Kansaï Electric : le scandale de corruption enfle !

La semaine dernière, le directeur de Kansaï Electric (KEPCo) avait, lors d’une conférence de presse, reconnu que 20 cadres de sa compagnie, dont lui-même, avaient reçu des dons et des cadeaux de la part de l’ancien maire adjoint de Takahama où la compagnie exploite une centrale nucléaire. Le total atteindrait 320 millions de yens (2,7 millions d’euros), mais une partie aurait été retournée, celle qui dépassait le niveau maximum jugé acceptable par le bon sens… Depuis, le scandale ne cesse d’enfler.

Cette somme, estimée à partir des souvenirs des cadres, est très approximative. Il est probable qu’ils aient oubliés des cadeaux. Ils ont donc dû recevoir plus… Il n’y a aucun enregistrement des sommes reçues et des renvois. Bref, tout cela reste très flou et basé sur les témoignages des personnes mises en cause. Ces renvois n’auraient eu lieu qu’après le début des investigations des services fiscaux, en janvier dernier.

Inversement, si Eiji Moriyama, l’ancien maire de Takahama, décédé en mars dernier, a été généreux avec les cadres de KEPCo, cette dernière a aussi été généreuse avec lui. La compagnie aurait notamment organisé des fêtes en son honneur, lors de la floraison des cerisiers par exemple ou lors de son anniversaire. Elle lui fournissait aussi des informations confidentielles qu’il pouvait monnayer auprès de compagnies locales, dont Yoshida Kaihatsu, basée à Takahama.

La compagnie Yoshida Kaihatsu, qui serait à l’origine d’une partie des fonds distribués par l’ancien adjoint au maire, est devenue très dépendante de KEPCo : en 2018, 60% de ses recettes seraient liés à des contrats avec l’exploitant nucléaire : sur un chiffre d’affaire de 2,2 milliards de yens, 250 millions de yens venaient de contrats directs avec KEPCo, et 1,06 milliard de contrats indirects. En 2014, Yoshida Kaihatsu n’avait eu que pour un total de 700 millions de yens de contrats avec l’exploitant nucléaire. C’est en 2017 que ces contrats ont été les plus élevés, avec 2,1 milliards de yen en contrats indirects.

Le directeur de KEPCo prétend que Yoshida Kaihatsu a été sélectionnée suivant les procédures internes à la compagnie. Bref, il n’y aurait aucun lien avec les cadeaux.

Les premières investigations ont aussi permis de révéler que deux compagnies de BTP, dont la désormais célèbre Yoshida Kaihatsu, ont directement versé pour environ 4 millions de yens à trois cadres de KEPCo sous forme de cash et de cadeaux. Il s’agit de l’ancien président et deux cadres exécutifs : Shigéki Otsuka aurait reçu un million de yens en cash et pour 400 000 yens de cadeaux de Yoshida Kaihatsu ; Toyomatsu et Suzuki auraient reçu pour 2,5 millions de yens de bons d’achat de l’autre compagnie pour s’acheter des costumes sur mesure. Suzuki aurait utilisé les 2 millions de yens de bons d’achat. Les deux autres auraient rendu les cadeaux. Le nom de la deuxième compagnie n’a pas été révélé.

La corruption ne touche pas que la branche nucléaire de KEPCo. Trois cadres de la branche transport et distribution auraient reçu pour 2,5 millions de yens de dons et cadeaux de la part de l’ancien maire adjoint de Takahama, Eiji Moriyama, décédé en mars dernier. Ces cadres auraient fourni, en échange, des informations sur trois projets. Et, une compagnie de BTP, proche de Moriyama, aurait remporté un lot sur un projet de ferme solaire. Les investigations internes chez KEPCo ont montré que Moriyama aurait reçu des informations pour 70% des 113 contrats remportés par Yoshida Kaihatsu. Ainsi, des informations relatives à 83 projets dans le nucléaire auraient été fournies entre septembre 2014 et décembre 2017.

Les commissaires de KEPCo savaient que des cadres de KEPCo avaient reçu des dons et des cadeaux, mais ils n’auraient pas alerté les autorités. Ils se sont donc rendus complices des faits. A quoi servent-ils ?

Le maire d’Ôsaka a demandé aux dirigeants de démissionner. La ville est l’un des principaux actionnaires de KEPCo.

Kyûshû Electric va arrêter deux réacteurs l’an prochain à cause de son retard dans la mise en place de mesures anti-terroristes

En avril dernier, l’Autorité de régulation nucléaire, la NRA, avait refusé un report de l’échéance pour la mise en place de mesures anti-terroristes dans les centrales nucléaires. Elle avait confirmé cette décision en juin dernier. La liste des réacteurs concernés est dans le premier billet.

Les nouvelles règles de sûreté introduites en 2013 laissent 5 ans après l’autorisation de remise en service d’un réacteur pour mettre en place une installation bunkérisée qui permettrait de maintenir le refroidissement en cas d’attaque comme un crash d’avion. Cette installation, située à plus de 100 m des réacteurs, inclut une salle de contrôle, des générateurs de secours, des pompes et d’autres équipements. Aucune centrale n’en est dotée à ce jour. Les trois compagnies qui ont remis en service des réacteurs nucléaires ne seront pas prêtes dans les temps et ont demandé un report, en vain.

Kyûshû Electric est la première compagnie à avoir à arrêter des réacteurs remis en service il y a bientôt 5 ans. Elle vient de le confirmer. Les réacteurs 1 et 2 de Sendaï, dans la province de Kagoshima, seront arrêtés avant le 17 mars et le 21 mai 2020, respectivement. La compagnie espère les remettre en service en décembre 2020 et janvier 2021. Pendant l’arrêt, Kyûshû Electric estime le manque à gagner à 8 milliards de yens par mois (68 millions d’euros).

Puis, arrivera le tour de Genkaï 3 et 4, situés dans la province Saga. Ils seront arrêtés en août et décembre 2020. Ainsi, entre août et décembre 2020, Kyûshû Electric n’aura qu’un seul réacteur nucléaire en service. En cas de retard dans les travaux, elle pourrait repasser à zéro réacteur en activité…

Sendaï 1 est actuellement à l’arrêt et devrait être remis en service en novembre pour s’arrêter à nouveau 4 mois plus tard.

Les autruches de Fukushima

L’Asahi consacre un article aux autruches de Fukushima, qui erraient dans la zone interdite après l’accident nucléaire.

Toshiaki Tomizawa, maintenant âgé de 81 ans, a ouvert un parc en 2001 avec 9 autruches, à 9 km de la centrale de Fukushima daï-ichi, dans la commune d’Ôkuma. L’idée était d’attirer les touristes. Le parc a grandi avec une trentaine d’oiseaux et un restaurant qui servait de la viande d’autruche. Puis, la catastrophe nucléaire est survenue.

Toshiaki Tomizawa a fui dans la province de Saïtama. Quand il est revenu 3 mois plus tard, la dizaine d’autruches restantes étaient devenues sauvages dans la zone interdite. Elles ont effrayé nombre de personnes qui retournaient chez elles récupérer des biens abandonnés.

Six d’entre elles ont été capturées et utilisées pour de la recherche. Elles sont restées dans la zone évacuée, car elles étaient trop contaminées, mais elles ont été enfermées dans leur enclos et nourries avec de la nourriture non contaminée. En mars 2012, quand cette recherche a commencé, elles rayonnaient à un niveau de 4,6 µSv/h. Les oiseaux ont été tués au bout d’un mois, de deux mois et demi, de neuf mois et demi et de quatorze mois pour mesurer leur contamination résiduelle. Le césium radioactif, qui se fixe plutôt dans les muscles, n’a commencé à diminuer de façon significative qu’au bout de 9,5 mois.

Pour l’annecdote, ces autruches ont plus intéressé les médias étrangers que les médias japonais. Toshiaki Tomizawa dit avoir été traité comme une célébrité quand il a voyagé en Australie ou en Indonésie.

L’ironnie de toute cette histoire réside dans son origine : c’est TEPCo qui a initié l’élevage d’autruches à la centrale de Fukushima daï-ichi en 1999, avec 4 oiseaux. Le but était de faire la promotion du nucléaire, car comme cette énergie, les autruches sont très productives : elles deviennent adulte en 2 ans avec un régime alimentaire pauvre. Elles atteignent une taille de 2 m et un poids qui dépasse les 100 kg. Une femelle pond ensuite jusqu’à 40 ans. Une brochure de l’époque expliquait que, de la même façon, une centrale nucléaire génère beaucoup d’énergie à partir d’une faible quantité d’uranium.

TEPCo a même eu l’idée de baptiser la centrale de Fukushima daï-ichi, la centrale Strauss (autruche en allemand). Mais, même les employés de la compagnie ne comprenaient pas…

L’élevage s’est révélé être plus compliqué que prévu. TEPCo a dû embaucher un vétérinaire pour en prendre soin. Une est décédée et les trois autres ont finalement été données à Toshiaki Tomizawa. Et l’Asahi de conclure cette histoire en expliquant que les autruches sont très productives, mais difficiles à exploiter, comme une centrale nucléaire !