon a fortement investi dans cette énergie pour palier à l’arrêt de son parc nucléaire suite à la catastrophe de Fukushima. Le ministre de l’industrie a répondu en disant qu’il souhaitant garder le charbon en option, mais que promis juré, le Japon se tournerait vers les énergies renouvelables, dans l’avenir…

Selon la coalition “coal exit”, trois banques japonaises, Mizuho, Mitsubishi et Sumitomo-Mitsui dominent le soutien financier au charbon à travers le monde. A elles seules, elles ont couvert 32% des prêts accordés pour la construction de nouvelles centrales thermiques au charbon depuis 2017. Mizuho arrive en tête avec 16,8 milliards de dollars, suivie par Mitsubishi avec 14,6 milliards de dollars. Sumitomo-Mitsui est en troisième position avec 7,9 milliards de dollars. Une fois construite une centrale à charbon est utilisée durant des décennies.

Paradoxalement, le Japon souffre des conséquences du réchauffement climatique. Les canicules et typhons sont plus fréquents et plus forts. Mais cela ne semble pas avoir d’effet sur le comportement de la population et du gouvernement. Bien au contraire, ce dernier tient à son rôle de leader dans le développement du charbon, car la demande serait forte, selon l’agence Kyodo reprise par le Japan Times.

Le ministre de l’environnement n’avait rien de concret à annoncer lors de son intervention à la COP25 qui a eu lieu à Madrid. Il a donc fait un discours creux et sans intérêt.

Il y a une centaine de centrales à charbon au Japon qui fournissent environ 33% de l’électricité et une vingtaine sont en construction ou plannifiées. Ce n’est pas l’énergie nucléaire qui va le remplacer. Seulement 9 réacteurs ont redémarré depuis 2011 et quatre devront être arrêtés l’an prochain.