A l’approche du cinquième anniversaire de la catastrophe, voici quelques chiffres clé tels qu’ils apparaissent dans les médias. Cet article sera mis à jour au fur et à mesure de leur apparition.
Cartographie de la pollution radioactive
• En septembre 2015, la Japan Atomic Energy Agency a effectué une nouvelle cartographie par hélicoptère de la pollution radioactive dans un rayon de 80 km autour de la centrale accidentée de Fukushima daï-ichi et a mis cette nouvelle édition en ligne sur le site dédié.
Cette nouvelle carte fait apparaître une baisse moyenne de 65% du débit de dose ambiant par rapport à ce qui était mesuré à l’automne 2011. La décroissance radioactive est responsable d’une baisse de 53%. Le reste est dû au lessivage des sols et, par endroits, aux travaux de décontamination.
• Selon les données du ministère de l’agriculture, seulement 33% des terrains agricoles de Fukushima touchés par le tsunami ont été restaurés. C’est 74% sur tout le pays. A Miyagi et Iwaté, les deux provinces les plus touchées avec Fukushima, c’est respectivement 88 et 67%.
Plus de 21 480 hectares de terrains agricoles ont été touchés par le tsunami dans les provinces du littoral pacifique qui vont d’Aomori à Chiba. Les débris et le sel ont été retirés sur quelques 15 920 hectares. A Fukushima, s’ajoute le problème de la pollution radioactive qui empêche les travaux. Il y a encore 2 120 hectares de terrains agricoles touchés par le tsunami et non restaurés dans la zone évacuée.
Personnes déplacées
• Le Japon effectue un recensement de sa population tous les 5 ans. Les deux derniers ont eu lieu en 2010, juste avant la catastrophe et en 2015. Au 1er octobre 2015, la population de la province de Fukushima a baissé de 5,7% par rapport à 2010 (115 000 personnes en moins), celle de Miyagi de 0,6% et celle d’Iwaté de 3,8%.
Ce recensement est basé sur les personnes réellement présentes et non les personnes enregistrées. Ainsi, dans les communes de Namié, Futaba, Ôkuma et Tomioka il y a zéro habitant. La population de Kawauchi, où l’ordre d’évacuer a partiellement été levé en 2014, la population a baissé de 28,3%. A Naraha, où l’ordre d’évacuer a été entièrement levé en septembre 2015, la population a baissé de 87,3%.
Certaines communes qui accueillent des personnes déplacées ont vu leur population augmenter.
Sur tout le Japon, le nombre d’habitants a baissé de 0,7% (- 947 000) en cinq ans et était de 127,11 millions au 1er octobre 2015. Le nombre d’habitants a augmenté à Tôkyô (+2,7%), Saïtama et Aïchi. La plus forte baisse est à Akita (-5,8%) qui n’a pas été touchée par la triple catastrophe. Fukushima a la deuxième plus forte baisse, avec -5,7%.
• Selon les statistiques officielles compilées par les autorités régionales de Fukushima, il y a encore près de 100 000 personnes déplacées dans la province. Parmi elles, il y avait environ 18 000 “auto-évacués” qui bénéficient d’un logement gratuit en octobre 2015. Ce chiffre serait descendu à 16 000 en janvier 2016. Le nombre réel d'”auto-évacués” est bien plus élevé puisque tous ne sont pas enregistrés comme tel.
Plus précisément, ils seraient 56 463 à Fukushima et 43 497 dans une autre province à la date du 10 décembre 2015. Selon ces mêmes autorités, ce chiffre a atteint 164 865 en mai 2012.
A la fin octobre 2015, il y avait encore 10 557 mineurs originaires de Fukushima déplacés en dehors de la province. Comme certaines familles se sont enregistrées dans d’autres provinces, le nombre réel doit être plus élevé. Ils étaient 18 000 en avril 2012.
Les mineurs représentent environ 37% des “auto-évacués”. Plus précisément, 19,7% ont moins de 10 ans et 17,4% entre 10 et 19 ans.
Le nombre de personnes déplacées dépend de la façon de compter et des critères fixés. Ces chiffres incluent les personnes qui vivent dans un logement provisoire ou dans de la famille. En revanche, il ne prend pas en compte les personnes qui ont trouvé à se reloger, en devenant propriétaire ou bénéficiaire d’un logement dans le parc public pour les victimes de la catastrophe.
Sur tout le Japon, il y a encore 180 000 personnes déplacées en tout suite à la triple catastrophe de 2011.
• La commune de Hirono, par exemple, est juste en dehors de la zone évacuée de 20 km. Les habitants ont d’abord été confinés, puis il leur a été recommandé de partir. Tous les services ont fermé. La recommandation d’évacuer a été levée en septembre 2011, mais la mairie a recommandé aux habitants de rester éloignés jusqu’en avril 2012. Actuellement, seulement la moitié des 5 000 habitants sont rentrés. Un petit centre commercial, financé par le gouvernement, vient d’ouvrir, pour attirer les habitants.
Selon le dernier recensement effectué à l’automne 2015, une grande partie de la population actuelle est employée sur le chantier de la centrale accidentée. La population masculine y est de 2 746 personnes, avec une augmentation de 2,3% depuis 2010. La population féminine, au contraire, est à peu près la moitié, avec une baisse de 42,3%.
• A Naraha, l’ordre d’évacuer a été levé en septembre 2015 et seulement 440 personnes sont rentrées sur 8 000 personnes avant la catastrophe. 70% ont plus de 60 ans. Il y a un petit centre commercial avec une poste, une superette et deux restaurants. Il y a plus de travailleurs à la centrale accidentée dans des logements provisoires que d’habitants.
• Fin novembre 2015, il y avait encore 30 293 logements préfabriqués utilisés dans les provinces de Fukushima, Miyagi et Iwaté avec 62 798 personnes. Le plus grand nombre de préfabriqués occupé était de 48 628 en avril 2012. Le Yomiuri a interrogé les communes concernées et est arrivé à la conclusion qu’il y aurait encore un minimum de 14 000 préfabriqués occupés au 1er avril 2016. Ces logements, qui ne sont pas prévus pour durer, se détériorent très vite.
Début 2016, il y a encore 59 000 personnes dans ces logements provisoires. Les autorités de ces trois provinces veulent construire 29 105 unités d’habitation (appartements et maisons) pour reloger les personnes déplacées par la triple catastrophe. Ce chiffre est basé sur les demandes des personnes concernées. 13 933 unités sont disponibles, mais 909 d’entre elles, soit 7%, sont vacantes. Les délais de construction ont entraîné le retrait de candidatures. Parfois, l’emplacement ne convient pas ou le loyer est trop élevé.
Le nombre de “décès solitaires” dans un préfabriqué atteindrait 188 à la fin décembre 2015 pour les trois provinces. Ce chiffre était de 16 en 2011 et le phénomène s’aggrave. Les autorités ont du mal à faire face car cs logements provisoires sont de moins en moins occupés et les personnes qui restent, de plus en plus isolées.
Certaines personnes pourraient rester une dizaine d’années dans ces logements provisoires. C’est le cas, par exemple à Otsuchi dans la province d’Iwaté où un quart de la population est encore dans des préfabriqués. La mairie pensent qu’il faudra attendre 2021 au moins pour reloger tout le monde. Dans d’autres communes, il est question de 2019, juste avant les JO de 2020… 17 communes ne peuvent pas faire de prédiction, dont 11 à Fukushima.
Environ 10% des habitants qui restent dans ces logements temporaires ne savent pas où aller après. Certains n’ont pas fait de demande pour accéder à un logement publique pour diverses raisons : des problèmes financiers ou de santé…
• 125 000 logements auraient été détruits par le tsunami de 2011 dans ces trois provinces. Certaines communes ont renoncé à aménager des terrains pour la reconstruction, plus en altitude ou plus dans les terres élevés à cause du coût élevé et de la baisse de la demande. De nombreuses personnes auraient en effet renoncé à reconstruire car elles n’en ont pas les moyens. D’autres se sont déjà réinstallées ailleurs.
• Environ 160 écoles, collèges et lycées ont dû être déplacés suite à la triple catastrophe. 5 ans plus tard, 40% sont encore dans des bâtiments temporaires. Il s’agit de préfabriqués ou des bâtiments prêtés par d’autres établissements. Cela peut perturber cette classe comme les sciences ou le sport. C’est à Fukushima qu’il y a le plus grand nombre d’établissements scolaires encore déplacés : 39 sur 63 en tout.
• Les commerces dans des préfabriqués sont à la peine. Après la triple catastrophe, les autorités ont construit des préfabriqués pour y installer des commerces en attendant la reconstruction. Ils bénéficient d’un loyer gratuit pour 5 ans. Actuellement, il y a encore 669 commerces sur 62 sites. Il y a eu jusqu’à 68 sites. Leur chiffres d’affaire diminue avec la dépopulation des zones sinistrées et beaucoup n’ont pas les moyens de se réinstaller dans du dur et de payer un loyer. Certaines communes, propriétaires des préfabriqués, pourraient demander un loyer à partir de cet automne. Le gouvernement prévoit d’étendre son plan d’aide jusqu’en 2018.
Impact sanitaire
• Les dernières statistiques officielles datée du 7 mars 2016 font état de 15 894 décès directs dus à la triple catastrophe. 75 corps restent non identifiés. Il y a 2 561 personnes portées disparues (1 236 à Miyagi, 1 124 à Iwaté et 197 à Fukushima). Plus de 90% des décès sont dus à la noyade.
• Nombre de décès liés à la catastrophe dus à la dégradation des conditions de vie (aggravation de la maladie, suicides…) :
- Fukushima : 2 024
- Miyagi : 918
- Iwate : 455
Les familles endeuillées ont été indemnisées (2,5 ou 5 millions de yens). Pour Fukushima, c’est plus que le nombre de décès directs dus aux séisme et tsunami qui est de 1 604.
Le nombre de suicides est aussi plus élevé à Fukushima qu’à Miyagi et Iwaté.
• En ce qui concerne les cancers de la thyroïde, voir les dernières données publiées le 16 février 2016.
Travailleurs à la centrale de Fukushima daï-ichi
• Voir les dernières données publiées sur les doses prises par les 46 181 personnes à avoir travaillé à la centrale depuis le début de l’accident.
• Un travailleur a vu sa leucémie reconnue comme d’origine professionnelle. Il aurait été exposé à une dose de 16 mSv à la centrale de Fukushima daï-ichi et 4 mSv sur un autre réacteur.
Selon les règles en vigueur au Japon depuis 1976, un travailleur du nucléaire, qui aurait été exposé à une dose supérieure à 5 mSv en un an et qui développerait une leucémie plus d’un an après avoir été engagé pour des travaux sous rayonnements ionisants, a droit à la prise en charge des soins et une indemnisation. 8 demandes en ce sens auraient déjà été déposées.
Alimentation
• Pour la deuxième année consécutive, tout le riz récolté à Fukushima pour être commercialisé avait une contamination inférieure à la limite de mise sur le marché qui est de 100 Bq/kg. Plus de 10 millions de sacs de 30 kg ont été contrôlés (10 307 119 exactement). 99,9% d’entre eux avaient une contamination inférieure à 25 Bq/kg qui correspond à la limite de détection.
Les cultures test dans les zones évacuées qui ne sont pas destinées à être commercialisées et l’auto-production, ne sont pas concernés pas ces chiffres.
• La pêche à Fukushima est limitée à 71 espèces à titre expérimental. En 2014, 740 tonnes d’animaux marins ont été pêchés, soit à peine 3% de la pêche d’avant la catastrophe.
• La part des produits locaux dans les menus des cantines scolaires était de 36,1% en 2010 à Fukushima. Elle n’a pas été mesurée en 2011 et 2012. En 2013, elle était descendu à 18,3%. Elle en hausse depuis et a atteint 27,3% en 2015 (Source : Fukushima Minpo).
• Selon une étude d’opinion, environ 15,7% des Japonais disent bouder les produits alimentaires de Fukushima. C’est 1,5 points de pourcentage plus bas qu’en août dernier.
Déchets radioactifs
• Le Japon a accumulé quelques 170 000 tonnes de déchets radioactifs dus à l’accident nucléaire avec une concentration en césium radioactif supérieur à 8 000 Bq/kg. Ces déchets sont répartis dans 12 provinces :
- Fukushima : 142 139 tonnes
- Tochigi : 13 533 tonnes
- Chiba : 3 690 tonnes
- Ibaraki : 3 533 tonnes
- Miyagi : 3 406 tonnes
- Gunma : 1 187 tonnes
- Niigata : 1 018 tonnes
- Tôkyô : 982 tonnes
- Shizuoka : 8,6 tonnes
- Kanagawa : 2,9 tonnes
- Yamagata : 2,7 tonnes
Ces chiffres incluent les boues de station d’épuration, des cendres d’incinérateur de déchets et des déchets issus de la décontamination.
Mais grâce à la décroissance radioactive, la contamination de certains déchets est passée sous la limite de 8 000 Bq/kg et les autorités veulent les banaliser, c’est à dire, les traiter comme des déchets ordinaires. A Miyagi, la quantité de déchets ne serait plus qu’à un tiers de la quantité initiale, selon le ministère de l’environnement. Il n’en resterait plus quelques 1 090 tonnes.
• En ce qui concerne le centre d’entreposage de 16 km2 prévu autour de la centrale de Fukushima daï-ichi supposé accueillir environ 20 millions de m3 de déchets radioactifs de la province de Fukushima seulement pour une durée de 30 ans maximum, les autorités n’ont signé qu’avec 22 propriétaires terriens à la fin novembre 2015.
Fin janvier 2016, 44 propriétaires terriens avaient signé, pour une surface totale de 0,15 km2, soit moins de 1% de la surface totale du projet. Le ministère de l’environnement n’a pas réussi à entrer en contact avec 990 propriétaires, qui possèdent en tout environ 10% de la surface totale. 2 365 propriétaires sont a priori concernés. Si certains sont décédés, ce nombre devrait être plus élevé en prenant en compte les héritiers.
Interrogé sur ce problème, le premier ministre ne cesse de répéter qu’il va accélérer le processus et faire plus d’efforts, sans donner aucune solution concrète en ce sens. Le ministère de l’environnement, veut faire passer le nombre de personnels qui s’occupent des terrains de 75 à 100.
En attendant, à la fin septembre 2015, près de 9 millions de m3 attendent déjà sur environ 115 000 sites à Fukushima.
A la centrale de Fukushima daï-ichi
• Combustibles usés dans les piscines : seule la piscine du réacteur n°4 a été entièrement vidée. Pour le réacteur n°3, les débris de la partie haute du bâtiment réacteur endommagé ont été retirés. TEPCo doit construire une structure pour aller reprendre ces combustibles, mais le débit de dose y est tel qu’il n’est pas possible à des humains d’y travailler. Le retrait des débris vient à peine de commencer pour le réacteur n°1.
• Eau contaminée : à la date du 12 février, il y en avait plus de 760 000 m3 dans 1 106 cuves sur le site de la centrale accidentée. La place pour ajouter des cuves se fait de plus en plus rare.
Lors d’une conférence de presse, Yuichi Okamura, responsable de l’eau contaminée chez TEPCo, reconnait qu’il faudra 4 années supplémentaires pour arriver à pomper et traiter l’eau contaminée des sous-sols et des nappes phréatiques. Mais, il faudra continuer à traiter l’eau qui sert à refroidir les combustibles fondus pendant des décennies.
Le stock d’eau contaminée augmente de 500 m3 par jour actuellement.
Réacteurs nucléaires
• Sur les 54 réacteurs nucléaires en état de marche avant la catastrophe nucléaire, 6 ont été partiellement ou complètement détruits à la centrale de Fukushima daï-ichi. 5 autres, trop vieux, ont été arrêtés définitivement. Il ne reste donc officiellement que 43 réacteurs nucléaires au Japon.
Une demande d’autorisation de redémarrage n’a été déposée que pour 26 d’entre eux et elle n’a été accordée que pour 5 réacteurs actuellement. Deux réacteurs de la centrale de Sendaï (Kagoshima) produisent de l’électricité qui alimente le réseau. Il en est de même pour un troisième réacteur, à Takahama (Fukui). Enfin, un quatrième en cours de redémarrage à Takahama.
Divers
• La triple catastrophe aurait entraîné 1 698 faillites économiques selon un think-tank et cela a affecté près de 27 000 employés. C’est beaucoup plus que les 314 faillites dues au séisme de Kôbé.
90% des faillites sont attribuées à des facteurs indirects, comme la perte de clients ou de fournisseurs. Dans 8,3% des cas, il y a une cause directe comme la destruction de l’usine ou des bureaux. La plupart des faillites ont eu lieu dans le secteur des services comme la restauration, l’hôtellerie, suivi par la construction et la vente.
• Il y aurait eu 12 077 répliques du séisme du 11 mars 2011 selon l’agence de météorologie nucléaire japonaise. 8 112 ont eu lieu la première année, 1 583 la deuxième, 1 023 la troisième, 744 la quatrième et 615 la cinquième.
Livres parus pour le cinquième anniversaire
- Franckushima, essai graphique sur la catastrophe de Fukushima et le risque nucléaire coordonné, mis en forme et illustré par Géraud Bournet
- La désolation, récit sur les travailleurs du nucléaire à Fukushima par Arnaud Vaulerin
- Au cœur de Fukushima, journal d’un travailleur à la centrale nucléaire 1F, par Kazuto Tatsuta (dommage qu’il y ait de nombreuses erreurs de traduction : microsievert/h en japonais (p.118) devenu millisievert en français (p.120), accident devenu incident…)
- Jets de poèmes, Dans le vif de Fukushima, par Ryoichi WAGO, traduit par Corinne Atlan, illustré par Elisabeth Gerony
Rapports parus à l’occasion du cinquième anniversaire :
- Rapports ACRO :
- Fukushima, cinq ans après, retour à l’anormale, février 2016, pour Greenpeace Belgique – Fukushima, five years later: back to normal?, february 2016, commissioned by Greenpeace Belgium
- Fukushima, cinq ans après : quel impact sanitaire ? (février 2016)
- Greenpeace, Nuclear scars, March 2016
- Greenpeace Japan, Radiation Reloaded: Ecological Impacts of the Fukushima Daiichi Nuclear Accident 5 years later, by Kendra Ulrich
- ippnw/psr, 5 Years Living With Fukushima, Summary of the health effects of the nuclear catastrophe, March 2016
- SimplyInfo.org Fukushima 5th Year Report
Images
- Vidéo du Maïnichi à la centrale de Fukushima daï-ichi
- Photos de travailleurs et de la centrale accidentée (à voir !)
- Photos de Reuters
- Tourisme nucléaire dans les zones évacuées, vidéo de l’AFP