Les révélations du Asahi de la veille continuent à faire des vagues. Le quotidien se demande comment l’on pourra tirer les leçons de la catastrophe si l’on ne dit pas la vérité. Dans un éditorial, il se demande s’il y aura encore des volontaires pour braver le danger en cas d’accident. Le président de la NRA, la nouvelle autorité de sûreté, n’aurait pas connaissance du document révélé par l’Asahi.
Le New-York Times, dans un éditorial, s’interroge sur la crédibilité du témoignage de TEPCo et du gouvernement, qui semblent plus préoccupés par le redémarrage des réacteurs que par la vérité.
TEPCo n’a mis aucun commentaire en anglais sur son site Internet.
Archives mensuelles : mai 2014
Le tribunal de Fukui s’oppose au redémarrage de la centrale d’ÔÏ
Le tribunal de Fukui vient de juger que Kansaï Electric (KEPCo) ne pouvait pas redémarrer deux réacteurs de la centrale d’Ôï (Fukui) pour lesquels une demande est en cours d’instruction. La cour a estimé que les évaluations sismiques de l’exploitant sont trop optimistes et pas crédibles.
Selon les plaignants, au cours des 10 dernières années, il y a eu 5 séismes qui ont dépassé les prévisions des exploitants. Le juge a aussi pris en compte des problèmes liés au refroidissement en cas de séisme, en particulier des piscines non protégées. Enfin, lors de la catastrophe de Fukushima, il a été évoqué la possibilité d’être obligé d’évacuer la population jusqu’à 250 km en cas de fusion du combustible dans les piscines de refroidissement. Le juge a donc jugé recevables les plaintes déposées par des habitants vivant à moins de 250 km de la centrale.
La NRA n’a pas à commenter cette décision de justice et va continuer à instruire le dossier de demande de redémarrage.
Cette décision pourrait faire jurisprudence. KEPCo va faire appel et le gouvernement a expliqué qu’il ne changerait pas sa politique.
TEPCo a rejeté dans l’océan l’eau pompée en amont
Comme annoncé, TEPCO a rejeté les 560 m3 d’eau souterraine pompée en amont des réacteurs et stockée dans des cuves tampon. Des photos et vidéos sont disponibles en ligne, ainsi qu’un communiqué.
Record du jour dans l’eau de mer :
– près de la prise des réacteurs 1 et 2, il y a maintenant 1 900 Bq/L en bêta total (prélèvement du 20 mai 2014).
Révélations de l’Asahi sur les premiers jours de la catastrophe
L’Asahi a eu accès à des documents internes de la commission d’enquête gouvernementale et révèle que 90% des employés de TEPCo ont fui la centrale de Fukushima daï-ichi dans les premiers jours de la catastrophe, bravant les ordres de rester.
Ils étaient 720 sur place le 15 mars et Masao Yoshida, le directeur, leur a demandé de rester. Ils sont 650 à avoir fui. TEPCo n’a jamais reconnu que les personnes sur place ont défié les ordres et prétend que ce n’était pas un ordre, mais une sollicitation.
Le directeur a été auditionné par la commission d’enquête à 13 occasions entre le 22 juillet et le 6 novembre 2011, pendant une durée totale de 29 heures environ. Le tout est consigné dans un document de 400 pages auquel l’Asahi a eu accès. Le directeur est maintenant décédé.
Que s’est-il passé ? Le 15 mars, un bruit d’explosion a été entendu à 6h15 au niveau du réacteur n°2, suivi par une chute de la pression, laissant envisager une rupture de l’enceinte de confinement et donc un risque plus élevé pour les personnes sur place. A 6h42, le directeur a ordonné aux personnes sur place d’aller se réfugier dans les zones où le niveau de radiation était relativement faible. Ils devaient attendre en des endroits où ils pouvaient revenir rapidement. Il a précisé qu’il leur serait demandé de retourner à leur poste quand la situation aura été clarifiée. Comme le débit de dose n’a pas augmenté de manière significative, cela signifiait que l’enceinte de confinement retenait encore la radioactivité.
Mais, vers 7h, des travailleurs ont demandé aux chauffeurs de bus de les emmener à la centrale de Fukushima daï-ni, située à une dizaine de kilomètres vers le Sud. D’autres y sont allés avec leur propre véhicule. Comme les routes étaient endommagées et qu’il fallait ôter puis remettre les habits et masques de protection, un retour rapide n’était pas possible. Parmi les 650 personnes qui sont allées à daï-ni, il y avait des chefs d’équipe qui auraient dû rester à leur poste.
Dans son témoignage, M. Yoshida explique qu’il ne leur a jamais demandé d’aller à daï-ni, mais d’attendre les ordres à proximité. Une fois sur place, il a demandé que les chefs d’équipe rentrent en priorité. Il n’en veut pas aux simples employés d’être partis, mais pensent que les personnes ayant des responsabilités n’auraient jamais dû s’enfuir.
Il n’y avait plus que 69 personnes à la centrale accidentée daï-ichi, les fameux « 50 de Fukushima » qui ont fait la une des médias internationaux. Les premiers retours ont eu lieu vers midi.
Pendant ce temps là, de la vapeur d’eau sortait du réacteur n°2 et il y a eu un incendie au niveau du réacteur n°4. Les plus forts niveaux de dose ont été enregistrés à l’entrée principale.
Le rapport interne de TEPCo ne mentionne pas l’ordre du directeur et laisse entendre que les 650 employés qui se sont réfugiés à daï-ni l’ont fait en accord avec les procédures. TEPCo a aussi diffusé des enregistrements de conversation, mais le son aurait été coupé à ce moment là. La compagnie ne veut toujours pas reconnaître qu’il y a eu une faute.
Le gouvernement, quant à lui, se refuse à tout commentaire et ne veut pas rendre public le document.
Point sur l’eau contaminée
TEPCo va rejeter en mer l’eau souterraine pompée en amont des réacteurs et stockée dans des cuves tampons. La compagnie espère ainsi réduire les infiltrations dans les sous-sols des réacteurs et, ainsi, ralentir l’accumulation de l’eau contaminée dans des cuves. Le projet est ancien, mais TEPCo avait caché les fuites en mer et s’était trompée sur les mesures de radioactivité. Une fois la vérité connue et les mesures faites par un laboratoire tiers, les pêcheurs ont donné leur accord. Un an de perdu alors que la solution était simple !
Voir le communiqué de TEPCo.
Les dernières données de la NRA sur la contamination de l’eau de mer sont ici en anglais.
Comme annoncé, la station de traitement des eaux usées ALPS est complètement arrêtée suite à un problème avec le calcium.
Records de contamination du jour :
– dans le puits de contrôle 1-14, il y a maintenant 3 900 Bq/L en bêta total. Des records sont aussi battus dans l’eau de mer (prélèvements du 19 mai 2014).
Parution du dernier épisode d’Oïshimbo
L’éditeur du manga controversé défend son œuvre en expliquant avoir voulu donner la parole aux nombreuses personnes qui vivent dans l’inquiétude à cause de la pollution radioactive et qui sont de moins en moins écoutées. Ce serait une erreur de les ignorer, selon lui. Le dernier épisode dépeint un journaliste qui explique qu’il y a une tendance à adoucir son langage et qu’il faut, au contraire, dire la vérité, sans hypocrisie. Et d’ajouter qu’il comprend et soutien les personnes qui sont parties d’elles-mêmes. Crier sur les toits que Fukushima est sans danger pourra plaire, mais il déteste décevoir.
Parmi les 13 experts qui ont exprimé leur point de vue sur le sujet, il y a le désormais célèbre Hiroaki Koïdé, de l’université de Kyôto, qui explique que l’on ne peut pas exclure un lien entre radioactivité et saignements de nez sans une étude approfondie. Et d’ajouter que le gouvernement n’assume pas ses responsabilités et veut effacer les stigmates de la catastrophe de la mémoire des gens.
Comme annoncé, il s’agit du dernier épisode de la série Oïshimbo lancée en 1983.
Réacteur de Tôkaï : acharnement thérapeutique
Le réacteur n°2 de Tôkaï (Ibaraki) est l’un des plus vieux du Japon. Il date de 1978. Je l’avais classé parmi les réacteurs qui ne redémarreront jamais. L’isolant de ses câbles électriques est inflammable. C’était toléré avant 2011 et ce n’est plus permis maintenant. Il y a des milliers de kilomètres de câbles. Il y a aussi presque 1 million d’habitants dans un rayon de 30 km autour de la centrale. Comment les évacuer en cas d’accident ? Et puis cette centrale a été affectée par le séisme et tsunami du 11 mars 2011 : des diesels de secours ont été noyés et une turbine endommagée.
Japan Atomic Power Company (JAPCo), l’exploitant, a décidé de déposer une demande d’autorisation de redémarrage. Pourquoi un tel acharnement thérapeutique ?
Cette compagnie, filiale des compagnies qui distribuent l’électricité, ne fait que produire du courant à partir de nucléaire. La situation de son autre centrale, à Tsuruga (Fukui), est encore plus désespérée : un des réacteurs a plus de 40 ans et l’autre est sur une faille reconnue active par la NRA. C’est donc la survie même de cette compagnie qui est en jeu.
La compagnie veut donc couvrir 18,5 km de câbles avec un retardateur de feu et prétend que la qualité sera la même qu’avec un isolant inflammable. Elle estime aussi que le réacteur peut supporter une secousse de 901 gals contre 600 précédemment. Elle va aussi construire une nouvelle digne qui devrait pouvoir arrêter un tsunami de 17,2 m. Il y a aussi les filtres à air à ajouter et une salle de contrôle décentrée et protégée. Il y en aurait pour 78 milliards de yens (557 millions d’euros) pour une durée de fonctionnement forcément réduite. Ce coût est probablement sous-évalué et la compagnie espère sûrement dépasser les 40 années de fonctionnement.
Les élus locaux, qui ont donné leur feu vert au dépôt du dossier, ont bien précisé qu’il ne s’agit pas d’un feu vert au redémarrage. Il n’y a toujours pas de plan d’évacuation.
JESCO chargée de la gestion des déchets radioactifs
Le gouvernement va charger Japan Environmental Safety Corporation (JESCO), une entreprise étatique, de gérer les déchets issus de la décontamination à Fukushima. Elle gère déjà les PCB. L’état va acheter les terrains à Ôkuma et Naraha où il envisage d’installer le site d’entreposage.
Comme les résidents craignent, à juste titre, que les déchets y restent définitivement, le gouvernement veut inscrire dans la loi qu’ils devront être stockés définitivement en dehors de la province de Fukushima dans 30 ans. Ce ne va pas résoudre le problème.
Des réunions sont prévues avec les habitants originaires de ces zones.
Records du jour et cuves
Records du jour pour la contamination de l’eau :
– dans le puits de contrôle 3-2, situé près des réacteurs, il y a maintenant 2 800 Bq/L en tritium. Dans l’eau souterraine pompée entre les réacteurs 2 et 3, il y a maintenant 5 600 Bq/L en tritium (prélèvements du 14 mai 2014).
– la contamination en tritium de l’eau de mer près du rivage continue de monter (cf vendredi 16 mai). Il y a maintenant 2 600 Bq/L près de la prise d’eau des réacteurs 1 et 2. Celle en bêta total est aussi passée à 1 700 Bq/L (prélèvements du 15 et 18 mai 2014).
– dans le puits de contrôle G3, situé près de la cuve qui a débordé en février 2014, il y a 1 900 Bq/L en tritium dans le prélèvement du 16 mai 2014 et 2 100 Bq/L dans celui du 17 mai 2014.
Par ailleurs, TEPCO a un mois de retard dans l’installation des cuves pour entreposer l’eau contaminée. Ce serait dû à une mauvaise programmation et une pénurie de béton.
Piscine n°4
TEPCo a retiré 880 assemblages de la piscine du réacteur n°4.