En 2015, le gouvernement japonais a annoncé la levée de tous les ordres d’évacuation à la fin mars 2017, sauf dans les zones qualifiées de “retour difficile”. Le retour est espéré dans l’année qui suivra et l’indemnisation s’arrêtera en mars 2018. Pour les “auto-évacués”, qui avaient quitté d’eux mêmes les zones contaminées, sans en recevoir l’ordre, ce sera la fin des logements gratuits mis à leur disposition. Les autorités espèrent aussi leur retour à Fukushima.
La motivation gouvernementale est double : il y a, bien entendu, le coût des indemnisations, mais aussi une décision prise sans concertation de reconquête totale des territoires contaminés, quel qu’en soit le prix, pour des raisons idéologiques.
La date approche et 2017 va être une année difficile pour toutes ces personnes concernées. Là où les ordres d’évacuer ont déjà été levés, le taux de retour reste faible (voir notre synthèse de mars 2016). Cela montre l’inadéquation de la politique gouvernementale par rapport aux attentes d’une bonne partie de la population (la dernière carte des zones d’évacuation est dans ce document, page 6). Selon le correspondant de l’Asahi à Iwaki, cette politique conduit les personnes concernées à se sentir “petites”. C’est leur dignité qui est en jeu.
Devant les instances internationales, le Japon promeut l’implication des parties prenantes, mais ne l’applique pas chez lui : le cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe adopté lors de la troisième Conférence mondiale de l’ONU tenue à Sendai au Japon le 18 mars 2015, rappelle qu’“il est essentiel de permettre aux femmes et aux personnes handicapées de jouer publiquement un rôle de chef de file et de promouvoir des activités d’intervention, de relèvement, de remise en état et de reconstruction soucieuses de l’équité du traitement des hommes et des femmes et accessibles à tous.” On en est loin au Japon.
Comme l’accident est loin d’être terminé, une partie des populations concernées ne souhaite pas rentrer et fait de la résistance. Certaines familles, séparées, n’ont pas les moyens de payer un deuxième loyer loin de chez elles. Des fonctionnaires font donc du porte à porte pour leur expliquer qu’elles doivent libérer leur logement avant la fin mars. Ils téléphonent souvent. Selon des témoignages recueillis par le député Yamamoto et traduits en français par Nos Voisins lointain 3.11, cela s’apparente à du harcèlement.
Pour certaines familles, le retour signifiera un nouveau déplacement et une nouvelle déchirure : les enfants se sont intégrés dans leur nouvelle école, les parents ont retrouvé du travail, même précaire… Dans certains hameaux isolés, la vie ne sera pas possible si les voisins ne rentrent pas aussi. Tous savent que la vie dans leur lieu d’origine ne sera jamais comme avant. Même la partie de Minami-Sôma, qui n’a pas été évacuée durablement, est transformée depuis l’accident. C’est le cas aussi à Iwaki.
Selon le Fukushima Minpo, la province de Fukushima va donner la priorité aux personnes issues des zones où l’ordre d’évacuer a été levé pour les logements publics. A Fukushima, les logements gratuits du parc régional seront disponibles jusqu’en mars 2018 pour les personnes originaires des zones évacuées. Par pour les “auto-évacués”. Toujours selon ce même quotidien régional, la commune de Naraha, où seulement 10% de la population était rentrée un an après la levée de l’ordre d’évacuer, ne veut pas prolonger ce soutien.
Les zones de retour sont loin d’être accueillantes. Le principal problème est lié à la pollution radioactive. La limite de dose retenue pour le retour est la plus élevée des recommandations internationales et n’est pas acceptée par une partie de la population, surtout par les familles avec enfants. La dernière carte officielle de la contamination effectuée par hélicoptère a un an. Les dernières données de l’Autorité de régulation nucléaire sont plus récentes. Pour les zones situées à moins de 20 km de la centrale accidentée, c’est ici. Et puis, il y a tous ces déchets radioactifs qui s’accumulent, dont la gestion semble sans fin et pour lesquels de nouveaux problèmes surgissent.
L’année 2017 s’annonce donc très difficile pour les personnes déplacées de la catastrophe nucléaire.