Les lecteurs de ce blog le savent, un des problèmes majeurs auxquels doit faire face TEPCo concerne l’eau contaminée qui s’accumule sans solution en vue. Et l’ultime solution mise en place pour tenter d’enrailler le problème, à savoir le gel du sol tout autour des réacteurs, tourne au fiasco. L’idée date de la fin 2013, mais la mise en œuvre a été beaucoup plus complexe que prévue. Malheureusement, les premiers doutes de l’été se confirment et la compagnie et les autorités n’ont pas vraiment d’autre solution.
Rappelons que la falaise a été arasée pour mettre les réacteurs plus près du niveau de la mer et que leurs sous-sols sont sur le parcours des écoulements phréatiques. Avant la catastrophe, TEPCo devait pomper environ 1 000 m3 par jour dans les nappes phréatiques pour éviter les infiltrations. Après l’accident, ces pompages ont été arrêtés et l’eau souterraine, après infiltration, se mélange à l’eau qui sert au refroidissement des combustibles fondus, qui est très contaminée. Les échanges ont lieu dans les deux sens et les nappes phréatiques sont aussi très contaminées. Ce n’est qu’en 2013 que TEPCo a admis le problème et les fuites vers la mer.
TEPCo pompe l’eau des sous-sols, la décontamine partiellement et la réinjecte pour le refroidissement. Mais elle doit pomper environ 400 m3 par jour de plus que ce qu’elle injecte. Cette eau est stockée dans des cuves et TEPCo ne sait plus où les mettre. L’ultime solution proposée par les autorités et payée par les contribuables japonais consiste en un gel du sous-sol dans le but de bloquer les écoulements. L’installation est en service depuis le mois de juin 2016, et, trois mois plus tard, les résultats se font attendre car certaines parties ne gèlent pas et les infiltrations d’eau dans les sous-sols des réacteurs restent élevées.
Ce problème est apparu dès les premiers tests en 2014 : il était impossible de geler les nombreuses galeries souterraines situées entre les réacteurs et le littoral. Ce n’était pourtant pas faute d’insister. Tout avait été testé, même un colmatage partiel. En vain. Ces galeries ont donc été bétonnées en 2015. C’était dû aux écoulements. Et si le gel ne prend pas partout actuellement, c’est encore dû aux écoulements. La solution proposée par TEPCo ne varie pas non plus : bétonner les parties qui ne gèlent pas. Cela n’a pas marché pour les galeries. Est-ce que cela marchera cette fois-ci ? Probablement pas. Il faudra peut-être tout bétonner.
Le typhon n°10, Lionrock, qui a entraîné de fortes pluies et provoqué plusieurs décès au Japon, est aussi responsable du dégel partiel du mur. Au sud du réacteur n°4, par exemple, la température est passée de -5 à +1,8°C. A l’est du réacteur n°3, c’est passé de -1,5 à +1,4°C. Par ailleurs, le niveau de la nappe phréatique est monté de 7 cm entre les réacteurs et le littoral, malgré les pompages. Il n’était plus qu’à 28 cm de profondeur.
TEPCo reste optimiste dans sa communication : le débit des infiltrations devrait passer de 400 m3 par jour à 250 en septembre, puis 150 en janvier, selon l’Asahi.
Ce projet a déjà coûté 34,5 milliards de yens (300 millions d’euros) aux contribuables et le coût de fonctionnement est élevé. Il était contesté depuis le début et il serait temps d’écouter les critiques. Certains proposaient de construire plutôt un mur souterrain en béton tout autour des réacteurs, même si cela prend plus de temps. Cela risque d’être la solution adoptée in fine. Plusieurs années auront alors été perdues pendant lesquelles l’eau contaminée s’est accumulée.
Voir aussi le bon article du New-York Times à ce sujet.
PS du 9 septembre 2016 : dans ses tweets sur le sujet, TEPCo explique que le “mur gelé progresse” et que “la température et les niveaux d’eau évoluent”. Cela ne veut rien dire. On est dans la com sans aucun intérêt. Dans ces données publiées, il n’y a pas la quantité d’eau contaminée pompée, qui est pourtant l’indicateur le plus pertinent.