Plusieurs fois par an, les autorités régionales publient des données relatives au dépistage du cancer de la thyroïde chez les jeunes de Fukushima. Les données présentées lors de la 50ème réunion du comité de suivi sont en ligne. Une traduction non-officielle en anglais sera disponible ici. Pour rappel, nous avions publié, en 2021, à l’occasion du dixième anniversaire de la catastrophe, une revue de littérature scientifique sur le sujet. Et le précédent bilan, issu de la 49ème réunion est ici.
Rappelons que tous les jeunes de Fukushima, qui avaient moins de 18 ans lors de la catastrophe nucléaire ou qui étaient encore dans le ventre de leur mère (c’est à dire, nés entre le 2 avril 1992 et le 1er avril 2012), peuvent bénéficier d’un dépistage par échographie tous les deux ans. Même si le taux de participation baisse, certains en sont à leur 6ème examen médical. Après 20 ans, le dépistage suivant se fait tous les 5 ans. Certains ont dépassé la trentaine et viennent d’apparaître dans le bilan.
Le tableau ci-dessous synthétise les données issues du dépistage officiel qui sont ici en japonais. Seuls les résultats des 5ème et 6ème campagnes de dépistage ainsi que les données des plus de 25 et 30 ans ont été mis à jour par rapport à la dernière publication. Ils sont datés du 30 septembre 2023. Comme on peut l’observer, le taux de dépistage diminue au fur et à mesure des campagnes, le nombre de cas réel est forcément plus élevé. De plus, les cas de cancer détectés en dehors du programme de suivi ne sont pas pris en compte dans les données mises en ligne par les autorités régionales, même si l’intervention chirurgicale a eu lieu à l’université de médecine de Fukushima, en charge du suivi… Enfin, le dépistage gouvernemental n’a lieu que dans la province de Fukushima alors que les provinces voisines ont aussi été touchées par les retombées radioactives. Les cas de cancer de la thyroïde qui pourraient y apparaître échappent aussi aux données officielles.
Dépistages avec résultat | Examens complémentaires terminés | Cytoponctions | Nombre de cancers suspectés | Nombre de cancers confirmés | |
Première campagne | 300 472 | 2 091 | 547 | 116 | 101 |
Deuxième campagne | 270 552 | 1 834 | 207 | 71 | 56 |
Troisième campagne | 217 922 | 1 068 | 79 | 31 | 29 |
Quatrième campagne | 183 410 | 1 016 | 91 | 39 | 34 |
Cinquième campagne | 113 941 | 1 007 | 87 | 43 | 34 |
Sixième campagne | 9 978 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Examen à 25 ans | 11 858 | 535 | 49 | 23 | 17 |
Examen à 30 ans | 1 562 | 93 | 16 | 5 | 3 |
Sur toutes les campagnes confondues, on arrive à un total de 327 cas de cancer de la thyroïde suspectés suite au dépistage exercé par l’université de médecine de Fukushima. Parmi eux, 274 jeunes ont subi une intervention chirurgicale qui a conduit à identifier 271 carcinomes papillaires, 1 carcinome peu différencié, 1 carcinome folliculaire et 1 autre cancer de la thyroïde. Rappelons que lors de la première campagne, un nodule s’est révélé bénin après chirurgie.
On note 6 cas de cancer supplémentaires depuis la dernière fois, découverts lors de la cinquième campagne de dépistage, ainsi que chez les plus de 25 et 30 ans. A noter qu’il n’y a toujours pas de cas découvert lors de la sixième campagne, ce qui est une bonne nouvelle.
Selon le rapport dédié à la cinquième campagne, 45% des jeunes éligibles à un dépistage ont été examinés et ont reçu les résultats. Parmi eux, 43 cas de cancer de la thyroïde ont été découverts (11 garçons et 32 filles), dont 34 confirmés après chirurgie. Ce sont tous des carcinomes papillaires. Sur les 43 cas de cancer de la thyroïde découverts lors de cette campagne, 6 n’avaient pas été examinés lors de la quatrième campagne et les autres n’avaient pas de cancer lors de l’examen précédent. 31 avaient même été classés A, c’est à dire ayant un nodule inférieur à 5 mm ou pas de nodule et un kyste de moins de 20 mm ou pas de kyste. Enfin, 16 jeunes parmi ces 43 car avaient 5 ans ou moins en mars 2011, au moment de l’accident nucléaire, et 9 avaient 6 ans.
8,6 % des jeunes concernés ont subi une échographie de la thyroïde lors de la sixième campagne de dépistage qui est encore en cours, selon le rapport dédié et la moitié environ a reçu ses résultats. Aucun cancer de la thyroïde n’a été découvert pour le moment.
Chez les plus de 25 ans, selon le rapport dédié, 9,2 % ont été dépistés. Sur les 23 cas de cancer détectés (4 hommes, 19 femmes), 14 n’avaient pas encore été dépistés. Sur les 9 autres, 5 étaient classés A et 4, B.
Enfin, moins de 7% des plus de 30 ans concernés ont été dépistés, selon le rapport dédié à cette catégorie. Sur les 5 cas découverts, tous des femmes, 3 n’avaient pas encore été dépistées. Les deux autres étaient classées A et B lors du dépistage précédent, à 25 ans.
A l’approche du 13ème anniversaire de la catastrophe nucléaire, rappelons les résultats des quatre campagnes précédentes.
Les dernières données relatives à la quatrième campagne de dépistage ont été publiées en décembre 2022, lors de la 46ème réunion du comité de suivi. Dans le rapport dédié, on peut lire que 39 cancers de la thyroïde ont été découverts (17 garçons et 22 filles), dont 34 confirmés après chirurgie. C’était tous des carcinomes papillaires. Sur ces 39 patients, 26 avaient été classés A lors de la campagne précédente, 9, B et 4 n’avaient pas été dépistés. Enfin, 6 avaient 5 ans ou moins en mars 2011.
Les dernières données relatives à la troisième campagne de dépistage ont été publiées en août 2020, lors de la 39ème réunion du comité de suivi. Le rapport dédié à la troisième campagne rapporte 31 cas de cancer de la thyroïde (13 garçons et 18 filles), dont 29 ont été confirmés par chirurgie. Sur ces 31 patients, 21 étaient classé A lors de la campagne précédente, 7, B et 3 n’avaient pas encore été examinés. Deux enfants avaient 5 ans en mars 2011.
Enfin, les données relatives à la deuxième campagne ont été publiées en juin 2018 à l’occasion de la 31ème réunion du comité de suivi. Le rapport dédié (il y a eu une mise à jour partielle dans ce rapport publié en janvier 2021) rapporte 71 cas de cancer (32 garçons et 39 filles). A l’époque, 52 cas avaient été confirmés suite à une intervention chirurgicale. C’est 56 maintenant. Sur ces 71 patients, 65 avaient été classés A lors de la première campagne, 5, B et un patient n’avait pas été dépisté auparavant.
Et, bien évidemment, les 116 patients dont un cancer de la thyroïde a été découvert lors de la première campagne de dépistage n’avaient jamais été dépistés avant.
Ainsi, sur les 327 cancers découverts chez les jeunes de Fukushima lors des différentes campagnes de dépistage, 146 n’avaient jamais été dépistés auparavant. On ne sait donc pas quand le cancer est apparu. En revanche, 181 patients avaient été dépistés lors de la campagne précédente, 2 à 5 ans auparavant, et ils n’avaient pas de cancer. On est donc sûr qu’ils sont apparus après la catastrophe nucléaire, même si cela ne constitue pas une preuve d’un lien de cause à effet. Il est cependant difficile d’affirmer qu’aucun n’est lié aux rejets radioactifs.