C’est un procès qui revient de loin : En 2012, un groupe de 5 700 citoyens japonais a porté plainte contre de nombreux dirigeants de TEPCo et du gouvernement. Puis, il avaient focalisé leur action contre ces trois dirigeants. En septembre 2013, ils avaient été déboutés, mais un jury de citoyens leur avaient ensuite donné raison par deux fois. Ces trois dirigeants ont été mis en examen en février 2016 et le procès vient de s’ouvrir. Le jury citoyen avait estimé qu’ils étaient responsables des blessures de 13 personnes suite aux explosions hydrogène et du décès de 44 patients d’hôpitaux.
L’ex-président du conseil d’administration du groupe Tokyo Electric Power (Tepco) au moment du drame, Tsunéhisa Katsumata (77 ans), ainsi que deux vice-présidents en charge des activités nucléaires, Sakaé Mutô (66 ans) et Ichirô Takékuro (71 ans), sont jugés pour négligence ayant entraîné la mort. Ils ont, sans surprise, plaidé non coupable en arguant qu’il était impossible de prévoir le tsunami qui a déclenché l’accident.
Les avocats de l’accusation ont souligné qu’un rapport interne à TEPCo daté de mars 2008 avait estimé qu’un tsunami pouvait atteindre une hauteur de 15,7 m à la centrale de Fukushima daï-ichi. Les calculs étaient basés sur une mise à jour, en 2002, des prédictions gouvernementales qui aboutissaient à un séisme de magnitude 8,2 au large de Fukushima. Et puis, il y a eu le tsunami de 2004 qui avait fait de nombreuses victimes en Asie de Sud-Est, et touché des centrales nucléaires indiennes. Cela avait conduit les autorités de l’époque à appeler à un renforcement des protections contre les raz de marée. La proposition de construire une digue de protection avait été présentée à MM Takékuro et Mutô, qui n’auraient rien fait. M. Katsumata était déjà président à l’époque et était responsable de la sûreté. Ils auraient dû agir immédiatement, selon l’accusation, et n’ont rien fait. 15 m, c’est la hauteur du tsunami à la centrale de Fukushima daï-ichi en mars 2011…
En 2009, M. Katsumata a aussi assisté à une réunion lors de laquelle a été discutée la possibilité d’une vague de tsunami de 14 m de hauteur.
Rappelons que la commission d’enquête parlementaire avait conclu que l’accident à la centrale de Fukushima daï-ichi était d’origine humaine car il aurait pu être évité. Lors des auditions menées dans ce cadre, M. Katsumata a assuré n’avoir pas été informé du calcul relatif à un tsunami de 15,7 m de hauteur. MM Takékuro et Mutô, en revanche, avaient admis avoir été informés.
A noter que ces trois ex-dirigeants de TEPCo ont refusé que leur témoignage devant la commission d’enquête mise en place par le gouvernement soit rendu publique. Pourtant les victimes de cette catastrophe nucléaire ont droit à connaître la vérité.
Rappelons qu’en mars dernier, le tribunal de Maebashi avait donné droit aux demandes de 137 personnes évacuées qui avaient ont saisi la justice pour obtenir une meilleure indemnisation. Le tribunal avait alors estimé que l’Etat et TEPCo avaient été négligents face à la menace d’un tsunami. Si TEPCo avait installé des générateurs diesels de secours en hauteur, l’accident aurait pu être évité. Si le gouvernement avait utilisé son pouvoir de contrôle pour imposer des mesures de protection à TEPCo, l’accident aurait pu être évité. C’était la première fois qu’un tribunal reconnaissait la responsabilité de l’Etat dans la catastrophe nucléaire. TEPCo et l’Etat ont fait appel.
Tôt ce matin, environ 700 personnes faisaient la queue pour pouvoir assister au procès mais seulement 54 ont pu entrer. Le procès devrait durer un an environ et les trois anciens dirigeants risquent jusqu’à 5 ans de prison ou une amende pouvant s’élever jusqu’à un million de yens.