Eau contaminée : rien de neuf malgré les annonces

Le ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (METI) a proposé ses solutions pour l’eau contaminée accumulée sur le site de la centrale de Fukushima daï-ichi, qui dépasse le million de mètres cube. Il propose de la disperser dans l’océan ou dans l’atmosphère… Rien de neuf. Cela fait plusieurs années qu’il tourne autour du problème sans progresser. Petit rappel de quelques scènes de ce théâtre de kabuki !

En septembre 2013 (lire notre synthèse rédigée à l’époque), le premier ministre japonais, Shinzô Abe, avait alors assuré au Comité International Olympique que la situation était “sous contrôle”… C’est loin d’être le cas !

En 2014, plusieurs pistes sont explorées : enfouir cette eau, la vaporiser et rejeter dans l’atmosphère le dihydrogène seul, ou simplement rejeter l’eau dans l’océan après dilution. En 2016, les autorités ont tranché : sans surprise, c’est le rejet en mer qui l’option la moins chère et la plus rapide. Elle a donc les faveurs du gouvernement. En juillet 2017, le PDG de TEPCo déclare, dans une interview donnée à la presse étrangère que “la décision a déjà été prise prise”, l’eau sera rejetée en mer. En janvier 2018, l’Autorité de Régulation Nucléaire avait demandé une décision dans l’année…

Mais, patatra : lors des réunions publiques organisées en septembre 2018 pour faire accepter le rejet en mer, il est apparu que 80% du stock d’eau avait été mal traités et dépassaient les autorisations de rejet. Ce que TEPCo avait omis de préciser… La compagnie a donc proposé de traiter une deuxième fois cette eau avant rejet, mais c’était trop tard, le mal était fait. Dans ce document, TEPCo indique les niveaux de dépassement. Selon les derniers chiffres, 75% du stock dépasse toujours les niveaux autorisés pour le rejet. Pour plus de détails sur les radioéléments qui posent problème, il faut aller voir ici.

L’annonce récente du METI est sans intérêt. Elle ne fait qu’écarter la pseudo-option de l’enfouissement, même s’il continue à expliquer que le rejet en mer a ses faveurs. L’information reprise dans les médias n’évoque jamais le problème de la contamination résiduelle de cette eau accumulée. Combien de temps faudra-t-il pour la traiter à nouveau ? Combien cela va coûter ? Que restera-t-il après ces nouveaux traitements ? Le Japon va-t-il finir par accepter des contrôles indépendants qu’il refuse pour le moment ?

En effet, comme le souligne le journal britannique The Telegraph, le gouvernement japonais refuse toute mesure indépendante de l’eau qu’il souhaite rejeter dans l’océan. TEPCo se justifie en disant que cette eau est très contaminée et qu’il n’est pas possible de la transporter en dehors du site sans des procédures de protection strictes. Même l’autorité de sûreté et sécurité nucléaire coréenne n’a pas pu obtenir des informations détaillées, selon Reuters. Qu’y a t’il à cacher ? Il est plus facile de se plaindre des rumeurs néfastes que d’accepter la transparence !

S’il ne reste vraiment que du tritium dans l’eau, le stock était estimé à 3 400 TBq (3,4 milliards de millions de becquerels), ce qui représente 150 années de rejet à la limite autorisée pour la centrale nucléaire de Fukushima daï-ichi (22 TBq/an). Mais cela ne représente qu’environ 3 mois de rejet de l’usine Orano de La Hague en France, comme nous l’avons déjà souligné plusieurs fois.

TEPCo a récemment revu cette estimation, selon l’Asahi. Le stock actuel, contenu dans les cuves, serait actuellement de 856 TBq. C’est près de 4 fois moins que la quantité initiale. 40% du stock initial a simplement décru par décroissance radioactive. Il y a aussi du tritium dans les sous-sols et la nappe phréatique. Le reste, a fui en mer ? La quantité à rejeter, quant à elle, sera de 27 à 106 TBq, selon la date de début et de fin du rejet. En effet, le tritium ayant une demi-vie de 12 ans, le stock diminue avec le temps. Les dates envisagées pour le début du rejet sont 2020, 2025, 2030 et 2035. Et pour la fin du rejet, 2041 ou 2051, soit 30 et 40 ans après le déclenchement de la catastrophe nucléaire. Atoms in Japan, qui fait du lobbying pour le nucléaire, précise que les quantités rejetées seraient de 32 à 51 TBq par an, ce qui est plus que l’autorisation de rejet en mer pour les 6 réacteurs, fixée à 22 TBq. Sans surprise, Atoms in Japan n’évoque pas ce problème ! (A noter que cette organisation n’est même pas capable d’écrire une dose correctement, ce qui montre son peu de sérieux !)

En novembre dernier, le ministre de l’industrie avait affirmé que l’impact d’un rejet en mer serait négligeable : entre 0,052 et 0,62 microsievert par an, sans donner la moindre information sur les hypothèses du calcul. Ce serait 1,3 microsievert par an en cas de rejet atmosphérique (voir le Mainichi, par exemple). Là encore, on ne sait pas comment ce chiffre a été obtenu, alors qu’un calcul de dose dépend de nombreux paramètres. Et de comparer ces niveaux à la radioactivité naturelle qui induit une dose moyenne de 2 100 µSv/an. L’exposition naturelle n’est pas une référence en radioprotection !

Rappelons que TEPCo a annoncé qu’elle n’aurait plus de place pour entreposer l’eau contaminée dans des cuves à l’été 2022. Le stock sera alors de 1,37 million de mètres cube. Il pourrait dépasser les 2 millions de mètres cube en 2035 en l’absence de rejet.

Selon ce document récent, TEPCo injecte toujours environ 70 m3/j dans chacun des réacteurs accidentés pour refroidir le corium et en pompe plus dans les sous-sols à cause des infiltrations. Le stock d’eau traitée partiellement ou complètement s’élève officiellement à 1,17 million de mètres cube. Il y a aussi environ 30 000 m3 dans les sous-sols.

Selon cet autre document, le stock augmente peu en ce moment, en l’absence de pluie : 25 m3 par jour. En moyenne sur l’année, cela dépasse les 100 m3/j.