En août 2017, le gouvernement a lancé les discussions pour réviser le plan énergie de 2015 et, en mai 2018, le ministère de l’économie avait finalement décidé de ne rien changer, malgré des objectifs irréalistes. Le gouvernement vient d’entériner ce “nouveau” plan qui vise toujours 20 à 22% d’électricité nucléaire à l’horizon 2030 et 22 à 24% d’électricité renouvelable. Ce ne sera pas possible pour le nucléaire car cela obligerait à exploiter une trentaine de tranches. Or, seulement 9 réacteurs ont été remis en service depuis la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima daï-ichi et 19 arrêtés définitivement. Le plan maintient aussi le vœux contradictoire de réduire la part du nucléaire autant que possible.
Aucun chiffre n’est donné pour l’horizon 2050, un des objectifs du Japon dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat avec une baisse promise de 80% des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 2013. En attendant, ce sont les énergies fossiles qui dominent et les économies d’énergie ne semblent pas faire partie de la stratégie du pays. Comme avant la catastrophe de Fukushima, il fait de nouveau froid dans de nombreux restaurants, magasins… tellement la climatisation est forte. La réduction de la consommation est déjà oubliée.
Le gouvernement continue à miser sur l’exportation de sa technologie nucléaire, même si le marché est très réduit. Il voit là un moyen de soutenir l’économie du pays. Mais le plan n’aborde pas la construction de nouveaux réacteurs au Japon, sujet tabou car peu populaire. Il maintient en revanche, la politique de retraitement, même si l’usine de Rokkashô-mura a déjà 24 ans de retard pour sa mise en service potentielle et qu’il n’y a pas assez de réacteurs pour consommer le plutonium extrait. Seulement 4 réacteurs utilisent du MOx actuellement au Japon dans une partie de leur cœur et un tel réacteur ne consomme que 400 kg de Pu par an. Sur les 10 réacteurs autorisés à utiliser ce combustible qui contient du plutonium de retraitement, combien redémarreront dans les années à venir ? Il y a parmi les six réacteurs restants, il y a Kashiwazaki Kariwa-3, Shika-1, Hamaoka-4, Tomari-3 et Onagawa-3 qui ne redémarreront pas de sitôt, voire jamais.
Mais comme le stock de plutonium du Japon ne faiblit pas et que les perspectives d’utilisation restent très réduite, ce sujet préoccupe la communauté internationale. Trois ONG japonaises ont aussi envoyé une lettre ouverte à l’AIEA à ce propos le 21 juin dernier. Alors, le plan mentionne pour la première fois de son histoire que le Japon va faire des efforts pour réduire son stock évalué à 46,9 tonnes actuellement, dont 16,2 tonnes sont en France, 20,9 tonnes en Grande-Bretagne, et 9,8 tonnes au Japon. Mais il reste flou sur les moyens pour y arriver. La réduction du stock n’est pas pour tout de suite.
Le 10 juin dernier, le Nikkei rapportait que les Etats-Unis avaient demandé au Japon de réduire son stock de plutonium dans un contexte où ils essayaient de convaincre la Corée du Nord d’abandonner son arsenal nucléaire. En réponse, le Japon se devait d’annoncer un plan de réduction du stock. Le gouvernement s’est donc naturellement retourné vers les compagnies d’électricité et leur a demandé d’augmenter le nombre de réacteurs qui peuvent utiliser du MOx. Plus facile à demander qu’à faire…
Selon le Nikkei, l’idée du gouvernement est d’utiliser du plutonium extrait de combustibles appartenant à TEPCo et Chûbu Electric dans des réacteurs de Kyûshû Electric et Shikoku Electric, qui eux ont déjà redémarré. Il n’est pas sûr que les compagnies et les élus locaux acceptent.
Depuis l’arrêt définitif du surgénérateur Monju, qui devait consommer une partie du plutonium pour en créer la même quantité, il n’y a plus de justification d’en maintenir un stock élevé. Le Japon voulait participer au projet français Astrid pour remplacer Monju et justifier sa politique nucléaire. Il devait en payer la moitié. Mais le CEA pourrait réduire drastiquement la puissance du prototype, qui passerait de 600 MWe à 200 voire 100 MWe, ce qui déplait au Japon, car cela ne fait que reculer l’échéance de voire la génération IV réaliser les prouesses que ses promoteurs promettent. Et si le Japon voulait développer son propre prototype, il est fort probable qu’il ne puisse pas trouver de site. Dans un éditorial daté du 17 juin, l’Asahi appelle donc le gouvernement japonais à abandonner ses projets de surgénérateur et de retraitement.
Si l’usine de retraitement devait finalement démarrer un jour, sa capacité devrait permettre d’extraire 8 tonnes de plutonium par an. Le tonnage de combustibles traité sera forcément limité par les possibilités d’utilisation du plutonium alors que l’usine a déjà coûté environ 2 900 milliards de yens (22 milliards d’euros). Cette usine pourrait donc ne jamais démarrer, d’abord à cause des problèmes techniques de l’étape de vitrification mise au point sur place, puis à cause des risques de prolifération. La dernière raison est économique.
Le Japon fait tout pour tenter de satisfaire à la demande américaine car il craint que les Etats-Unis dénoncent leur accord commun qui leur permet de tenter de retraiter les combustibles usés. Le pacte doit être renouvelé tacitement à partir du 16 juillet prochain.