Le gel des sous-sols progresse, selon TEPCo

TEPCo a commencé à geler une partie des sous-sols autour des réacteurs accidentés le 31 mars dernier, dans le but de réduire les infiltrations d’eau souterraine. Cela devrait prendre 8 mois, mais la compagnie communique déjà pour dire que tout se passe bien. Elle a organisé une visite pour les médias le 4 avril dernier et vient de mettre en ligne quelques photos où l’on voit de la glace.

Nouvelles du parc nucléaire japonais

• A Hamaoka, le mur anti-tsunami est terminé. Il culmine à 22 m au dessus du niveau de la mer et fait 1,6 km de long. Les travaux ont commencé en novembre 2011. La centrale est à proximité de failles sous-marines connues pour être actives.

Rappelons qu’en mai 2011, le premier ministre avait ordonné l’arrêt de cette centrale. L’exploitant, Chûbu Electric, espère pouvoir relancer les réacteurs n°3 et 4 et a déjà dépensé près de 400 milliards de yens (3,2 milliards d’euros) pour améliorer la sûreté.

• Les exploitants du nucléaire de l’Ouest du Japon veulent coopérer pour faire face à la dérégulation du marché de l’électricité. Les investissements pour renforcer la sûreté rend leur électricité peu compétitive. Les investissements nécessaires sont de l’ordre de 100 milliards de yens (un milliard d’euros) par réacteur. Kansaï, Kyûshû, Chûgoku et Shikoku Electric espèrent signer un accord de coopération avant la fin du mois. Certains équipements de secours en cas d’accident, comme des générateurs mobiles, seraient mutualisées. Les compagnies veulent aussi coopérer sur le démantèlement alors qu’elles ont déjà décidé la mise à l’arrêt définitif de 5 réacteurs (les n°1 et 2 de Mihama, le n°1 d’Ikata, le n°1 de Shimané et le n°1 de Genkaï).

• Les dernières inspections viennent de démarrer à la centrale d’Ikata dans la province d’Ehimé où Shikoku veut redémarrer le réacteur n°3 dont le dossier de sûreté avait été jugé recevable en juillet 2015. Elles devraient durer 4 mois et demi si tout va bien. L’exploitant espère redémarrer le réacteur en juillet 2016 en utilisant du combustible MOx. Ce sera alors le troisième réacteur à redémarrer, après l’arrêt de la centrale de Takahama par la justice.

• La cour d’appel de Fukuoka confirme le rejet de la demande de citoyens d’arrêter les réacteurs en activité à la centrale de Sendaï (Kagoshima). Elle a estimé que l’avis de l’Autorité de Régulation Nucléaire, la NRA, concernant la tenue sismique était rationnel. Un premier tribunal, à Kagoshima, avait déjà débouté ces plaignants en avril 2015 et ils avaient fait appel. Ils pourraient, cette fois-ci, saisir la cour suprême.

L’enjeu concerne la présence de volcans actifs à quelques dizaines de kilomètres, dont le Sakurajima, à 50 km. La cour a jugé “irrationnelle” l’évaluation du risque volcanique faite par la NRA, car les volcans imprévisibles. Mais, il n’y a pas de raison de penser qu’une éruption qui met en danger la centrale ait lieu quand elle est en activité. Et de conclure que c’est aux politiques de définir le risque acceptable.

Les plaignants ont aussi mis en avant la mauvaise préparation à l’accident, mais la cour a jugé que les plans d’urgence avaient été validés par la commission ad-hoc.

Cette centrale est la seule à produire de l’électricité au Japon. Il y a un mois, un autre tribunal avait ordonné l’arrêt de la centrale de Takahama.

Et vogue le plutonium

331 kg de plutonium voguent, depuis le 22 mars dernier, vers les Etats-Unis. Mais la gouverneuse de Caroline du Sud, où il y a le site de Savannah River supposé accueillir le matériau proliférant, a écrit au secrétaire d’Etat à l’énergie pour lui dire qu’elle n’en voulait pas, de peur que le site devienne un centre de stockage.

Il a donc été finalement décidé de le stocker dans le Nouveau Mexique, dans le site de stockage souterrain Waste Isolation Pilot Plant (WIPP), à 660 m de profondeur. Avant, il sera dilué sur le site de Savannah River dans un matériau inerte.

Il y a aussi de l’uranium très enrichi au Japon, plusieurs centaines de kilogrammes, qui pausent des problèmes de prolifération. Il sera envoyé aux Etats-Unis pour être mélangé à de l’uranium de façon à réduire l’enrichissement. Il sera ensuite utilisé en réacteurs. L’opération aura lieu sur le site d’Oak Ridge dans le Tennessee.

Plans d’urgence nucléaire en France : forces et faiblesses

Etude pour l’ANCCLI

Résumé

En France, les plans d’urgence nucléaire sont définis dans tout un corpus de textes locaux, nationaux, voire européens. Ils n’ont jamais été discutés avec les personnes concernées ou avec les parties prenantes, malgré les recommandations en ce sens de la Commission internationale de protection radiologique. Certains Plans Particuliers d’Intervention (PPI) locaux ne sont même pas disponibles en ligne. En cas d’accident nucléaire grave, les populations riveraines ne connaissent pas les mesures de protection prévues et ne réagiront probablement pas comme attendu. L’approche « top-down » utilisée à ce jour doit donc évoluer et les populations locales et les organisations de la société civile intéressées devraient être impliquées dans le développement et la planification des plans d’urgence.

Les mesures de protection prévues sont les mêmes dans tous les pays. En revanche, l’étendue de la zone géographique où elles seront appliquées dépend de la gravité de l’accident. Les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima ont montré que les accidents les plus graves peuvent avoir des conséquences bien au-delà des périmètres de protection prévus en France. Les leçons de la catastrophe de Tchernobyl n’ont pas été tirées. Il ne faudrait pas passer à côté de celles de Fukushima daï-ichi. Par conséquent, l’Association Nationale des Comités et Commissions Locales d’Information (ANCCLI) réclame une révision en profondeur des périmètres des Plans Particuliers d’Intervention des Installations Nucléaires de Base et suggère même une extension des plans d’urgence à un rayon de 80 km. Elle considère, à la lumière de la catastrophe de Fukushima, qu’avec un rayon de 10 km, les plans actuels de secours sont inadaptés ; l’ANCCLI propose d’avoir une réflexion à l’échelle du bassin de vie de la population autour de chaque installation nucléaire.

Au niveau européen, le groupe de travail AtLHET sur l’urgence nucléaire, mis en place par les autorités de sûreté et les autorités compétentes en radioprotection, a conclu que l’évacuation doit être préparée jusqu’à 5 km et la prophylaxie à l’iode et la mise à l’abri jusqu’à 20 km. Il recommande aussi qu’une stratégie soit mise en place pour évacuer jusqu’à 20 km et mettre à l’abri et protéger la thyroïde jusqu’à 100 km. De telles distances peuvent impliquer un nombre d’habitants beaucoup plus élevé qu’autour des centrales de Tchernobyl et de Fukushima : il y a plus d’un million d’habitants dans un rayon de 30 km autour des centrales de Fessenheim et du Bugey.

Les mesures de protection prévues sont, dans l’ordre chronologique, la mise à l’abri, la prophylaxie à l’iode et, éventuellement l’évacuation. Puis, des mesures de restriction de consommation d’aliments peuvent être mises en place. Toutes ces mesures nécessitent une bonne coordination et une bonne information des personnes concernées qui peuvent dans un pays voisin.

En France, la mise à l’abri est d’une durée beaucoup plus courte que ce qui est recommandé au niveau international, ce qui est positif. En revanche, le seuil de déclenchement est plus élevé que ce qui est prévu dans d’autres pays comme la Belgique ou le Canada.

Pour être efficace, la protection de la thyroïde, une glande particulièrement sensible en cas de rejets d’iode radioactif, nécessite la pré-distribution de comprimés d’iode stable. C’est le cas en France, mais seulement dans un rayon de 10 km autour des installations nucléaires, alors que c’est 20 km en Belgique et 50 km en Suisse. Il y a urgence à appliquer ce que les autorités ont admis au niveau européen : la France doit étendre la pré-distribution d’iode stable jusqu’à 50 km au moins afin de pouvoir protéger plus efficacement sa population en cas d’accident grave. Au-delà, les plans de distribution de l’iode en situation d’urgence doivent être évalués et testés. En ce qui concerne le seuil d’intervention, la France devrait introduire un niveau plus protecteur pour les enfants et les femmes enceintes, conformément aux recommandations de l’OMS.

En cas de rejets prolongés, il est impératif que les populations concernées soient informées au préalable de la politique en matière d’administration multiple d’iode stable, sans que cela vienne se substituer à d’autres mesures de protection.

L’évacuation représente la mesure de protection la plus complexe, car elle nécessite une bonne coordination entre les différents acteurs, la transmission d’informations pertinentes au public et la mise en place d’une logistique lourde. Celle-ci doit souvent être décidée en tout début de crise lorsque la situation dans la centrale peut être encore incertaine.

L’évacuation est aussi la mesure de protection des populations la plus lourde de conséquences car elle peut conduire à la réinstallation avec perte totale du logement, de l’emploi et de tous les biens en cas de catastrophe majeure, comme cela a été le cas autour des centrales de Tchernobyl ou Fukushima, avec une rupture du lien social entre personnes proches, voire même à l’intérieur d’une même famille. Il s’agit d’une décision difficile à prendre, qui aura aussi des conséquences économiques à long terme pour tout le pays.

En France, les PPI ne prévoient l’évacuation que jusqu’à 5 km alors que le rapport européen AtHLET préconise qu’« une stratégie générale doit être définie afin d’être en mesure d’étendre l’évacuation sur un rayon allant jusqu’à 20 km ». La France doit donc étudier sérieusement l’évacuation de populations sur des distances allant bien au-delà de ce qui est prévu dans les PPI actuels. Quant aux capacités d’accueil, elles ne semblent pas bien évaluées et l’on ne sait pas si elles répondent aux besoins.

L’évacuation des personnes vulnérables, en particulier les malades alités dans les hôpitaux, est probablement l’aspect le plus dramatique de la phase d’urgence de la catastrophe nucléaire au Japon. Les personnes qui ont besoin de soins spéciaux sont aussi en danger en cas d’évacuation. Les plans d’urgence français ne proposent pas une réponse appropriée à ce danger. La France doit donc engager une réflexion profonde sur la prise en charge des personnes vulnérables en cas d’accident nucléaire. Ce travail doit être mené avec les acteurs locaux et peut conduire à un recensement dans les plans d’urgence du nombre d’hôpitaux et des capacités d’accueil dans un rayon de 30 à 80 km autour de l’installation nucléaire.

Contrairement à ce qui est exigé en Amérique du Nord, aucune estimation des temps d’évacuation autour des installations nucléaires n’a été effectuée en France. De telles estimations doivent donc être effectuées, rendues publiques et expliquées aux riverains des installations nucléaires. Ces évaluations doivent prendre en compte les évacuations spontanées.

A moyen et long terme, la réduction de l’exposition interne des populations nécessite la mise en place de restrictions de consommation pour la nourriture et la boisson. La doctrine française basée sur une interdiction préalable, le temps de faire des contrôles, est la bienvenue. En revanche, les Niveaux Maximum Admissibles (NMA) définis au niveau européen sont beaucoup plus élevés que ceux qui ont été fixés au Japon après la catastrophe de Fukushima. Après ce précédent, il est peu probable que les consommateurs européens acceptent les limites retenues par l’UE. A l’instar de ce qui s’est passé au Japon, ils adopteront leurs propres limites en se donnant les moyens de contrôler la nourriture. Les NMA fixés par les autorités doivent être clairement justifiés afin d’aider les citoyens à adapter leur régime. Il importe aussi de faciliter l’accès à la mesure et au contrôle, aussi bien pour les producteurs, que pour les consommateurs.

Toutes ces mesures de protection nécessitent de pouvoir alerter et transmettre les informations pertinentes aux personnes concernées pendant une situation de crise où les moyens de communication peuvent être très perturbés. Pour cela, les dernières technologies de l’information ne sont pas toujours prises en compte. Autour de Valduc, le minitel est toujours conseillé !

Le rôle de chacun des acteurs impliqués dans la gestion de la crise en termes de communication est bien clarifié dans le Plan national. En revanche, les CLIs ne semblent pas associées, pas plus que les experts non institutionnels qui seront sollicités par les médias. La pluralité de l’information est à la base de la démocratie, même en période de crise. De plus, la communication et l’information en période de crise devrait être évaluée, comme le reste. Tester les moyens de communication est indispensable. La compréhension des messages aussi.

Il existe de fortes disparités de part et d’autre des frontières européennes, reconnues par tous. Il importe de renforcer la coopération transfrontalière afin d’aller vers une harmonisation des pratiques en prenant en compte les mesures les plus protectrices.

En conclusion, la France devrait étendre les zones d’application de ses plans d’urgence, développer leur évaluation, associer les parties prenantes et la population aux exercices de crise et organiser une consultation régulière du public sur ces enjeux.

 

Témoignage de l’ancien directeur de Fukushima daï-ichi : nouvel opus en français

Masao Yoshida, le directeur de la centrale de Fukushima daï-ichi en mars 2011, maintenant décédé, est forcément un témoin clé de l’accident. Son témoignage recueilli par la commission d’enquête gouvernementale est donc précieux. Il a fallu de nombreuses polémiques pour que les autorités acceptent de le publier.

L’Ecole des Mines a entrepris la traduction en français. Le volume 2 va paraître en mai 2016.

174 travailleurs qui avaient dépassé la limite de dose vont pouvoir revenir

Depuis le 16 décembre 2011, la limite de dose pour les travailleurs est redevenue normale : 100 mSv sur 5 ans et 50 mSv par an, sauf pour quelques personnes indispensables.

Selon l’agence Kyodo, reprise par le Japan Times, 150 travailleurs employés de TEPCo et 24 de sous-traitants qui ont dépassé cette limite vont pouvoir revenir travailler à la centrale accidentée puisque 5 années se sont écoulées. Parmi eux, 129 sont toujours employés de TEPCo, mais sur d’autres sites.

La compagnie, qui manque de main d’œuvre qualifiée, espère leur retour, mais affirme qu’elle ne va pas les y pousser. Ceux qui retourneraient auront une limite sur la vie fixée à 1 000 mSv par TEPCo. C’est élevé, sachant que l’UNSCEAR, considère qu’au-dessus de 200 mSv, ce n’est plus le régime des faibles doses.

Ouverture complète du marché de l’électricité au Japon

Depuis le 1er avril 2016, le marché de l’électricité est complètement ouvert au Japon. Les particuliers peuvent aussi choisir leur fournisseur. La guerre des offres fait rage. Plus de 260 compagnies se sont positionnées, dont des opérateurs de téléphonie, une agence de voyage et de nouvelles entités. Les clients sont déboussolés face à la profusion d’offres difficilement comparables. Certaines incluent d’autres services, comme le téléphone ou le gaz.

Il s’agit d’un défi énorme pour les nouveaux entrants car la demande est en baisse et pour les opérateurs historiques qui vont voir leurs parts de marché rognées alors que leurs réacteurs nucléaires leur coûtent très cher et ne produisent rien, sauf pour deux d’entre eux. Les nouveaux entrants proposent une offre sans nucléaire.

Le plus grand opérateur historique est TEPCo. C’est cette compagnie qui a donc le plus à perdre. Kansai Electric est la compagnie la plus dépendante du nucléaire, à 40%, et tous ses réacteurs sont à l’arrêt, dont deux de Takahama suite à une décision de justice.

Pour le moment, les opérateurs historiques tiennent toujours le réseau électrique, mais ils devront s’en séparer en 2020.