Dans une interview donnée à la presse étrangère, le nouveau PDG de TEPCo a réaffirmé la volonté de la compagnie de rejeter dans l’océan l’eau partiellement décontaminée qui s’accumule dans des cuves. “La décision a déjà été prise prise” aurait-il dit (voir le Japan Times, par exemple). Cela a provoqué un tollé et une mise au point de la compagnie dans sa langue de bois habituelle.
L’idée de rejeter en mer l’eau partiellement décontaminée n’est pas nouvelle. Elle a la faveur du gouvernement et de la compagnie, mais personne ne veut en endosser la responsabilité. La principale question est comment faire accepter ce rejet ?
Pour le PDG de TEPCo, les rejets sont acceptés par les autorités et auraient déjà dû être effectués. Au 6 juillet, selon les médias, il y aurait 770 000 tonnes d’eau contaminée essentiellement au tritium et prêtes à être rejetée. Cette eau, stockée dans environ 580 cuves, présente une menace en cas de nouveau séisme. Les coopératives de pêche ont protesté, en parlant, comme d’habitude, de “rumeurs néfastes” et ont obtenu le soutien du ministre de la reconstruction.
Où en est la compagnie dans sa gestion de l’eau contaminée ?
Les combustibles fondus, mélangés à des gravats, les fameux corium des réacteurs 1 à 3, doivent être continuellement refroidis. Pour cela, TEPCo injecte environ 70 m3 par jour dans chacun des réacteurs (source). Comme tout est percé, l’eau contaminée au contact du corium, s’écoule dans les sous-sols où elle se mélange à l’eau de la nappe phréatique qui s’infiltre. Cela représente environ 121 m3 qui s’ajoutent chaque jour au stock d’eau contaminée. La nappe phréatique à proximité des réacteurs est aussi fortement contaminée, trop par endroit, et l’eau ne peut pas être traitée sur place avant rejet en mer. Elle est donc rejetée dans les sous-sols. Cela représente environ 23 m3 par jour. Ce peut être plus quand il pleut. Cela fait donc un total de 144 m3 quotidiens qui viennent s’ajouter aux 207 m3 que TEPCo injecte pour le refroidissement (source).
Au début de la catastrophe, c’étaient environ 400 m3 qui s’infiltraient chaque jour dans les sous-sols des bâtiments turbine et réacteur. Le gel du sol autour des réacteurs, débuté en mars 2016, et le bouchage des galeries souterraines ont donc réduit les infiltrations, mais ne les ont pas arrêtées. Fin juin, TEPCo a demandé l’autorisation de finir de geler complètement le sol. Il restait environ 7 m non gelés en amont des réacteurs. L’Autorité de Régulation Nucléaire craignait qu’une baisse importante du niveau de la nappe phréatique augmente les fuites d’eau contaminée des sous-sols vers l’extérieur. Elle a donné son accord à la complétion du mur de glace le 28 juin dernier. L’impact sur le volume d’eau pompée représenté sur la courbe de ce document de TEPCo n’est pas flagrant.
Cette eau pompée s’accumule dans des cuves qui couvrent tout le site de la centrale nucléaire. Les premières cuves, de piètre qualité, avaient entraîné des fuites. TEPCo a fini de démanteler celles de la zone H4 comme on peut le voir sur ces photos.
L’eau des cuves est partiellement décontaminée : 62 radioéléments sont retirés, mais pas le tritium car c’est trop complexe. Le tritium, qui est de l’hydrogène radioactif, fait partie de la molécule d’eau. Il a une demi-vie de 12 ans. TEPCo et les autorités japonaises comptent sur sa dilution dans l’océan pour s’en débarrasser. En fonctionnement normal, le tritium produit dans les réacteurs nucléaires est généralement entièrement rejeté dans l’environnement.
Le dernier bilan publié par TEPCo fait apparaître :
- 9 290 m3 de déchets liquides concentrés ;
- 785 926 m3 d’eau radioactive traitée dans laquelle il ne resterait essentiellement que du tritium ;
- 199 352 m3 d’eau contaminée dans seul le strontium a été retiré.
Cela fait un total de près d’un million de mètres cubes d’eau dans des cuves, auxquels il faut ajouter environ 47 000 m3 d’eau contaminée dans les sous-sols des 4 réacteurs accidentés et 11 750 m3 dans d’autres bâtiments.
TEPCo annonce aussi avoir traité un total de 1 797 970 m3 d’eau contaminée. Une partie est utilisée pour le refroidissement des réacteurs.
A noter que la commune d’Iwaki a rouvert sa plage d’Usuiso pour la première fois cet été depuis le tsunami après avoir effectué des tests de débit de dose et des contrôles de la radioactivité de l’eau de mer. Une cérémonie d’ouverture a eu lieu le 15 juillet, pour cette plage qui était classée parmi les 100 plus belles du Japon. Elle attirait 260 000 personnes par ana avant le tsunami de 2011. Ses plages d’Yotsukura et Nakoso ont rouvert en 2016. Six autres plages restent fermées car les travaux de restauration ne sont pas terminés. Quant à la commune de Sôma, elle espère rouvrir ses plages pour l’été 2018. Il y a déjà des équipements comme des toilettes, douches, bancs… 50 000 personnes venaient s’y baigner avant le tsunami.