Résumé des évènements, ACRO.eu.org.
L’accident de fusion du cœur est le plus craint par l’industrie nucléaire. Il y en a eu trois simultanément à la centrale de Fukushima daï-ichi en mars 2011. Comment en est-on arrivé là ?
Les combustibles nucléaires usés dégagent de la chaleur, beaucoup de chaleur et doivent être continuellement refroidis. Après le tremblement de terre d’une magnitude exceptionnelle et le tsunami qui ont frappé le Nord Est du Japon le 11 mars 2011, il y eu perte de l’alimentation électrique et de l’alimentation en eau. Les combustibles des trois réacteurs en fonctionnement ce jour là n’ont pas pu être refroidis et ont fondu. Ils ont percé leur cuve et se seraient partiellement écoulés au niveau du radier en béton. Le dégagement de vapeur a fait augmenter la pression et a endommagé la cuve et l’enceinte de confinement. Il y a eu de forts rejets radioactifs lors de la dépressurisation des réacteurs et des fuites non contrôlées. Des explosions hydrogène ont détruit les bâtiments réacteurs.
Contrairement aux cœurs des réacteurs, les piscines d’entreposage des combustibles usés ne sont pas confinées. En cas de fusion, les conséquences sont beaucoup plus graves. C’est pourquoi les piscines ont été à l’origine d’une grosse frayeur. Une réplique sismique aurait pu les fissurer et rendre impossible le refroidissement. En cas d’incendie ou de relargage de grande ampleur, les employés n’auraient pas pu
accéder au site pour tenter de contrôler les réacteurs. Heureusement, cela n’a pas eu lieu.
Dans de telles circonstances, il convient de saluer le courage des employés de la centrale qui ont fait le maximum pour éviter le pire dans une situation de désastre. Outre les problèmes personnels qui devaient les frapper dans ces circonstances, les personnels ont pris des risques. De plus, les conditions matérielles dans lesquelles ils sont intervenus au tout début étaient déplorables : deux repas par jour, pas de couchage correct, stress…
Fin décembre 2014, 40 000 travailleurs étaient passés sur le site de la centrale. Ils sont de l’ordre de 7 000 par jour actuellement, avec une très forte majorité de sous-traitants. Dans les premiers jours, ils n’avaient pas de dosimètre individuel. Seul le chef d’équipe en avait et il n’était pas forcément le plus exposé. Il a fallu un scandale médiatique pour que d’autres centrales en envoient.
Tout est allé très vite : pour le réacteur n°1, il y a eu fusion complète du cœur, rejets radioactifs massifs et explosion hydrogène en moins de 24 heures. La journée la plus inquiétante a été le mardi 15 mars. Selon le premier ministre de l’époque, TEPCo voulait évacuer la centrale, ce que la compagnie dément. Cela aurait entraîné une catastrophe d’une ampleur beaucoup plus grande.
L’exploitant a longtemps estimé que 70% du combustible du réacteur n°1 était endommagé. Ce chiffre était de 33 et 25% pour les réacteurs n°2 et 3. Il a fallu attendre le mois de mai 2011 pour que TEPCo, l’exploitant, finisse par admettre qu’il y avait eu la fusion des trois cœurs. Ni les autorités japonaises, ni les organismes d’expertise internationaux comme l’AIEA n’ont contredit la compagnie.
Pour refroidir les combustibles TEPCo a versé de l’eau, beaucoup d’eau, par divers moyens. Rendue très radioactive au contact du « corium », le cœur fondu, elle s’est accumulée dans les sous-sols des réacteurs où elle a fini par déborder en mer en avril 2011. La compagnie était face à un dilemme : si elle arrêtait de verser de l’eau, la fusion risquait de reprendre, accompagnée de rejets radioactifs et si elle continuait, cela fuyait vers l’océan. La compagnie a donc pompé l’eau des sous-sols après avoir colmaté la fuite, mais le compte n’y est pas. Elle doit pomper 400 m3 d’eau contaminée en plus de ce qu’elle injecte à cause des infiltrations de la nappe phréatique. Presque quatre ans plus tard, l’eau contaminée, qui continue à s’accumuler, reste un problème majeur. TEPCo a tenté plusieurs solutions pour réduire les infiltrations et les fuites en mer, sans grand succès pour le moment. Le stock est gigantesque, de l’ordre de 400 000 m3, que la compagnie tente de décontaminer partiellement pour pouvoir le rejeter en mer.
Des rejets massifs dans l’environnement
Ces évènements ont entraîné la dispersion de gaz et particules radioactifs qui ont contaminé la centrale et une partie du Japon. Les hommes ne peuvent pas travailler dans les réacteurs où il y a eu une fusion du cœur car le débit de dose y est trop élevé. Sur le site de la centrale, il faut des équipements de protection spécifiques. Enfin, la population a été évacuée dans un rayon de 20 km autour de la centrale et jusqu’à 45 km sous les rejets. Mais, 80% de la radioactivité est allée vers l’océan.
Les populations riveraines ont été évacuées, d’abord dans un rayon de 3 km, puis 10 et enfin 20 km en fonction de l’évolution. Et cela dans des conditions extrêmement difficiles, avec plusieurs évacuations successives ou sous les retombées radioactives. Elles ont d’abord été confinées entre 20 et 30 km, puis invitées à partir. Des ordres d’évacuation tardifs ont entraîné le déplacement de populations supplémentaires jusqu’en septembre 2011 pour certains points chauds. Le seuil fixé par les autorités, de 20 mSv/an pour l’irradiation externe, correspond à la limite des travailleurs du nucléaire en France et est appliquée aux enfants. C’est inacceptable pour de nombreuses familles et celles qui en ont les moyens ont fui par elle même, sans indemnisation.
L’évacuation d’urgence des personnes vulnérables a été la plus dramatique entraînant de nombreux décès. Ce fut le cas, par exemple pour l’hôpital de Futaba où 50 patients sont décédés durant les premiers jours.
Le gouvernement japonais rêve que ce soit une catastrophe réversible avec un retour des populations. Il a engagé un immense chantier de décontamination de larges portions de territoires. Mais pour le moment, il n’existe aucune technique efficace ni de lieu d’entreposage des déchets radioactifs générés. La limite de dose pour le retour reste fixée à 20 mSv/an, ce qui est inacceptable. Beaucoup ont décidé de ne pas rentrer, surtout quand il y a de jeunes enfants.
Internet et les réseaux sociaux ont joué un rôle très important pour répondre à la quête d’informations. De nombreuses associations locales, souvent intitulées “Sauvons nos enfants”, ont aussi été créées dans tout le pays. Elles ont d’abord permis d’échanger sur les problèmes liés à la radioactivité, les conflits qui en résultaient dans la famille, les mesures à prendre pour protéger les enfants et faire pression sur les élus locaux pour décontaminer les écoles, refuser les débris du tsunami, contrôler les repas servis à la cantine, et, à Fukushima, demander un élargissement de l’évacuation, au moins pour les enfants et les femmes enceintes.
L’accès à la mesure de la radioactivité a été un des grands enjeux pour les populations. L’ACRO, laboratoire associatif français créé après la catastrophe de Tchernobyl et basé à Hérouville St Clair, s’est fortement investi pour venir en aide aux populations japonaises. Cela s’est traduit par l’analyse de presque 600 échantillons les plus variés en provenance du Japon et à la création d’un laboratoire de mesure sur place.