L’agence de presse Reuters continue à enquêter sur les conditions de travail après la catastrophe nucléaire. Elle propose un article, des photos et une vidéo sur des sans-abris embauchés dans des travaux de décontamination. A lire !
La pénurie de main d’oeuvre incite donc les compagnies à user de tous les moyens pour trouver des travailleurs qui acceptent de faire le sale boulot pour un salaire ridicule, souvent inférieur au salaire minimum après les ponctions de chaque couche de sous-traitance. Les sans-abris recrutés à Sendaï (Miyagi) interrogés par Reuters travaillaient sur un chantier de la deuxième compagnie de construction du Japon, Obayashi, une des majors du bâtiment qui ont remporté les marchés de décontamination sans aucune expérience.
Le recrutement des personnes les plus vulnérables pour servir de main d’oeuvre sur les chantiers est souvent contrôlé par la pègre.
Les nombreuses couches de sous-traitance permettent tous les abus et rendent les contrôles difficiles. Reuters a dénombré 733 compagnies impliquées dans les chantiers de décontamination des zones les plus contaminées prises en charge par le gouvernement et l’autoroute. Parmi elles, 56 ne sont pas habilitées par le ministère de l’environnement. Les contrats associés représentent 2,5 milliards de dollars.
L’agence a aussi découvert 5 compagnies fantômes, sans adresse, téléphone, site Internet, ni enregistrement.
Le ministère de l’environnement, qui gère là son plus gros budget depuis qu’il existe, se défausse entièrement sur les quelques majors qui ont remporté les contrats. Elles mêmes sous-traitent tout et ne contrôle pas la situation. Un patron d’une compagnie sous-traitante avoue que s’il commençait à contrôler tous les contrats, cela n’avancerait pas et il n’aurait pas le dixième de la main d’oeuvre nécessaire. Alors tout le monde ferme les yeux.
Ces problèmes de sous-traitance existaient déjà avant la catastrophe dans le bâtiment et la décontamination nucléaire. Ils ont été exacerbés par l’ampleur de la tâche suite à la catastrophe, la pénurie de main d’oeuvre et l’attrait de la prime de risque de 100 000 yens par jour qui n’est pas toujours versée aux travailleurs. Selon la police qui a enquêté sur les sans-abris de Sendaï, seulement un tiers de ce qui est versé par Obayashi arrive dans la poche des travailleurs journaliers. Après leur avoir pris les frais de logement et nourriture, il ne leur reste plus que 6 dollars de l’heure, ce qui est moins que le salaire minimum qui est 6,5 dollars de l’heure. Certains sans-abris auraient même des dettes quand tous les frais ont été déduits !
Le recruteur des sans-abris à Sendaï a été arrêté en novembre et relâché sans charge car la police voulait remonter la chaîne de d’embauche et coincer la pègre locale qui logeait les sans-abris dans des dortoirs insalubres et se faisait 10 000 dollars par mois sur leur dos. Le membre de la pègre qui a été arrêté, a dû payer une amende de 2 500 dollars. La compagnie qui a embauché les sans abris envoyés par la pègre a eu une amende de 5 000 dollars, son manager aussi. Elle les a ensuite envoyés à une autre compagnie, à peine plus grosse, qui prétend n’avoir prélevé que 10 dollars par personne avant de les envoyer au véritable sous-traitant. Cette deuxième compagnie et son manager ont aussi eu une amende de 5 000 dollars chacun. Elle prétend que si l’on ne traite pas avec la pègre, il n’est pas possible d’avoir de la main d’oeuvre : ce serait toujours ainsi dans le bâtiment. Quant sous-traitant sur les chantiers, il prétend ne pas être au courant du recrutement. Cette compagnie et la major du bâtiment, n’ont pas été punies.
Des pratiques similaires existent sur les chantiers de traitement des débris du tsunami.
Par ailleurs, le gouvernement japonais va autoriser les ouvriers engagés dans la décontamination et la réhabilitation des zones évacuées à dormir sur place si l’exposition externe est inférieure à une dose équivalente à 20 mSv/an. Il s’agit de satisfaire à une demande des compagnies et des autorités locales afin de gagner sur le temps de transport pour accélérer la décontamination. La dose en dehors des heures de travail va-t-elle être prise en compte ?
Les habitants originaires de ces zones peuvent rentrer dans la journée mais ne sont pas autorisés à dormir sur place. Les municipalités devront en faire la demande auprès du gouvernement. Iitaté l’a déjà fait.