De nombreux enfants originaires de Fukushima victimes de brimades au Japon

Suite à l’alerte d’une famille dont l’enfant avait été victime de brimades à l’école (ijimé), d’autres cas étaient apparus dans les médias. Le gouvernement a donc lancé une étude nationale entre décembre 2016 et mars 2017 et a reçu des réponses de 11 800 personnes déplacées. Il a ainsi trouvé 129 cas pendant l’année fiscale 2016 et 70 cas supplémentaires pour les années qui précèdent. Parmi eux, 13 cas sont clairement liés à la triple catastrophe. Il s’agit surtout d’enfants du primaire à qui l’on a dit de retourner à Fukushima ou que l’on a accusé d’être radioactifs. Il n’a pas de lien clair pour les autres cas.

Le ministère reconnait que des cas de brimades aient pu lui échapper, mais il n’a pas l’intention de poursuivre l’étude. Le ministre de l’éducation a appelé à plus de compassion envers les victimes de la catastrophe nucléaire.

Et la presse de citer quelques exemples de propos déplacés : “la centrale nucléaire a explosé à cause de personnes comme toi”, ou “ne t’approche pas car je ne veux pas être contaminé”.

Comme le note l’Asahi, des ministres de la reconstruction ou de l’environnement ont tenu des propos du même niveau par le passé.

Pour le ministre de la reconstruction les “auto-évacués” sont responsables de leur sort

Harcelé de questions à propos des “auto-évacués”, ou “évacués volontaires” qui viennent de perdre leur aide au logement, le ministre de la reconstruction, Masahiro Imamura, s’est mis en colère et a chassé un journaliste lors d’une conférence de presse : “sortez et ne revenez jamais”. Les japonisants peuvent regarder cette vidéo par exemple qui montre l’extrait de la conférence de presse du 4 avril dernier.

Au 31 mars, 26 000 “auto-évacués”, qui ont quitté leur domicile à cause de la pollution radioactive sans en avoir reçu l’ordre, ont perdu la seule aide qui leur restait, à savoir un logement gratuit. Durant la conférence de presse, le ministre a expliqué que les “auto-évacués” étaient responsables de leur décision quant à leur retour ou leur relogement. Et que si la politique gouvernementale ne leur plaisait pas, ils pouvaient porter plainte. Ils étaient beaucoup plus nombreux au début de la catastrophe nucléaire.

Le ministre s’est ensuite excusé de s’être emporté, mais a expliqué qu’il maintenait ses propos, qui étaient un “fait objectif”. C’est, en tout cas, conforme à la politique gouvernementale, pour qui la pollution est sans danger et qu’il n’y a que des “rumeurs néfastes”.

L’opposition a immédiatement demandé la démission du ministre de la reconstruction, qui veut rester à son poste. Des évacués sont en colère. Certains ont rappelé que la justice vient de condamner l’Etat et TEPCo pour négligences. Le lendemain de la conférence de presse, une vingtaine d’entre eux ont manifesté devant le ministère pour demander la démission du ministre.

Le premier ministre a maintenu son ministre de la reconstruction qui a dû s’excuser à nouveau : “je regrette d’avoir donné l’impression que les évacués sont responsables de leur retour alors qu’ils sont déplacés à cause de la catastrophe nucléaire et je présente mes excuses”. Le 7 avril, il a aussi dit regretter “l’incompréhension” et retirer sa remarque. Tout le monde avait bien compris ! Et dès le lendemain, le premier ministre Abe s’est rendu à Fukushima avec le ministre de la reconstruction pour lui affirmer son soutien. Il a dit soutenir la lutte de Fukushima contre les “rumeurs néfastes”… Son discours est toujours aussi creux car sa seule préoccupation, c’est la reconquête, par les populations.

Cet épisode montre, une fois de plus, le décalage entre la politique gouvernementale et les besoins des populations affectées par les retombées radioactives. Rappelons que la limite d’évacuation fixée par le gouvernement est la moins protectrice des recommandations internationale : 20 mSv/an correspond à la limite pour les travailleurs et elle est appliquée aux enfants les plus jeunes, qui sont plus sensibles aux radiations. Il est donc légitime que des familles n’acceptent pas cette politique et les enfants doivent être mieux protégés.

Ce même ministre s’était illustré, en janvier dernier, en comparant la reconquête des territoires contaminés à un marathon, ajoutant que 30 km avaient déjà été parcourus. Ces propos avaient déjà provoqué l’ire des élus locaux et des habitants car certains territoires n’ont même pas franchi la ligne de départ.

En mars, il a affirmé, sur une chaine de télévision qu’il était “facile de quitter sa maison et qu’il espérant que les évacués vont montrer leur volonté de rentrer et de rester”. Peu sont rentrés pour le moment.

Accident nucléaire à la centrale de Fukushima : le coût pourrait être trois fois plus élevé que l’estimation gouvernementale selon une étude

Les chiffres officiels relatifs au coût de la catastrophe ont été revus à la hausse en décembre 2016 pour atteindre 21 500 milliards de yens (175 milliards d’euros). Cela inclut le démantèlement des réacteurs de Fukushima daï-ichi, à hauteur de 8 000 milliards de yens (65 milliards d’euros), 7 900 milliards de yens (64 milliards d’euros) pour les indemnisations, près de 4 000 milliards de yens (32,5 milliards d’euros) pour la décontamination et 1 600 milliards de yens (13 milliards d’euros) pour le centre d’entreposage temporaire des déchets radioactifs. Pour en savoir plus.

Cette somme ne comprend pas le coût du stockage des déchets issus du démantèlement de la centrale accidentée ni la création d’un îlot décontaminé dans les zones dites « de retour difficile » dont le seul but est la non disparition des villages concernés.

La facture de la catastrophe nucléaire pourrait être de 50 000 à 70 000 milliards de yens (420 à 580 milliards d’euros), ce qui est 3 fois plus élevé que l’estimation gouvernementale, selon une étude du Japan Center for Economic Research.

En ce qui concerne les indemnisations, le cabinet d’étude privé a retenu le chiffre gouvernemental de 8 000 milliards de yens (67 milliards d’euros). Mais, pour la décontamination, il estime à 30 000 milliards de yens la facture (250 milliards d’euros), ce qui est 5 fois plus que les 6 000 milliards de yens (50 milliards d’euros) avancés par le gouvernement. Pour ce faire, l’étude a supposé que les déchets finiraient dans un centre de stockage situé à Rokkashô, dans la province d’Aomori. Le gouvernement, quant à lui, n’a pas pris en compte le coût du stockage définitif.

Pour le démantèlement complet de la centrale accidentée, le centre de recherche privé arrive à 11 000 milliards de yens (92 milliards d’euros) contre 8 000 milliards (67 milliards d’euros) pour le gouvernement. Le traitement de l’eau contaminée qui continue à s’accumuler pourrait s’élever à 20 000 milliards de yens (167 milliards d’euros), sauf si elle est rejetée en mer…

Rapport en japonais.

Levée des ordres d’évacuer : les victimes de la catastrophe nucléaire sont aussi victimes de l’arbitraire des autorités

Pour les autorités, l’année 2017 doit être l’année du grand retour, mais les populations concernées ne sont pas aussi enthousiastes. Là où l’ordre d’évacuer a été levé ces dernières années, le taux de retour est seulement de 14,5%. Cet ordre vient aussi d’être levé dans une partie des communes de Kawamata, Namié, Iitaté et Tomioka. 32 000 personnes dans 12 000 foyers sont concernées, mais, là encore, seulement un faible pourcentage rentrera.

Futaba et Ôkuma sont désormais les deux seules communes à être encore entièrement évacuées.

A Tomioka, où une allée de 2,2 km de cerisiers attirait 100 000 personnes par an pendant la floraison avant 2011, la mairie va l’illuminer sur 600 m entre 18 et 20 h pendant deux semaines à partir du 1er avril afin de faire revenir les touristes et les habitants. Un petit centre commercial de 6 000 m2 a aussi ouvert. Il abrite 6 commerces.

Il n’est pas sûr que toutes ces actions suffisent à faire revenir les 9 000 habitants concernés par la levée de l’ordre d’évacuation. Seulement 16% ont affirmé vouloir le faire.

C’est en 2015 que le gouvernement japonais a annoncé la levée de tous les ordres d’évacuation à la fin mars 2017, sauf dans les zones qualifiées de « retour difficile ». Le retour est espéré dans l’année qui suivra et l’indemnisation s’arrêtera en mars 2018. Pour les « auto-évacués », qui avaient quitté d’eux mêmes les zones contaminées, sans en recevoir l’ordre, c’est la fin des logements gratuits mis à leur disposition. Les autorités espèrent aussi leur retour à Fukushima. Il n’a pas demandé l’avis des personnes concernées.

La motivation gouvernementale est double : il y a, bien entendu, le coût des indemnisations, mais aussi une décision prise sans concertation de reconquête totale des territoires contaminés, quel qu’en soit le prix, pour des raisons idéologiques.

Ainsi, les autorités peuvent annoncer que les surfaces encore évacuées ne couvrent plus que 369 km2 et ont été réduites à 30% de leur surface initiale. Mais, c’est trompeur car seuls les environs immédiats des zones habitées ont été décontaminés. Toutes les forêts n’ont pas été décontaminées.

Le principal obstacle au retour est lié à la pollution radioactive. La limite de dose retenue pour le retour est la plus élevée des recommandations internationales et n’est pas acceptée par une partie de la population, surtout par les familles avec enfants. Et puis, il y a tous ces déchets radioactifs qui s’accumulent, dont la gestion semble sans fin et pour lesquels de nouveaux problèmes surgissent.

Pour les sols contaminés accumulés, le gouvernement envisage toujours le recyclage sous forme de fondations pour des routes, digues etc… Il va mettre en place une nouvelle organisation pour “obtenir l’assentiment du public”. C’est ainsi que les autorités conçoivent la concertation…

La centrale accidentée reste menaçante : en cas de nouveau séisme de magnitude élevée ou de tsunami, on ne peut pas exclure de nouveaux rejets radioactifs. Or, plusieurs communes n’ont toujours pas de plan d’évacuation alors que c’est obligatoire jusqu’à 30 km d’une centrale nucléaire : il s’agit d’Iitaté, Katsurao, Tamura, Ôkuma et Futaba. Pour ces deux dernières communes, l’ordre d’évacuer n’est pas levé. Les risques liés à la centrale accidentée sont pourtant une source de préoccupation.

Cette politique est une atteinte à la démocratie, comme l’explique le Maïnichi. Les décisions les plus importantes, comme la limite de dose tolérée pour le retour des populations, ont été prises à huis clos, sans la moindre consultation des personnes concernées. Cette limite introduit pourtant une discrimination vis à vis du reste de la population qui bénéficie d’une limite plus protectrice. Il en est de même pour le seuil de contamination de 8 000 Bq/kg fixé pour recycler les déchets de la décontamination. Ailleurs dans le pays, c’est 100 Bq/kg.

Un retour à la normale est impossible après un accident nucléaire de grande ampleur comme ceux de Kychtym, Tchernobyl et de Fukushima. Les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays enjoignent les autorités à associer pleinement ces personnes à la planification et à la gestion de leur retour et de leur réinstallation. Mais au Japon, cette participation est réduite à des « réunions d’explication » (seitsumeikai) à huis clos, sans la présence de médias, d’associations, ou d’experts, laissant ainsi les populations désarmées. Il ne respecte pas non plus le cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe adopté lors de la troisième Conférence mondiale de l’ONU tenue à Sendai au Japon le 18 mars 2015.

Les populations évacuées et celles qui sont restées dans les territoires contaminées sont victimes de la catastrophe nucléaire. Elles sont maintenant aussi victimes de l’arbitraire des autorités.