Le problème du plutonium au Japon

Le Japon veut absolument avoir une industrie plutonium, malgré les nombreux déboires accumulés. Son usine d’extraction du plutonium, dite de “retraitement”, à Rokkashô-mura (Aomori) n’a jamais pu démarrer. Après plus d’une vingtaine de reports, le gouvernement n’abandonne pas. Son surgénérateur, Monju à Fukui, n’a même pas pu fonctionner une année complète depuis sa mise en service en 1994. Il devrait créer plus de plutonium qu’il n’en consomme. Il devrait surtout permettre d’avoir du plutonium de qualité militaire.

Mais l’Agence de régulation nucléaire, la NRA, a suspendu tous les tests à Monju à cause de graves violations des règles du sûreté. Malgré cela, de nouveaux problèmes sont découverts à chaque inspection et la NRA a du mal à évaluer la sûreté du réacteur à cause du manque de rigueur dans la gestion des données. Lors d’une réunion qui a eu lieu le 30 septembre dernier, des commissaires de l’agence ont même expliqué que plus personne ne pouvait faire confiance à “l’exploitant”, la Japan Atomic Energy Agency. La situation est qualifiée de sérieuse par le président de la NRA. La suspension de toute opération est maintenue.

L’exploitant a répondu prendre au sérieux les exigences de la NRA et s’est engagé à améliorer ses procédures en mettant la priorité sur la sûreté. De la belle langue de bois, car les problèmes perdurent. Ce réacteur, sans avenir, et beaucoup plus dangereux qu’un réacteur classique, devrait être arrêté définitivement.

Malgré ces problèmes techniques, le gouvernement veut son plutonium, alors il s’acharne, quitte à renforcer les risques de prolifération. La fondation Carnegie Endowment for International Peace vient de publier un rapport (au format pdf) sur le plutonium au Japon dans lequel elle demande explicitement au pays de respecter son engagement à limiter sa production à ce qui peut être utiliser dans les réacteurs nucléaires. Et comme il n’y en a qu’un seul en fonctionnement, avec du combustible classique, il n’y a pas lieu d’extraire du plutonium actuellement. Mais comme les piscines de combustible usé sont proches de la saturation et que le gouvernement s’est engagé à faire tourner l’usine d’extraction, un tel engagement n’est pas tenable en interne. L’exploitant, qui doit rembourser ses emprunts, espère toujours pouvoir démarrer son usine et l’exploiter au maximum de ses capacités. Arrêter le “retraitement” aurait un impact énorme auprès des autorités locales d’Aomori et sur les finances publiques. Comment gérer ces contradictions ? Le gouvernement japonais est muet sur ces questions et cela inquiète ses voisins.

Ce rapport a été repéré par Enerwebwatch.