La télévision publique japonaise, la NHK, vient de diffuser un documentaire repéré par Fukuleaks, qui explique l’origine de l’augmentation des rejets radioactifs à partir du 18 mars 2011 :
Selon le documentaire, 40% des rejets ont été émis durant cette période, et les vents ont parfois soufflé vers les terres de l’archipel. Or, TEPCo avait réduit l’injection d’eau de refroidissement dans les réacteurs pendant deux jours, et ce pourrait être à l’origine de cette hausse des émissions radioactives. A l’époque, le refroidissement était assuré par des camions pompe des pompiers.
L’amplitude des pics de contamination relevés sur des filtres situés à Futaba est aussi élevée qu’après ceux qui caractérisent les explosions hydrogène. Cela mérite donc des explications.
La NHK a essayé de comprendre pourquoi. Outre l’improvisation complète face à des évènements inattendus et le chaos qui régnait dans toute la chaîne de commande en situation de crise, une augmentation soudaine de la pression dans la chambre de suppression du réacteur n°3, qui est passée de 20 à 420 kPa, faisait craindre une rupture de l’enceinte de confinement. La réponse a été la réduction de l’injection d’eau de 600 à 160 L/min. L’injection a aussi été réduite dans les réacteurs 1 et 2.
Une analyse a posteriori a montré que le refroidissement était alors insuffisant et que la température du réacteur n°3 a commencé à augmenter pour passer de 200 à environ 400°C en deux jours. Cela a pu conduire a un détachement et une remise en suspension des produits de fission radioactifs. Les images du réacteur n°3 prises le 18 mars 2018 montrent un panache de vapeur provenant de l’enceinte de confinement, qui devait donc être très radioactif. De même, un panache est apparu au dessus du réacteur n°2 à cette époque. TEPCo, de son côté, affirme qu’il est difficile d’établir un lien de cause à effet entre la réduction de l’injection d’eau et la hausse des rejets. A l’époque, la compagnie avait mis deux jours pour comprendre ce qui se passait dans les réacteurs.
La NHK a aussi analysé les enregistrements des vidéoconférences entre le siège de TEPCo à Tôkyô, la cellule de crise à la centrale de Fukushima daï-ichi et les autres centrales du groupe. Il apparaît que la décision de réduire l’injection d’eau ne faisait pas l’unanimité. Le directeur de la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, par exemple, y était opposé. A la centrale de Fukushima daï-ichi, le directeur et son équipe devaient face à une multitude de problèmes et ne pouvaient pas analyser les conséquences de la décision de réduire l’injection d’eau de refroidissement. Ils ne s’y sont pas opposés.
Selon les experts consultés par la NHK, c’est le directeur de Fukushima daï-ichi qui avait la meilleure expertise de la situation et qui a pris les meilleures décisions. Mais, le 17 mars 2011, quand la décision de réduire l’injection d’eau a été prise, il était plus préoccupé par le refroidissement des piscines de combustibles usés, qui ne sont pas protégées par une enceinte de confinement. Le “coût de la coordination” des nombreuses tâches qui retombaient sur les épaules du directeur de la centrale et son équipe ont entraîné la sous-estimation du risque et la non-détection des problèmes qui s’en sont suivis.
Rappelons aussi qu’il n’y avait pas d’électricité dans les réacteurs et les capteurs ne fonctionnaient pas tous. Par conséquent, peu d’information était disponible. Le rétablissement de l’électricité n’était pas prioritaire sur le refroidissement des piscines. Quand l’électivité a pu finalement être rétablie dans la salle de contrôle principale, le 19 mars, il est apparu que la température du réacteur n°3 était beaucoup trop élevée et dépassait les 300°C. L’erreur est devenue évidente et il a été ordonné d’augmenter l’injection d’eau de refroidissement.
Voir l’excellent documentaire en anglais sur Youtube :
L’article scientifique sur les rejets analysés à partir des aérosols collectés sur des filtres à Futaba et ailleurs est ici, en accès payant.