Anders Møller et Timothy Mousseau ont publié une grande quantité d’articles scientifiques montrant l’impact de la radioactivité sur les écosystèmes autour des centrales accidentées de Tchernobyl et Fukushima. Nous avons rapporté certaines de leurs études sur ce blog. Il y a, en particulier, plusieurs études sur l’impact biologique sur les oiseaux et leur déclin. Ils ont montré, par exemple, que l’exposition chronique à de faibles doses de radioactivité entraînait une baisse de la biodiversité, une diminution de la fertilité ainsi que de la taille du cerveau chez les oiseaux vivant à proximité de ces sites, selon l’article du Journal de l’Environnement. Nous avions aussi rapporté d’autres études plus récentes, en avril dernier.
Le 28 octobre 2014, l’IRSN avait vivement critiqué ces travaux pour leur manque de puissance statistique ou pour les biais dans l’évaluation des doses reçues. Mais l’institut ne proposait pas d’étude « modèle » ni de résultat, comme nous l’avions souligné.
Cette fois-ci, l’IRSN, Anders Møller et Timothy Mousseau publient un article commun qui les réconcilie. L’article est en libre accès. Dans sa note explicative, l’IRSN présente ces derniers comme deux écologues de renom.
Par le passé, l’IRSN leur reprochait d’avoir recourt à des doses ambiantes mesurées par radiamètre portatif pour évaluer l’exposition. La dose interne liée à l’alimentation n’était pas prise en compte. Par ailleurs, pour les oiseaux qui se déplacent sur de grands territoires, il est plus difficile d’évaluer la dose reçue.
Cette fois-ci, l’IRSN explique que la reconstruction des doses aux oiseaux permet de prendre en compte l’hétérogénéité de la contamination du territoire ainsi que l’influence du mode de vie des espèces sur leur niveau d’exposition. Dans le cadre de la présente étude, un travail de reconstruction dosimétrique a permis de prendre en compte les voies d’irradiation externe et interne ainsi que les spécificités d’exposition des oiseaux en fonction de leur mode de vie. Ainsi, les débits de dose reconstruits peuvent être supérieurs jusqu’à un facteur 20 aux débits de dose ambiants tels que mesurés in situ par des radiamètres portatifs. De plus, pour un même site, les débits de dose reconstruits varient d’un facteur 8 entre les 57 espèces examinées. Il apparait que 90 % des espèces sont exposées de manière chronique à des débits de doses susceptibles d’affecter leur reproduction.
Cette étude commune confirme l’impact de la radioactivité sur la reproduction des oiseaux. L’IRSN explique qu’une réduction de 22% du nombre total d’oiseaux se produit lorsque la dose absorbée augmente de 10 à 100 mGy (ou 10 à 100 mSv). Par ailleurs, la dose qui entraîne 50% de perte sur le nombre total d’oiseaux (dans la zone et pour la totalité de la période) est estimée à 550 mGy (ou 550 mSv).
Comme ont l’habitude de le souligner Møller et Mousseau, ces oiseaux ne sont pas stressés par l’accident nucléaire, ils ne boivent pas et ne fument pas…
Par ailleurs, lors de ses précédents travaux, Møller et Mousseau avaient conclu à une baisse du nombre d’espèces lorsque la dose ambiante augmente, tandis que la nouvelle étude montre au contraire une hausse du nombre d’espèces avec la dose totale absorbée. Mais la méthode pour évaluer la diversité des espèces n’est pas la même.