Centrale de Kashiwazaki-Kariwa : deux réacteurs autorisés à redémarrer sous condition

L’Autorité de Régulation Nucléaire, la NRA, s’est réunie à propos des réacteurs 6 et 7 de la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, située à Niigata, pour lesquels TEPCo a demandé une autorisation de redémarrage. La question est de savoir s’ils satisfont aux nouvelles règles de sûreté mises en place après la catastrophe nucléaire. Il s’agit de deux réacteurs à eau bouillante, comme à Fukushima, alors que les réacteurs autorisés à redémarrer à ce jour sont tous des réacteurs à eau sous pression.

Mais TEPCo n’est pas un exploitant nucléaire comme les autres. De graves lacunes dans sa culture de sûreté ont conduit à la catastrophe nucléaire. Elle a privilégié le profit sur la sûreté en reportant, par exemple, la construction d’une digue contre les tsunamis plus élevée. Avant même la catastrophe, la compagnie avait dû faire face avait vu tout son parc nucléaire arrêté car elle avait falsifié des rapports de sûreté pour faire des économies. Les scandales furent aussi nombreux après la catastrophe.

TEPCo compte sur ces réacteurs pour augmenter ses ressources financières. Mais elle doit démontrer qu’elle peut sécuriser la centrale accidentée de Fukushima daï-ichi, ce qui nécessite des fonds… Une équation impossible à résoudre ! Pour la centrale de Niigata, TEPCo a annoncé devoir dépenser 680 milliards de yens (5,2 milliards d’euros) afin de renforcer sa sûreté.

L’instruction du dossier déposé en septembre 2013 est presque terminée et la NRA doit prendre une décision. L’instruction a été longue et complexe car les mesures mises en place par TEPCo pour faire face à un séisme de grande ampleur étaient lacunaires : elle avait négligé le risque de liquéfaction des sols. Elle s’était aussi trompée sur la résistance sismique d’un bâtiment clé pour la sûreté. La compagnie doit surtout démontrer qu’elle a la culture de sûreté suffisante pour exploiter une centrale nucléaire.

Lors d’une première réunion qui a eu lieu le 6 septembre, la NRA a entériné la dimension technique du dossier relative aux nouvelles règles de sûreté. En revanche, les commissaires n’ont pas réussi à ce mettre d’accord sur l’aptitude de TEPCo à exploiter ces réacteurs en toute sûreté. Alors que la compagnie est exsangue, elle risque de faire passer les profits avant la sûreté.

Le président de la NRA avait déclaré le 10 juillet dernier, que si “TEPCo ne veut ou ne peut pas terminer le démantèlement de Fukushima, elle n’est simplement pas qualifiée pour exploiter Kashiwazaki-Kariwa”. Et d’ajouter qu’il ne voyait pas “TEPCo prendre des initiatives”. Il avait en tête, notamment, l’eau contaminée qui s’accumule sans solution. Le nouveau directoire est aussi source d’inquiétude car il ne connait pas les enjeux auquel il doit faire face. La NRA a donc rédigé une position allant dans le même sens qu’elle a soumise à la compagnie. La réponse est arrivée le 25 d’août : TEPCo s’engage à prendre des initiatives pour les victimes de la catastrophe nucléaire et à démanteler les réacteurs accidentés. Mais le document est essentiellement une déclaration d’intention et ne présente pas grand chose de concret. Il n’aborde pas, par exemple, le problème de l’eau contaminée. Comment garantir ces engagements sur des décennies ? Pour montrer sa bonne volonté, le nouveau PDG a visité la centrale de Fukushima daï-ichi 7 fois depuis qu’il s’est fait sévèrement critiqué par la NRA.

Selon le Maïnichi, la NRA semble avoir une attitude plus conciliante depuis. Lors d’une audition du PDG qui a eu lieu le 30 août, la NRA n’a pas posé de question précise et s’en est tenue à des généralités. Selon un de ses membres, elle n’aurait pas de pouvoir légal à exiger plus de garanties sur le démantèlement avant d’autoriser le redémarrage de deux réacteurs à Kashiwazaki-Kariwa. Même le président de la NRA, qui part à la retraite le 18 septembre prochain, aurait conclu que les circonstances ne permettent pas de s’opposer à la qualification de TEPCo.

C’est lors de la deuxième réunion du 13 septembre que les commissaires de la NRA sont arrivés à une conclusion : la NRA va donner son accord à la condition que TEPCo inscrive dans ses propres règles de sûreté son engagement à mener à bout le démantèlement de Fukushima daï-ichi et de mettre la priorité sur la sûreté. Elle devra ajouter à ses règles de sûreté internes un plan détaillé des procédures mises en place pour garantir la sûreté. Une fois accepté par la NRA, ce plan fera l’objet d’inspections. Le président de la NRA a indiqué, lors de la conférence de presse, que le but est de rendre l’engagement de TEPCo contraignant.

La NRA demande aussi un véritable engagement du ministère de l’industrie à superviser la compagnie et à renforcer ces règles de sûreté. Rappelons que l’Etat japonais est actionnaire majoritaire depuis la catastrophe.

Certains observateurs se demandent si la NRA n’a pas tout fait pour obtenir un accord avant le départ à la retraite de son premier président, Shun’ichi Tanaka, qui part à la retraite après un mandat de 5 ans. Les pressions extérieures ont dû aussi être très fortes. Beaucoup doutent de la capacité de TEPCo à se réformer en profondeur afin de devenir un exploitant responsable. L’évaluation de ses engagements à se réformer est aussi difficile à mettre en œuvre car cela repose sur des critères subjectifs.

La NRA doit encore formaliser son avis et le soumettre à l’avis du public.

Notons que le gouverneur actuel est opposé à ce redémarrage. Même s’il n’a légalement pas son mot à dire, il est politiquement difficile de passer outre son avis. Et le maire de Kashiwazaki, qui lui a un pouvoir de véto, a aussi mis des conditions à son accord.

Les réacteurs 6 et 7 de Kashiwazaki-Kariwa ont été mis en service en 1996 et 1977 respectivement. Ils ont une puissance de 1 360 MWhe chacun.