Archives mensuelles : mars 2015
Pendant les commémorations les fuites continuent
Rapports à l’occasion du quatrième anniversaire
Greenpeace International a publié deux rapports :
-
Japan’s nuclear crisis, février 2015
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Fukushima Impact, février 2015
La Citizens’ Commission on Nuclear Energy (CCNE) du Japon a publié :
L’IRSN a mis en ligne une série de notes accessibles ici :
- Points sur l’état des installations à la centrale de Fukushima Daiichi en 2015
- Impact environnemental en 2015 de l’accident de Fukushima Daiichi
- Impact sur la santé en 2015 de l’accident de Fukushima Daiichi
- Accident de Fukushima : Décontamination et gestion des déchets en 2015
Rapport de Green Cross International :
Rapport d’un consortium d’associations réunies dans “Fukushima lessons” :
- 10 Lessons from Fukushima: Reducing risks and protecting communities from nuclear disasters (disponible en plusieurs langues)
Le blog SimplyInfo a traduit en anglais le témoignage de l’ancien premier ministre :
Chiffres clé après quatre ans
Avec l’approche du passage à la cinquième année de la catastrophe, les premiers bilans apparaissent dans la presse. Voici quelques chiffres clé qui viennent compléter le bilan que nous avons fait à l’occasion du quatrième anniversaire.
Population
Le nombre total de décès liés à la catastrophe naturelle est officiellement de 15 891 dans 12 provinces. Le nombre de disparus est de 2 584. La police n’arrive toujours pas à identifier 83 corps retrouvés après la triple catastrophe. Les corps ont été incinérés et il ne reste que des photos et des effets personnels pour espérer y arriver. Sur les 15 807 corps identifiés, 15 737 étaient dans les trois provinces les plus touchées, Iwaté, Miyagi et Fukushima. 56% des victimes avaient plus de 65 ans et 90% des décès sont attribués à la noyade.
Au moins 3 226 survivants de la triple catastrophe sont décédés par la suite à cause de l’évacuation d’urgence, des conditions de vie difficile, du manque de soins… Ce chiffre inclut aussi les suicides. Le décès est reconnu comme lié à la catastrophe par une commission composée de médecins, juristes et d’autres experts. Les familles reçoivent alors 5 millions de yens si la personne décédée était la principale source de revenu et la moitié autrement.
Parmi ces décès supplémentaires, 1 867 concernent la province de Fukushima. C’est plus que le nombre direct de décès dus aux séisme et tsunami qui est de 1 603. C’est à Minami-Sôma qu’il y en a eu le plus, avec 469 décès supplémentaires, puis Namié, avec 342, Tomioka, 291, Iwaki, 130… A titre de comparaison, le nombre de décès post-catastrophe est de 450 dans la province d’Iwaté et de 909 dans celle de Miyagi.
Certaines familles se sont vues refuser ce statut de décès post-catastrophe et ont fait appel. Le Fukushima Minpo a recensé 46 demandes de réévaluation du dossier. Il n’y a pas de règles claires pour trancher.
Le nombre de personnes déplacées dans ces trois provinces est officiellement de 229 000. C’est 38 000 de moins que l’année précédente. 82 000 vivent encore dans des logements préfabriqués, peu confortables et 56 000 en dehors de ces provinces, réparties dans tout le pays.
Il y a officiellement 120 000 personnes évacuées à Fukushima suite à la catastrophe nucléaire. Parmi elles, 79 000 ont été forcées à partir et les autres sont des déplacés « volontaires ». 46 000 déplacés vivent en dehors de Fukushima, dans toutes les provinces du Japon. De plus en plus de personnes déplacées refont leur vie là où elles sont maintenant.
La population de la province de Fukushima a décru de 90 000 personnes depuis 2010 pour passer sous la barre des 2 millions au total. Les autorités locales ont investi dans la construction d’habitations pour favoriser le retour des habitants dans la province, mais avec l’afflux de travailleurs, le marché du logement reste tendu.
D’après un sondage effectué par le Asahi, 61% des personnes déplacées par la triple catastrophe vivent dans des logements temporaires (préfabriqués, logements mis à disposition par les communes, dans de la famille ou chez des amis…). C’est 59% à Iwaté, 58% à Miyagi et 66% à Fukushima. C’était 87% en 2013 et 76% en 2014.
Seulement 467 habitations préfabriquées sur environ 53 000 ont été enlevées dans les trois provinces les plus touchées par la triple catastrophe, Iwaté (120), Miyagi (154) et Fukushima (193). Mais 26% seraient inoccupées. Les personnes vulnérables qui restent se font du souci en cas de problème. Qui appeler ? Après le séisme de Kôbé en 1995, 32% des habitations préfabriquées avaient été enlevées dans les 4 ans qui ont suivi. Elles avaient toutes été enlevées au bout de 5 ans et 2 mois. Dans le Tôhoku, 46% des habitations préfabriquées sont sur des terrains privés et, parfois, le bail arrive à échéance à la fin du mois.
L’ordre d’évacuer le district de Miyakoji à Tamura a été levé en avril 2014. Fin novembre 2014, seulement 39% de la population concernée était rentrée (133 personnes sur 340 encore enregistrées ; il y avait 380 personnes enregistrées avant le 11 mars 2011, ce qui fait un taux de retour de 35%). L’ordre d’évacuer la partie Est du village de Kawauchi a été levé en octobre dernier et, au 1er janvier, seulement 10,5% de la population concernée était rentrée (29 sur 275 personnes enregistrées). Dans la toute la commune de Kawauchi, il y a 2 739 enregistrées et 1 581 qui y vivent, soit 57,7%.
50 familles sont rentrées dans la partie Est de Miyakoji située à moins de 20 km de la centrale, selon le Yomiuri, mais des membres de 20 de ces familles ne sont pas rentrés.
Impact économique
Le nombre de faillites après la triple catastrophe de mars 2011 s’élève à 1 726 selon Teikoku Databank Ltd. Le passif laissé s’élève à 1 560 milliards de yens (11,6 milliards d’euros). Parmi ces faillites, 180 seraient dues à la catastrophe nucléaire.
Les entreprises des zones évacuées à cause de la catastrophe nucléaire ont déjà reçu 458,1 milliards de yens (3,44 milliards d’euros) d’indemnisations entre mars 2011 et janvier 2015. Pour les compagnies qui ne sont pas dans les zones évacuées, mais qui ont été touchées par les « rumeurs néfastes », cela s’élève à 1 300 milliards de yens (10 milliards d’euros) pendant la même période. Il s’agit surtout d’entreprises liées au tourisme, ainsi que l’agriculture, la pêche et l’industrie forestière. Enfin, l’indemnisation des particuliers a déjà coûté 4 710 milliards de yens (35,4 milliards d’euros) à TEPCo. Tout cet argent est avancé par l’Etat sans intérêt.
La décontamination devrait coûter 2 500 milliards de yens (20 milliards d’euros) au gouvernement qui compte se rembourser en vendant ses actions TEPCo. Une action vaut 471 yens. Il faudrait qu’elle monte à 1 000 yens pour pouvoir couvrir le coût de la décontamination. Le gouvernement a donc intérêt à ce que TEPCo redémarre au plus vite sa centrale de Kashiwazaki-Kariwa. C’est loin d’être acquis.
Plus de 60% de l’argent dédié à la reconstruction du Tôhoku n’ont pas été utilisés.
A la centrale de Fukushima daï-ichi
Fukuleaks a mis un plan mis à jour du site de la centrale de Fukushima daï-ichi.
Les capacités de stockage de l’eau devraient atteindre 800 000 m3 à la fin du mois.
Fin janvier 2015, TEPCo a accumulé 258 300 m3 de déchets radioactifs sur le site de la centrale de Fukushima daï-ichi. Cela se décompose en 178 600 m3 de débris liés au tsunami, déchets de bois dus aux travaux de construction, habits de protection… et 79 700 m3 de bois des forêts rasées pour mettre les cuves. La compagnie et le gouvernement devraient proposer un plan de gestion en 2017. Evidemment, ce n’est qu’une partie de l’inventaire déchets puisque la décontamination de l’eau en produit aussi chaque jour et que les 6 réacteurs doivent finir en déchets.
Photos et vidéo
Et pour vous changer des chiffres, des photos impressionnantes de la zone évacuée. Vous pouvez aussi consulter les photos Reuters pour le 4ième anniversaire.
Il y a aussi une vidéo en japonais de la centrale de Fukushima daï-ichi prise le 26 février 2015 par jiji press.
Le nucléaire, l’énergie d’un avenir radieux
Plus de 30 000 bénévoles ont participé à la décontamination des zones évacuées
Selon le Maïnichi, plus de 30 000 bénévoles ont participé gratuitement aux travaux de décontamination dans les zones évacuées. Rappelons que ce sont les mairies qui ont la charge de la décontamination dans les zones non-évacuées, avec un soutien financier, et que c’est le gouvernement qui a la responsabilité des zones évacuées où il a chargé des majors du BTP de faire le travail. Les personnes engagées, généralement par des sous-traitants, sont supposées recevoir une prime de risque liée à l’exposition à la radioactivité, même si plusieurs scandales ont montré que ce n’était pas toujours le cas.
Dans les communes non évacuées, la participation des bénévoles est commune. Des parents d’élève ont nettoyé les écoles, des associations de quartier, des parcs ou caniveaux… En revanche, la participation des bénévoles dans les zones évacuées est peu documentée.
Le quotidien cite, par exemple, l’association Minami-Sôma volunteer katsudo center qui est intervenue dans le district d’Odaka situé à moins de 20 km de la centrale où seulement 7% des habitations ont été décontaminées par le gouvernement. L’association a recensé 4 500 interventions par 32 000 personnes, qui ont consisté à couper des herbes ou des arbres, nettoyer la boue dans les fossés…
La dose liée à l’exposition à la radioactivité doit être contrôlée et enregistrée lors des chantiers officiels. Mais ce n’est pas le cas avec le travail bénévole engagé par l’association. Cette dernière fait des mesures avant le chantier et fournit un dosimètre si la contamination est élevée.
Une autre association, Soso Volunteer, compte environ 130 membres a effectué une cinquantaine d’interventions, dont une trentaine en zone évacuée. Environ 200 bénévole du groupe Skilled Veteran Corps a effectué des mesures de débit de dose dans la ville évacuée de Naraha.
Selon le ministère du travail, la limite de dose des travailleurs ne peut pas s’appliquer aux bénévoles, ni les primes de risque. Quant au ministère de l’environnement, il a déclaré ne pas être au courant du travail bénévole effectué dans le district d’Odaka.
Evolution de la contamination en strontium dans l’alimentation
Une publication scientifique en libre accès tente de dresser un bilan de l’évolution de la contamination radioactive de l’alimentation au Japon après la catastrophe de Fukushima.
Il convient de rappeler que le transfert de la pollution radioactive via les feuilles est beaucoup plus élevé que via les racines. Ainsi, la première année, la contamination de l’alimentation directement exposée aux retombées est plus élevée que les années suivantes. Cela explique, par exemple, que le thé ait été contaminé la première année à des niveaux significatifs à grande distance de la centrale. Ce n’est plus le cas maintenant. Les rejets massifs au Japon ont eu lieu à une saison où il y a très peu de feuilles, ce qui a limité l’impact pour la première année. La quantité d’aliments dépassant les normes aurait été beaucoup plus élevée si l’accident avait eu lieu en juin par exemple.
Par ailleurs, l’agriculture a été stoppée dans les zones les plus contaminées qui ont été évacuées. Même dans les zones non-évacuées, des agriculteurs ont parfois stoppé certaines pratiques comme la culture du riz ou la récolte des plantes sauvages particulièrement contaminées, comme nous l’avons déjà mentionné. Enfin, il est important de souligner que très rapidement, suite à la crise de confiance, tout le monde s’est mis à contrôler la nourriture, des consommateurs aux producteurs, en passant par les vendeurs ou les cantines (voir, par exemple, la base de données citoyenne mise en place sur la contamination de l’alimentation). Cela a conduit les producteurs à être plus précautionneux. La situation s’est donc rapidement améliorée.
Revenons à l’article qui se base sur les données officielles de la contamination de l’alimentation fournies par les autorités. Sans surprise, il observe une baisse rapide de la contamination de l’alimentation produite à l’exception de quelques produits comme les champignons qui sont des pompes à césium (en Europe, après Tchernobyl, ils restent contaminés comme on peut l’observer grâce à notre campagne).
En revanche, l’article est intéressant pour son analyse de la contamination en strontium-90, particulièrement radiotoxique et plus complexe à mesurer. Il y a donc très peu de données. Les autorités ont donc admis que la concentration en strontium est inférieure à un dixième de celle en césium-137, qui lui, est facile à mesurer. Après avril 2012, elles ont admis que le ratio strontium-90 sur césium-137 était inférieur à 0,3%. Mais l’article note que ces hypothèses ne sont pas correctes. Le ratio est toujours supérieur à 0,3% et dépasse souvent 10%. De plus, il augmente avec le temps. Cela signifie que les autorités devront revoir leur politique de surveillance alimentaire.
Actuellement, en consommant uniquement de l’alimentation contaminée à la limite pour le césium qui est de 100 Bq/kg et en appliquant le ratio de 10% pour le strontium-90 qui conduit à une concentration de 10 Bq/kg, on arrive à une dose annuelle liée à l’ingestion de 1 mSv, selon l’article. Cependant, comme le ratio est plus élevé et a tendance à augmenter, cette limite de dose pourrait être dépassée en maintenant la même limite pour le césium.
L’article prend comme exemple une alimentation entièrement contaminée à 23 Bq/kg en césium-137 et un ratio strontium-90/césium-137 de 2. Cela conduit à une dose annuelle de 1 mSv associée à l’ingestion d’aliments. Et donc, en prenant 43 Bq/kg pour le césium-137, qui correspond à la moitié de la limite actuelle, on pourrait atteindre une dose de 2 mSv/an. Avant Fukushima, les données sur la contamination de l’alimentation due aux essais nucléaires atmosphériques montrent des ratios supérieurs à 10. Cependant, l’évolution du ratio reste lente. Il faudrait des données post-Fukushima au Japon pour connaître le ratio initial et étudier son évolution.
Rappelons que ces deux radioéléments ont la même période radioactive et que l’évolution temporelle du ratio est donc due à leur comportement dans l’environnement.
A titre d’illustration, on peut consulter le dernier rapport de l’Agence de la pêche au Japon à propos des contrôles. Il annonce que 66 500 analyses ont été effectuées depuis le début de la catastrophe, sur 400 espèces. Mais il n’y a eu que 67 analyses de strontium.
Dans l’eau de mer, le ratio entre la contamination en strontium et en césium n’est pas si faible si l’on en croit des dernières données officielles mises en ligne (prélèvements de décembre 2014 et de janvier 2015).
Manifestations anti-nucléaire au Japon
Encore une fuite potentielle !
Face à ces problèmes à répétition sur l’eau, la compagnie a décidé d’améliorer… sa communication ! Après le scandale provoqué par le fait qu’elle ait caché une fuite pendant presque un an, les protestations n’en finissent pas. Après les pêcheurs et les élus locaux, c’est la commission chargée de superviser les réformes internes qui critique son attitude. TEPCo s’est engagée à publier rapidement toutes données qui pourraient affecter l’environnement de la centrale. Le détail de sa nouvelle politique sera annoncé le 30 mars prochain. Voir son communiqué de presse en anglais.
Le dernier bilan sur l’eau contaminée accumulée est ici en anglais.
Quel retour à Naraha ?
Environ 7 500 personnes ont dû quitter Naraha qui est située à moins de 20 km de la centrale de Fukushima daï-ichi. La mairie espère une levée de l’ordre d’évacuation au printemps prochain et il est possible d’y aller pendant la journée, pas d’y rester la nuit. Outre les travaux de décontamination, environ 700 bâtiments doivent être démolis et 1 100 reconstruits. Mais, à cause du manque de main d’œuvre, seulement 113 bâtiments ont été démolis. Les premiers chantiers de construction viennent à peine de commencer. Lors d’une réunion publique avec les habitants, nombre d’entre eux étaient sceptiques quant à la levée prochaine de l’ordre d’évacuation. Certains voulaient plus de décontamination, d’autres des emplois.
