C’est un des sujets les plus controversés de la catastrophe de Fukushima. Dans la nuit du 14 au 15 mars 2011, TEPCo aurait appelé la cellule de crise du premier ministre pour déclarer qu’elle se retirait de la centrale devenue trop dangereuse. Le premier ministre aurait alors ordonné de ne pas partir. TEPCo affirme qu’elle a été mal comprise et qu’il était évident qu’elle ne voulait pas abandonner la centrale, mais seulement y laisser un nombre minimum de travailleurs. Le premier ministre et les membres de son cabinet confirment que TEPCo a bien dit vouloir partir. Il n’y a aucun enregistrement de la conversation.
Le témoignage de l’ancien directeur de la centrale, Masao Yoshida, que l’Asahi a obtenu, apporte un éclairage nouveau sur cette affaire. Le quotidien a aussi interrogé Goshi Hosono, alors conseiller spécial du premier ministre, qui est devenu ensuite ministre de l’environnement et de la catastrophe, avant le changement de majorité.
Durant cette fameuse nuit, M. Yoshida aurait téléphoné deux fois à G. Hosono. La première fois, c’était pour dire qu’il était impossible d’injecter de l’eau dans le réacteur n°2 pour le refroidir. Il aurait aussi suggéré qu’il ne sera peut-être plus possible de travailler à la centrale. Ce qui signifiait, implicitement, qu’il faudrait évacuer les lieux.
Le deuxième appel était pour dire que l’eau avait pénétré dans la cuve du réacteur n°2. G. Hosono dit avoir alors senti la détermination de M. Yoshida, qui n’abandonne jamais.
C’est entre 2 et 3h du matin, le 15 mars, que la pression a commencé à augmenter significativement dans l’enceinte de confinement du réacteur n°2, faisant craindre le prire.
A peu près au même moment, le PDG de TEPCo essayait de joindre le ministre de l’industrie, Banri Kaieda. G. Hosono a entendu dire, par B. Kaieda et Yukio Edano, alors secrétaire général du gouvernement, que TEPCo voulait se retirer complètement.
G. Hosono a déclaré à l’Asahi que ce souhait d’abandonner la centrale a été évoqué par plusieurs directeurs à Tôkyô, dont le PDG, mais que cet avis n’était pas partagé par M. Yoshida. Son sentiment était que M. Yoshida voulait rester et le cabinet du premier ministre a décidé de le soutenir. La question était de savoir si le siège à Tôkyô voulait aussi soutenir les personnes sur place. Il a aussi ressenti un sentiment d’abandon chez les représentants de TEPCo présents à la résidence du premier ministre. La situation sur place, serait hors de contrôle, selon eux. Haruki Madaramé, chef de la sûreté nucléaire, semblait partager l’avis de TEPCo.
G. Hosono aurait conseillé au premier ministre, Naoto Kan, de suivre l’avis de M. Yoshida. Ce dernier aurait alors sermonné le PDG de TEPCo, Masataka Shimizu, lui faisant comprendre qu’un retrait était exclu.
Comme on le sait maintenant, vers 6h le 15, la situation s’est aggravée à la centrale. M. Yoshida a demandé aux travailleurs sur place de s’éloigner, mais de se tenir prêts à revenir. 90% des travailleurs se seraient enfui à la centrale de Fukushima daï-ni, située 12 km plus au sud. Le PDG actuel de TEPCo réfute ces allégations dans une lettre au New York Times : il reconnaît que les travailleurs sont allés à la centrale de Fukushima daï-ni, mais il explique qu’ils n’ont pas désobéi et qu’ils sont revenus quand ils en ont reçu l’ordre.
Jusqu’à maintenant, G. Hosono a refusé les interviews à propos de cette catastrophe. Mais, après 3 ans, sa mémoire commence à le trahir et il pense qu’il est temps d’apporter son témoignage.
Selon l’Asahi, M. Yoshida, aurait déclaré à la commission d’enquête gouvernementale :
« C’est parce que l’eau ne pénétrait pas. Sans eau, le combustible va juste fondre. »
« Cela peut être le plutonium, cela peut être autre chose, mais toutes les substances contenues dans le combustible vont sortir. Cela va être beaucoup plus sérieux que le césium actuel, car toutes les substances radioactives vont être rejetées et dispersées. On imaginait l’effondrement de l’Est du Japon »
« La situation va devenir plus grave qu’à Tchernobyl, peut-être pas exactement comme dans le film le syndrome chinois, mais quelque chose comme cela. Puis on devra aussi arrêter d’injecter de l’eau dans les réacteurs 1 et 3. »