Décontamination : les mauvaises pratiques continuent

Les autorités ont engagé un immense chantier de décontamination partout où l’exposition externe pourrait dépasser un millisievert par an. Dans les zones évacuées, c’est le gouvernement qui en a la charge. Ailleurs, ce sont les communes, avec des fonds gouvernementaux. Ce sont généralement de grandes compagnies qui ont emporté les marchés et elles sous-traitent à d’autres, qui parfois sous-traitent à leur tour. Des déchets avaient été rejetés dans la rivière, de l’eau contaminée s’était écoulée dans la nature. Les droits des travailleurs n’étaient pas respectés : pas d’équipements de protection individuelle, pas de dosimétrie et l’embauche de SDF parfois.

Depuis janvier 2012, les travailleurs engagés dans ces travaux sont considérés comme des travailleurs du nucléaire. Ils ont la même limite de dose : 50 mSv sur un an et 100 mSv sur 5 ans. Ils ont droit à une visite médicale et les doses prises doivent être enregistrées.

Tout comme il y a des « nomades du nucléaire », il y a maintenant des « nomades de la décontamination ». Mais il n’y avait de fichier centralisé pour enregistrer les doses. Difficile, alors, de connaître la dose totale prise par ces travailleurs.

En novembre 2013, les majors du BTP, qui ont remporté les marchés de la décontamination, ont créé leur propre suivi des travailleurs basé sur un carnet de doses. Ces mêmes données sont destinées, à terme, à être transmises au fichier national.

Ce système, privé, ne concerne que les travailleurs engagés dans la décontamination des zones évacuées sous responsabilité gouvernementale. Ailleurs, l’exposition est supposée « faible » puisque non-évacuée. Il n’y a donc pas les mêmes règles.

Le Maïnichi, qui a recueilli le témoignage d’un de ces travailleurs qui révèle des pratiques douteuses. Selon cet homme, âgé de 45 ans, sur les chantiers « gouvernementaux », les règles sont maintenant respectées et chaque travailleur a un dosimètre. En revanche, sur les chantiers « municipaux », c’est loin d’être le cas. Il ne connaît donc pas sa dose cumulée.

Il cite le cas d’un chantier avec une dizaine de personnes dans la ville de Fukushima. La dose de 0,002 (pas d’unité donnée dans l’article, mais ce doit être des millisieverts) a été notée dans le carnet, sans la moindre mesure. La personne a juste noté ce que son patron lui a dit de noter. Les outils n’ont pas été contrôlés non plus et une contamination comprise entre 180 et 260 cpm a été indiquée. A partir de 13 000 cpm, les outils ne peuvent pas quitter le chantier. La compagnie qui a emporté le marché a accepté ces informations de son sous-traitant sans vérification.

De même pour les mesures de débit de dose ambiant après travaux : les données ont été inventées de toutes pièces. Ainsi, au lieu de nettoyer une habitation à l’eau sous pression, ils l’ont juste arrosée et ont ensuite indiqué des valeurs prises ailleurs.

La personne a pris des photos qu’elle a montrées au responsable du chantier. La mairie de Fukushima a déclaré ne pas être au courant.

L’article mentionne qu’il y a environ 8 000 compagnies du bâtiment engagées dans des chantiers de décontamination à Fukushima, plus des compagnies spécialisées dans le nettoyage. La décontamination a créé une bulle spéculative et certaines compagnies sont sans scrupules.

Selon le ministère de l’environnement, il y avait environ 28 000 personnes engagées chaque jour des chantiers de décontamination l’été dernier et environ 20 000 cet hiver.

Le quotidien revient sur les bénévoles qui participent à ces travaux en zone évacuée et dont nous avons déjà parlés. Il rapporte plusieurs témoignages, cette fois-ci.