Six personnes de Fukushima, qui avaient entre 6 et 16 ans en mars 2011 et qui ont développé un cancer de la thyroïde, ont porté plainte contre TEPCo car elles pensent que cette maladie est due aux retombées radioactives de la catastrophe nucléaire. Elles réclament 616 millions de yens d’indemnisation. Certains plaignants ont eu des difficultés à accéder à l’enseignement supérieur et à trouver un emploi, et ont même dû renoncer à leurs rêves d’avenir.
Selon l’Associated Press, Une plaignante a déclaré : “Je ne pouvais parler à personne de mon cancer car j’avais peur d’être victime de discrimination. Mais j’ai décidé de me manifester et de dire la vérité dans l’espoir d’améliorer la situation de près de 300 autres personnes qui souffrent également comme nous.” Et un des avocats d’ajouter que ceux qui s’expriment sont accusés d’entraver les efforts de redressement de la région. La mère d’un plaignant a déclaré lors de la conférence de presse, comme le rapporte l’Asahi, que plusieurs entreprises ont refusé d’embaucher son fils après qu’il leur a parlé de son cancer pendant sa recherche d’emploi.
Leur cancer a été diagnostiqué entre 2012 et 2018. Pour un des cas, le cancer a été découvert en dehors du programme de dépistage officiel mené par Université de médecine de Fukushima. Quatre de ces patients ont eu une ablation complète de la thyroïde et certains ont subi plusieurs interventions chirurgicales. Pour une de ces personnes, le cancer s’est propagé dans les poumons.
Le Tôkyô shimbun, traduit par l’association Nos voisins lointains, a recueilli de témoignage de cette dernière. On lui a diagnostiqué un cancer de la thyroïde en mars 2013, juste avant qu’elle ne commence sa troisième année de lycée, à l’âge de 17 ans. « On m’a dit que si je ne me faisais pas opérer, je risquais de ne pas vivre jusqu’à mes 23 ans. J’ai essayé de croire que tout irait bien, même si je me demandais : Pourquoi moi ? » Sa mère regrette de ne pas avoir quitté la province de Fukushima. Puis, elle a rechuté avec un développement du cancer sur le lobe restant de la glande thyroïde et dans les poumons. Elle a quitté l’université à l’âge de 19 ans pour se concentrer sur son traitement. Les deux opérations chirurgicales et une biopsie furent des épreuves difficiles à supporter. Elle a dû suivre trois séances de curiethérapie lors desquelles elle a été placée à l’isolement. « Je ne peux pas penser au mariage, à la naissance d’un enfant ou à quoi que ce soit d’autre à l’avenir », déclare-t-elle au journal.
Une autre patiente, diagnostiqué à l’âge de 19 ans en 2015, qui habite maintenant à Tôkyô, a dû faire de nombreux allers retours entre Fukushima et la capitale pour subir des examens, car la province de Fukushima prend entièrement en charge les frais médicaux couverts par l’assurance maladie, mais pas les frais de transport. Elle prenait donc des bus à longue distance, moins chers que le train à grande vitesse, mais ces déplacements devenaient physiquement de plus en plus éprouvants, selon le Tôkyô shimbun traduit par Nos voisins lointains. Après le diagnostic, en raison de sa méfiance à l’égard des hôpitaux de Fukushima, elle a préféré se faire opérer et subir des examens médicaux à Tôkyô. Chaque fois, ses parents l’ont accompagnée. Elle a dû payer de sa poche la totalité des frais de la chirurgie endoscopique destinée à réduire au maximum les cicatrices sur son cou, car celle-ci n’était pas couverte à l’époque par l’aide préfectorale. Avec toutes les contraintes imposées par son traitement, elle a omis de faire une demande de renouvellement de sa bourse d’études universitaires, et à partir de sa troisième année d’études, elle a dû régler l’ensemble de ses frais de scolarité. La jeune femme, qui a toujours peur d’une récidive, se sent très angoissée de ce qui lui arrivera à l’avenir et réclame donc un supplément d’aides.
L’Université de médecine de Fukushima et les autorités prétendent que l’on ne peut pas démontrer le lien entre les retombées radioactives et l’augmentation observée du nombre de cas et avancent un effet du dépistage. Mais, statistiquement, on ne peut pas exclure que certains cas soient dus au l’exposition aux rayonnements (voir notre revue de la littérature scientifique à ce sujet) et ce n’est jamais dit par les autorités. Suite à la pollution de la Baie de Minamata par du mercure, la compagnie responsable des rejets toxiques avait dû indemniser les victimes car elle n’avait pas pu prouver qu’il n’y avait pas de lien entre les maladies des plaignants et la contamination.
Le gouvernement a à peine mentionné les dommages sanitaires liés à l’exposition aux radiations dans ses directives provisoires sur l’indemnisation des victimes de la catastrophe nucléaire de 2013. En fonction de la décision de la justice, le gouvernement pourrait devoir revoir ses critères et offrir une réparation aux patients atteints d’un cancer de la thyroïde.
C’est la première fois qu’une plainte est déposée à propos des cancers de la thyroïde. Pour un avocat, “il y a une forte pression sociale pour croire que ce cancer n’est pas causé par l’accident, donc il a fallu beaucoup de courage aux six plaignants pour déposer plainte.”
Les dernières données officielles sur le nombre de cas ont été publiées en octobre dernier.