Après avoir arrêté définitivement Monju, son surgénérateur, le Japon a du mal à justifier sa politique d’extraction du plutonium des combustibles usés. Il a dépensé des milliards d’euros dans une usine de retraitement à Rokkashô-mura qui accuse déjà 24 années de retard et dont l’utilité est de plus en plus remise en question. Et comme le Royaume-Uni arrête le retraitement, il ne reste plus que la France avec qui il peut s’entendre.
Le Japon et la France avaient donc entamé des discussions à propos d’une participation dans ASTRID, le projet de surgénérateur français qui doit faire mieux que Superphénix. Un accord de coopération avait été signé en 2014. Selon le Nikkei du 30 novembre dernier, la France aurait informé le Japon qu’elle allait renoncer à ce projet en 2019 et qu’elle renoncerait à tout investissement dans les surgénérateurs à partir de 2020. Mais, selon Reuters, le CEA, qui porte le projet, a démenti en précisant qu’aucune décision officielle n’avait été prise.
L’arrêt de ce programme est raisonnable. En effet, le concept de surgénérateur date des années 1950 et il aurait dû être prêt pour la fin du siècle dernier. Selon le CEA, l’aboutissement était pour la fin de ce siècle. Bref, juste un siècle de plus de recherches et développement pour aboutir. Ce n’est donc pas très prometteur, mais cela permet de classer 95% de ce qui sort des réacteurs nucléaires en “matières valorisables” et non en déchets, même si elles ne sont pas valorisées. En France, le taux de recyclage est inférieur à 1%. Cela permet aussi d’avoir une filière industrielle dédiée au plutonium qui a un intérêt militaire.
Le Japon, qui a adopté une politique énergétique complètement irréaliste et qui s’accroche à sa filière plutonium va devoir revoir ses plans. Quant à la France, il va falloir revoir toute sa politique de gestion des déchets. Le retraitement à l’usine Orano de La Hague ne sert donc plus qu’à éviter l’engorgement des piscines et l’effondrement du parc nucléaire national.
Le gouvernement japonais n’a pas perdu de temps : selon l’Asahi du 3 décembre, il a annoncé vouloir construire son propre surgénérateur d’ici le milieu de ce siècle. Il s’agit de la date à partir de laquelle une filière surgénératrice commerciale devait être lancée au Japon, si Monju avait tenu ses promesses… La décision devrait être prise en 2024, avec un report à la fin de ce siècle de la mise en service industrielle (voir le communiqué du forum “atoms in Japan”). Le gouvernement tient surtout à faire des annonces pour ne pas avoir à s’expliquer sur sa politique du plutonium. Cette chimère va encore coûter des sommes folles aux contribuables japonais et cela recule encore plus la mise en place d’une politique raisonnable des combustibles usés japonais qui s’accumulent sans solution, comme le souligne l’Asahi, dans un éditorial.
Il est important de noter que cette nouvelle feuille de route ne mentionne pas le projet ASTRID !