Nouvelles manifestations de masse au Japon

C’est le projet de loi sur l’engagement de l’armée japonaise, appelée “forces d’auto-défense”, qui mobilise à nouveau de nombreux Japonais. Après la manifestation massive du mois dernier, ils étaient, de nouveau, plusieurs dizaines de milliers à entourer le parlement pour tenter d’empêcher l’adoption de la loi. Les organisateurs mentionnent 45 000 personnes cette fois-ci.

Les manifestations sont généralement limitées aux trottoirs par de très nombreux policiers. Mais ces derniers ont été débordés et la foule a pu envahir la chaussée sur la rue qui mène au parlement. Outre des slogans contre le projet de loi, il y a aussi des appels à la démission du premier ministre, qui chute dans les sondages.

Des étudiants appellent à manifester tous les jours, jusqu’au passage de la loi devant la chambre basse, le 16 septembre et devant la chambre haute, le 18 septembre probablement. Le gouvernement veut éviter le long week-end du 19-20 septembre qui est suivi par plusieurs jours fériés (silver week), de crainte de nouvelles manifestations massives.

C’est ce même gouvernement qui doit gérer la catastrophe nucléaire. Comment peut-il y arriver sans écouter l’avis de la population ? Le premier ministre a déclaré que le soutien de la population devrait augmenter après le vote, avec le temps qui passe. Bref, la population se laisserait emporter par ses émotions. Une fois la raison revenue, tout le monde réalisera combien le premier ministre avait raison ! Quel mépris !

C’est la même philosophie qui est appliquée au retour des populations. Tout faire pour qu’elles rentrent, en pariant qu’elles seront d’accord, une fois de retour. Mais, c’est faire fi du stress engendré par cette situation et des risques liés au seuil de dose élevé qui est maintenu pour la politique de retour.

Il y a eu un changement important dans la société japonaise après la triple catastrophe de mars 2011. De nombreuses personnes se sont organisées pour accéder à la connaissance nécessaire pour prendre des décisions dans une situation de risque nouvelle due à la radioactivité (voir notre rapport de février 2012 sur les initiatives citoyennes au Japon). La défiance, voire la colère, envers les autorités est aussi plus forte. Cela se traduit par des manifestations massives, que ce soit contre l’énergie nucléaire, le déplacement d’une base militaire américaine à Okinawa ou ce projet de loi. Il est aussi impossible de trouver des sites pour le stockage des déchets radioactifs.

Un documentaire récent, dédié à ces manifestations, “Tell the Prime Minister“, met bien en évidence la grande diversité des personnes qui manifestent. (L’extrait vidéo sur ce site montrent des manifestations contre le redémarrage des réacteurs nucléaires. On entend saïkadô hantaï, saïkadô hantaï…).

La classe politique au pouvoir à Tôkyô ne veut pas voir ces changements sociétaux et continue à se comporter comme avant. Les décisions prises sans respecter l’avis des populations peuvent être particulièrement délétères pour les victimes de la catastrophe de Fukushima. Ce seront, une fois de plus, les personnes les plus vulnérables, qui n’ont pas les moyens de s’opposer aux autorités, qui en feront les frais.