Les autorités japonaises ont redéfini les territoires évacués en trois zones. Dans la partie la moins contaminée, les populations sont autorisées à rentrer chez elles durant la journée pour faire des travaux, mais pas à dormir sur place. Sauf dans le district de Miyakoji de Tamura où il est possible de rester dormir chez soi, sans que l’ordre d’évacuer ne soit encore levé. C’est prévu pour le 1er avril 2014. Les habitants continueront à toucher une indemnisation pendant un an. C’est la première fois que des habitants pourront officiellement rentrer chez eux après la levée d’un ordre d’évacuation. Combien rentreront ?
Il y avait 358 âmes dans ce hameau (117 familles) avant la catastrophe et les travaux de décontamination sont terminés depuis juin 2013. Les habitants pouvaient rentrer pour réparer leur maison. Lors de la réunion publique organisée par les autorités le 23 février dernier, qui a duré 3 heures, ils étaient une centaine.
Ce n’est qu’un début, le gouvernement espère lever l’ordre d’évacuer de 6 communes dans les deux ans à venir : 30 000 personnes auront à décider ce qu’elles font, rentrer ou refaire leur vie ailleurs. Pour trois communes, ce devrait être dès ce printemps.
Le représentant de l’agence de reconstruction gouvernementale a expliqué que l’ordre d’évacuer est en contradiction avec la liberté de choisir son lieu de vie garantie par la constitution. Il se réjouit donc que cette liberté soit recouvrée partiellement. Mais ce sont surtout les coûts liés aux indemnisations des évacuations qui le motive.
Les avis des habitants sont mitigés. Certains sont contents car les entreprises du bâtiment seront moins hésitantes à venir y travailler. D’autres sont contents pour l’agriculture : trois familles ont repris les cultures et espèrent que cette décision leur permettra de lutter contre les « rumeurs néfastes ».
D’autres, surtout avec des enfants en bas âges, demandent une décontamination plus poussée car elle est limitée aux environs immédiats des habitations et autres lieux de vie. Lors d’un retour en famille, un habitant a expliqué que ses enfants sont allés jouer dans des zones non décontaminées, sans le savoir. Il demande donc que le point de vue des parents soit pris en compte avant de lever l’ordre d’évacuer. Sa décision est prise, il ne rentrera pas.
Comme nous l’avons déjà répété, la limite de dose fixée pour le retour est toujours de 20 mSv/an en supposant que les habitants passent 8 heures par jour à l’extérieur. C’est trop, et en contradiction avec les recommandations de la CIPR. 20 mSv/an, c’est pour la phase d’urgence, qui est terminée depuis longtemps. Mais les autorités espèrent que les habitants adapteront leur mode de vie pour limiter leur exposition.
Pour relativiser cette limite de dose, une grande partie de la presse française a copié-collé une dépêche AFP qui explique qu’« une radio effectuée dans un hôpital délivre quelque 10 millisieverts, d’après l’Institut national des sciences radiologiques du Japon. » Voir ici par exemple. Ce chiffre est complètement farfelu : une radio dentaire, d’un bras, jambe… c’est mille fois moins. Pour l’abdomen, c’est moins de 1 mSv. Un scanner peut atteindre 10 mSv (Voir ce document IRSN-INVS).
Et puis ces doses médicales, qui ne sont inoffensives, viennent s’ajouter aux doses liées à la pollution. Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre.
Voir des photos prises par Greenpeace à Tamura.