L’eau contaminée par le combustible nucléaire fondu qu’il faut refroidir continuellement reste un défi majeur pour TEPCo. Outre l’eau injectée, qui s’infiltre ensuite dans les sous-sols, celle des nappes phréatiques s’infiltre aussi et se mélange à l’eau de refroidissement, contaminée. Au début de la catastrophe, TEPCo accumulait chaque jour 400 m3 d’eau contaminée dans des cuves. C’est passé à 100 m3 par jour suite au gel du sol tout autour des réacteurs accidentés. Lors de fortes pluies, c’est plus.
Cette eau est partiellement décontaminée : TEPCo retire 62 radioéléments, mais il reste notamment le tritium, de l’hydrogène radioactif, qu’il est difficile de séparer. Le stock d’eau traitée, accumulé dans les cuves qui couvrent le site de la centrale, dépasse le million de mètres cubes. Cette situation n’est pas pérenne et pose même des risques en cas de séisme.
TEPCo et les autorités veulent rejeter cette eau en mer, mais cela n’est pas si simple. La concentration en tritium serait d’un à cinq millions de becquerels par litre, ce qui est plus que la limite autorisée, fixée à 60 000 Bq/L. Mais, il suffit de diluer, comme cela est fait en fonctionnement normal. Le problème est plutôt du côté du stock total, estimé à 3,4 PBq (3,4 milliards de millions de becquerels), ce qui représente de l’ordre de 150 années de rejet à la limite autorisée. Comment faire accepter une augmentation des autorisations de rejet aux Japonais et aux autres pays du Pacifique ?
A titre de comparaison, l’autorisation de rejet en mer de l’usine Areva de La Hague est, pour le tritium, de 18,5 PBq et les rejets effectifs de ces dernières années variaient entre 11,6 et 13,4 PBq par an. Le stock de tritium de Fukushima représente donc 3 mois et demi de rejets à La Hague. De quoi rendre jalouses les autorités japonaises !
Selon le Japan Times, Toyoshi Fuketa, le président de l’Autorité de Régulation Nucléaire, a demandé à ce qu’une décision soit prise cette année, en précisant que le rejet en mer est la seule solution. La préparation du rejet devrait prendre deux à trois ans, selon lui, et TEPCo va rapidement manquer de place.
TEPCo et les autorités devraient commencer par faire preuve de plus de transparence. On ne connaît pas la contamination résiduelle des autres radioéléments dans l’eau traitée. Difficile, dans ces conditions, de se faire une opinion. On ne peut pas se satisfaire d’incantations relatives à la non nocivité “scientifiquement prouvée” des rejets et de la mise en cause de rumeurs néfastes.
Les pêcheurs sont très inquiets. Actuellement, la moitiés seulement du milliers de pêcheurs de la région prend la mer deux fois par semaine, même si plus d’une centaine d’espèces de poissons sont dans la limite de commercialisation fixée à 50 Bq/kg, la moitié de la limite gouvernementale. 2 000 tonnes ont été pêchées près de la côte en 2016, soit 8% des prises avant la catastrophe. Pour la pêche profonde, c’est 50%.